L’Égypte déstabilise un peu plus le secteur touristique russe

Le 5 novembre 2015, des touristes russes à l'aéroport de Charm el-Cheikh, en Égypte.

Le 5 novembre 2015, des touristes russes à l'aéroport de Charm el-Cheikh, en Égypte.

AP
L'Égypte, l'une des destinations de vacances les plus populaires auprès des Russes, est désormais interdite aux avions du pays. Ainsi, le secteur touristique russe pourrait perdre plus de 50 millions d'euros, alors que les experts prédisent une vague de faillites.

Le 6 novembre dernier, la Russie a suspendu sa communication aérienne avec l'Égypte, et décidé de rapatrier les ressortissants russes qui s'y trouvaient. Les touristes reviennent avec les vols des compagnies qui les ont transportés en Égypte, tandis que leurs bagages sont rapatriés par les avions du ministère des Situations d'urgence (MSU).

L'Égypte est la destination la plus populaire auprès des Russes, selon les statistiques de l'Agence fédérale russe pour le tourisme Rostourisme. L'Égypte représente 30% de tous les voyages touristiques russes, soit environ 3 millions en 2014, confirme Dmitri Gorine, vice-président de l'Association des tour-opérateurs de Russie (ATOR).

Des dizaines de millions de dollars de pertes

Actuellement, quelque 80 000 touristes russes se trouvent en Égypte, selon les estimations de l'administration russe.

Les agences de voyages reconnaissent subir des pertes sur les vols qui partent à vide en Égypte uniquement pour récupérer les touristes dans les stations balnéaires. Ils perdent la moitié du prix du billet d'avion pour chaque siège vide, indiquent Anna Podgornaïa de Pegas Touristik et le président de Natalie Tours Vladimir Vorobiev. Ainsi, avec un prix moyen du voyage aller-retour de 232 euros par personne, les tour-opérateurs perdront un total d'environ 9,3 millions d'euros.

À cela s'ajouteront les pertes liées aux vols non-effectués. Selon les estimations de l'ATOR, quelque 70 000 voyages prévus avant le Nouvel An ont déjà été vendus. Avec un prix moyen du voyage de 743 euros par personne, cela représente une perte de 52 millions d'euros minimum pour le secteur.

Les avances versées aux hôtels égyptiens représentent une autre perte potentielle. Après la vague des faillites des tour-opérateurs l'année dernière, une avance sur paiement est exigée par pratiquement tous les hôteliers, explique Podgornaïa. Désormais, les voyagistes devront s'arranger avec les partenaires locaux leur promettant de leur assurer le même volume de réservations une fois la communication aérienne rétablie.

Avec le début du printemps arabe en janvier 2011, le ministère russe des Affaires étrangères a déconseillé aux Russes de se rendre en Égypte et les vols ont été suspendus pendant deux mois. Les pertes de l'industrie du tourisme ont alors dépassé 186 millions d'euros.

La faillite n'est pas pour tout le monde

Pour les tour-opérateurs, l'annulation massive des voyages vers la destination la mieux vendue pourrait signifier une condamnation à la faillite, estime Irina Tiourina, porte-parole de l'Union russe de l'industrie du tourisme (RST). La seule solution pour acteurs de la filière est de proposer de changer la destination ou de reporter le voyage.

La Turquie, Chypre et les stations asiatiques, par exemple, la Thaïlande, pourraient être des destinations alternatives. 20 à 30% des clients acceptent de changer de destination, a déclaré Arkadi Dvorkovitch, vice-premier ministre russe, samedi dernier.

Outre le changement de destination, les tour-opérateurs proposent à leurs clients de déposer le montant déjà payé sur un « compte » : reporter les vacances et réserver un autre voyage pour décembre ou après le Nouvel An (si celui-ci est plus cher, ils devront régler la différence, s'il est moins onéreux, le tour-opérateur remboursera).

Pour le moment, on ignore combien de temps la communication aérienne avec l'Égypte restera suspendue. Samedi dernier, Dvorkovitch a parlé de plusieurs semaines au minimum – en attendant un audit et de nouvelles mesures de sécurité. Le 8 novembre dernier, le premier ministre Dmitri Medvedev a demandé l'élaboration d'un programme de soutien aux voyagistes.

Avis des touristes russes sur l'interdiction 

À Moscou, les employés du ministère des Situations d'urgence postés à des comptoirs d'information dans les aéroports de Vnoukovo et Domodedovo aident les touristes russes revenus d'Égypte. La plupart des gens les sollicitent pour retrouver les bagages arrivés la veille.

« À l'arrivée, nous sommes tous invités à remplir une déclaration de recherche des bagages perdus, cette procédure s'applique à tout le monde », raconte Ioulia, ressortissante de Tver, au quotidien Kommersant. Pour la recherche de ses bagages, elle devra rester plusieurs jours à Moscou. « Lorsque nous avons embarqué, nos bagages ont été chargés dans le cargo du MSU », raconte Evgueni, originaire de Iakoutsk. « Mais je ne sais pas comment les récupérer, ils ne nous l'ont pas expliqué. Mon vol retour Moscou – Iakoutsk est dans deux jours. Si je n'arrive pas à les récupérer, je devrai sans doute faire un papier et les laisser. J'espère qu'ils arriveront à Iakoutsk ».

Les touristes qui devaient partir pour la mer Rouge sont en désarroi. « Un jour avant le départ, on nous a dit qu'il valait mieux se rendre à l'aéroport et faire écrire sur les billets que nous étions prêts à partir, même si le vol était annulé », raconte le touriste malheureux Vitali Iarovski. Il explique que le tour-opérateur lui a proposé un voyage de remplacement : « Nous avons pensé à la Thaïlande, mais il n'y avait plus de place. Les hôtels thaïlandais ne pouvaient accueillir tous ceux qui n'ont pas pu partir en Égypte. Par ailleurs, l'écart de prix est sensible ». Au final, le voyagiste s'est engagé à le rembourser sous 30 jours.

« Le changement de destination est un système rodé », explique Ksenia Kaourova, touriste russe qui se trouve actuellement à la station balnéaire de Dahab, à 100 km au nord de Charm el-Cheikh, où la saison de kitesurf bat son plein. « Pendant la révolution (événements survenus en Égypte entre 2011 et 2013), c'était la même chose. Comme maintenant, les surfeurs cherchaient alors un moyen de rejoindre Dahab, car Dahab n'a pas beaucoup d'équivalents, ni pour le prix, ni pour le vent ». Ksenia Kaourova explique qu'aucun signe de panique n'est actuellement visible à Dahab : « Tout le monde est heureux de faire du kite, il y a plein de gens et personne ne part en avance. Dimanche, plusieurs autres personnes sont arrivées – ils ont voyagé depuis Moscou sur les vols d'Egyptair et de la compagnie turque Pegasus ».

Sources :  RBC Daily, Vedomosti, Kommersant

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