Antoine Galavtine. Source : archive personnelle |
Moscou, la natation, faire des bonds entre la France et la Russie : tout cela semblait couler de source pour Antoine Galavtine. Son père Vladimir, champion du monde junior de pentathlon pour l'URSS, avait justement rencontré sa mère à la piscine Tchaïka de Moscou, à deux pas du métro Park Kultury. Le 27 novembre 1985, le couple franco-russe voyait naître Antoine à La Rochelle en France, les pieds dans l'Atlantique.
Depuis, sa vie est un véritable grand écart : après deux ans de prime enfance dans une Russie encore soviétique, il déménage ensuite à Londres avec ses parents, qui poseront finalement leurs valises en France en 1988. La natation, il commencera doucement à l'âge de neuf ans, avec son père, sans pression. C'est lui qui lui transmettra l'amour de la nage.
A l'école de la Russie
Sa mère nommée chef de la représentation de BNP Paribas à Moscou, il retrouve sa seconde patrie en 1997. Là, il aura le temps d'accumuler des souvenirs d'une ville en pleine ébullition. « Des bons, des moins bons... C'était le début de l'adolescence, les premiers amis chers, la liberté », raconte-t-il.
Élève au lycée français, il s'étonnait des « voitures noires avec leurs gyrophares, protégées par des gardes du corps armés de mitraillettes, alors que ce n'était ni la police ni l'armée ». Les trottoirs impraticables, aussi. Et ce professeur camerounais qui n'avait pas pu donner son cours au lycée car il avait été attaqué par une bande de skinheads. Ce sera aussi les premiers amours de jeunesse.
L'âge d'or en équipe de France
Antoine Galavtine (à droite) avec des membres de l'équipe de France. Source : archive personnelle
Paris, 2001 : c'est le début du succès. Enfant de la génération Alain Bernard et Amaury Leveaux, Antoine Galavtine revient en France en pleine effervescence de la natation bleu-blanc-rouge. Licencié au Racing Club de France - aujourd'hui le Lagardère Paris Racing - il fait ses classes à l'Institut national du sport (INSEP).
« Ça marchait très bien pour moi, j'ai récolté six médailles d'or à cette époque, battu l'américain Ian Thorpe en 50 m nage libre pendant la coupe du monde en 2003 et même mon idole, la légende Alexander Popov en 50 m papillon », raconte-t-il. « Monsieur, est-ce que je peux sortir de classe un moment ? C'est Laurent Ruquier au téléphone pour moi » : tout roule alors pour Antoine Galavtine. « C'était courant à l'époque. A l'INSEP on avait toujours un ami en stage international, en compétition, en interview », se rappelle-t-il.
2007. Il part s'entraîner en Suisse avec Guennadi Touretski, le coach d'Alexander Popov, son idole. Il descend sous la barre symbolique des 50 secondes au 100 m nage libre, passe à côté des qualifications pour le relais français des JO de 2008, puis bat le record du monde du 4x50 m nage libre avec l'équipe de France de relais à Rijeka, en Croatie. Il fixera encore le record de France du 100 m 4 nages, son « épreuve de prédilection », à 52,72 secondes.
Des bassins au monde des affaires
En 2011, il arrête. « J'avais fait une overdose de natation, et je voulais terminer mes études », commente Antoine Galavtine. Il obtient alors sa licence au prestigieux Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) de Paris, option commerce international, puis file à Tomsk rejoindre un ami qui y organisait les championnats du monde de nage avec palmes, comme invité d'honneur.
Lors de son escale à Moscou pour revoir ses grands-parents, il rencontre Elizaveta. En août 2012, ils se marient à Moscou. C'est là que recommence l'aventure russe d'Antoine Galavtine.
Chargé de développement à la Chambre de commerce et d'industrie franco-russe (CCIFR), il nourrit plusieurs idées de business et hésite encore entre lancer sa marque de vêtements ou ouvrir une agence pour les sportifs de haut niveau... Finalement, ce sera une boulangerie.
« Comme à Paris », une boulangerie française
Source : archive personnelle |
Un emplacement s'était libéré à l'éco-marché de Kunkovo et sa tante, qui y travaillait, lui en a touché un mot. Ce marché couvert, orienté vers les produits haut de gamme, semblait coller au concept qui lui tenait à cœur. Antoine Galavtine s'est lancé : le 27 décembre 2014, la boulangerie française « Comme à Paris » ouvrait ses portes.
« Je voulais proposer quelque chose de bon, d'inhabituel, donner la possibilité de goûter au pain français ou, pour les Russes qui avaient déjà visité Paris pour une journée ou deux, de vivre un moment de nostalgie », explique-t-il.
Centre des impôts, documents administratifs, financement du premier four et du mobilier... Antoine Galavtine a tout fait tout seul. « Le capital de départ n'était pas énorme - 50 000 roubles pour le four (670 euros), 30 000 roubles pour le frigo (400 euros), 60 000 roubles de mobilier (800 euros)... Une machine à café et une vitrine aussi. L'important, c'était surtout le capital motivation ». Pour les matières premières, il se fournit principalement en Russie, et en France « pour les produits trop spécifiques ».
Les six premiers mois, il tenait lui-même la boutique de 9h à 21h, sept jours sur sept. « J'ai rapidement noué de bons contacts avec les autres boutiques du marché - j'ai la chance de parler russe », souligne-t-il. Aujourd'hui il peut déjà se permettre de salarier deux jeunes vendeurs et de recourir aux services d'une société extérieure pour la gestion administrative. En octobre, il aura trois employés à plein temps.
La crise ? Un effet « limité »
Et la concurrence dans tout ça ? « Tout d'abord, il faut distinguer les boulangeries "à la française" des "vraies" boulangeries-pâtisseries françaises à Moscou. Chez nous, les artisans boulangers et pâtissiers sont français et tout est préparé selon les méthodes et traditions françaises, note-t-il. Et durant ma carrière sportive, la concurrence était omniprésente. Elle pousse à innover, à se démarquer des autres. Dans notre cas, elle incite à créer de nouveaux goûts, de nouvelles recettes. Je considère que les conditions sont favorables à partir du moment où il y a une équipe motivée qui croit au projet, et que ce que nous faisons plaît aux gens ».
Aujourd'hui la clientèle est essentiellement russe, et le chiffre d'affaires en constante augmentation. « L'impact de la crise est limité sur mon activité », précise Antoine Galavtine. Et d'ajouter : « Je ne m'inquiète pas pour ça. Aujourd'hui je pense plus au développement qu'au retour sur investissements ». Il négocie actuellement l'ouverture d'un stand dans un grand centre commercial de luxe du centre de Moscou et compte engager à plein temps un boulanger et un pâtissier. L'agrandissement de ses locaux et l'achat d'un nouveau four sont également au programme.
« Comme à Paris », c'est 364 jours de travail par an (le seul jour chômé est le 1er janvier). « Depuis 2014, je n'ai pas remis une seule fois le pied dans l'eau ! », sourit Antoine Galavtine. Un sacrifice à la hauteur de ses ambitions.
Comme à Paris
Boulangerie française
Adresse : 126/3 Profsoyouznaya ulitsa (Metro Konkovo)
Horaires d'ouverture : tous les jours de 8h30 à 21h
Gamme de prix : 120 roubles pour une baguette et 60 roubles pour un vrai croissant pur beurre.
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