La boutique Hermès au Goum, à Moscou.
Getty ImagesLoin de se laisser abattre par le net ralentissement de l’économie russe constaté depuis la fin de l’année dernière, les acteurs du marché du luxe restent optimistes sur les perspectives qu’offre ce marché à long terme. Preuve en est, la bonne centaine d’acteurs de ce marché qui a assisté à un séminaire organisé à Moscou par la Chambre de commerce et d’industrie franco-russe (CCIFR) qui avait pour thème les enjeux du marché du luxe au regard des difficultés économiques actuelles de la Russie.
Fidéliser la clientèle en dopant le service
Une seule recette pour les marques : fidéliser une clientèle exigeante et avide de nouveautés exclusives dont les comportements d’achat ont évolué. En effet, le flux de touristes russes qui se rendait habituellement en Europe et qui y achetait des articles de luxe a reculé de 33,5%. Mais si ces clients font désormais des économies sur leurs voyages ou leur sorties au restaurant, ils n’ont pas pour autant renoncé à se faire plaisir. Ils achètent toujours des articles de luxe, moins, et en Russie.
« Les gens qui en ont les moyens vont par exemple acheter un sac Hermès plutôt que deux ou trois sacs d’une marque moins exclusive », explique Anna Lebsak-Kleymans, directrice générale de Fashion Consulting Group (FCG). Pour ce qui est de la mode, « les personnes à haut revenu constituaient 65% des ventes totales du secteur » et compte tenu de la crise, « elles vont dorénavant constituer entre 80% et 90% des ventes », poursuit la directrice.
Forte croissance des accessoires
D’où l’importance que les acteurs du secteur doivent attacher au service clientèle, pour continuer à tisser le lien qui lie la marque à ses clients. Une analyse récente de FCG montre combien la compétition que se livrent les acteurs du luxe est importante. Les flux de clients dans les immenses galeries marchandes russes ont nettement baissé, de 20% à 50% selon les malls alors que les boutiques ont vu leur fréquentation diminuer dans des proportions qui peuvent atteindre 60%.
Si l’on attend pour 2015 un recul des ventes d’au moins 20% dans le secteur du luxe en Russie, un segment semble échapper à cette morosité, c’est celui des accessoires de mode, principalement les sacs à main et les chaussures, dont les ventes ont progressé de 143%. « Les acheteuses considèrent en effet ce type d’achat comme un investissement », explique Anna Lebsak-Kleymans, contrairement aux vêtements. Par ailleurs, les chaussures profitent en Russie d’un engouement particulier. « A niveau de revenu égal, les Russes ont plus de chaussures que dans le reste du monde. C’est comme ça », s’amuse l’intéressée.
Moscou plutôt que les régions
Autre tendance, directement liée aux turbulences économiques, constatée sur le marché russe, c’est le recentrage des marques sur la capitale où le salaire moyen (près de 830 euros) reste deux fois plus important que dans le reste du pays. « Entre les mois de septembre 2014 et 2015, 28% des boutiques multimarques des segments luxe et premium ont fermé », remarque Darya Yadernaya, directrice générale de Y consulting. Mais attention, cela ne signifie pas que le luxe n’a plus sa place en Russie, cela veut simplement dire « que le marché peut tolérer une ou deux enseignes prestigieuses là où l’on en trouvait cinq ou six auparavant », poursuit Darya Yadernaya.
Car le ralentissement de l’économie russe est également porteur d’opportunités. Compte tenu de l’effondrement du rouble, la Russie est devenue bien meilleur marché et cette période est propice pour trouver de nouveaux emplacements pour des boutiques à des prix abordables. Pour Anna Lebsak-Kleymans, même de nouveaux entrants peuvent profiter de cette période agitée pour se faire une place en Russie mais pas à n’importe quelles conditions. « Les gens veulent de l’émotion et ne paieront pas pour une marque faible », souligne la directrice générale de FCG.
A défaut de disposer d’un produit de niche, exclusif, d’avoir ciblé très précisément le segment de clientèle qu’elle veut séduire, de disposer d’un service clients irréprochable et de pratiquer une stratégie de prix « à l’européenne », une marque qui voudrait rentrer aujourd’hui sur le marché du luxe n’a que très peu de chances d’y arriver.
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