Forum de Saint-Pétersbourg : pendant que la politique aboie, l’argent parle

Crédit : Vladimir Smirnov/TASS

Crédit : Vladimir Smirnov/TASS

Le Forum économique international de Saint-Pétersbourg (FEISP), qui se déroule chaque année, ouvre ses portes en pleine confrontation entre la Russie et l’Occident, un jour après que les ministres de l’UE se soient entendus pour prolonger les sanctions contre Moscou jusqu’en janvier 2016 sur fond de crise ukrainienne. Mais contrairement à l’année passée, beaucoup de chefs d’entreprise européens, et même américains, ont choisi de se rendre au forum, même s’ils sont beaucoup moins nombreux que leurs homologues asiatiques.

Le nombre de participants étrangers a dépassé celui de 2014, où seulement 4 700 entrepreneurs en provenance de 73 pays s’étaient déplacés au forum. Cette année, 5 072 confirmations avaient déjà été enregistrées une semaine avant l’ouverture de l’événement.

Depuis 2006, le forum se tient sous les auspices du président de la Fédération de Russie, qui a toujours ajouté une connotation politique à la participation ou l’absence des « capitaines de l’industrie » et des magnats de l’investissement. Cette année n’a pas vraiment été marquée par des signes d’apaisement dans les relations avec l’Occident, toujours engagé dans une guerre des sanctions contre la Russie, tandis que cette dernière se rapproche de plus en plus des nouvelles puissances économiques d’Asie.        

De façon assez surprenante, l’administration américaine a décidé de laisser le choix aux représentants du monde des affaires américains de se rendre dans la capitale du Nord de la Russie s’ils le désirent. Un diplomate américain, cité par le Financial Times sous le couvert de l’anonymat, a indiqué que le message était : « Si vous demandez notre avis, nous vous conseillerons une nouvelle fois de ne pas y aller, mais rien ne se passera si vous ne le demandez pas »

Le magazine britannique a interprété cela comme « une approche plus souple, qui contraste avec la position de l’année dernière », lorsque les porte-paroles de la Maison blanche avaient, au nom du président américain Barack Obama, appelé les chefs d’entreprise à éviter de prendre part à ce que certains surnomment « la fête de Poutine ». Mais malgré ce léger changement de ton, les États-Unis ne seront pas représentés en masse.

Cette sous-représentation des entreprises américaines et européennes au Forum économique de Saint-Pétersbourg est compensée par le grand nombre de patrons de sociétés asiatiques, dont Jack Ma, fondateur groupe Alibaba, plus grande société de commerce électronique en Chine. Deuxième fortune de l’Empire du Milieu (Ma occupe la 33ème position au classement mondial des milliardaires établi par le magazine Forbes avec plus de 19 milliards d’euros), il incarne une « success story » chinoise et sera orateur et invité d’honneur à l’événement.

Qu’est-ce qui attire les plus grands patrons étrangers au forum de Saint-Pétersbourg ? L’homme d’affaires finlandais Pekka Viljakainen, conseiller principal du président de la fondation Skolkovo, s’est confié à RBTH :

« Je suis un vétéran du forum de Saint-Pétersbourg : c’est ma septième ou huitième participation. C’est l’endroit idéal pour créer des liens avec les bonnes personnes. On y rencontre beaucoup de représentants des régions russes, dont des gouverneurs, ainsi que des sociétés internationales qui font des affaires en Russie ou comptent en faire. En tant que représentants de Skolkovo, nous promouvons notre incubateur de hautes technologies comme cible d’investissements. Mais nous sommes aussi, et surtout moi, à la recherche de projets dans lesquels nous pourrions investir. Dans son ensemble, ce forum constitue une grande plateforme où l’on peut rencontrer toutes les personnes nécessaires en trois jours ».

Selon l’homme d’affaires, le marché russe reste attractif pour les investisseurs étrangers :  « Que ce soit en termes de taille, de croissance ou de technologies. Mais seulement lorsque vous possédez un solide réservoir d’investisseurs. Le marché russe est intéressant, toutefois les incertitudes liées à la durée de la situation actuelle et son dénouement persistent. Certains partenaires hésitent ainsi à se lancer. Le manque de clarté et de sécurité est mauvais pour la mise en place de projets. Cela reste une arme à double tranchant. J’espère personnellement que toutes les parties vont travailler là-dessus ».

Les « capitaines de l’industrie » européenne figureront en bonne place au forum. L’Union européenne reste le troisième partenaire commercial de la Russie, avec un chiffre d’affaires de près de 300 milliards d’euros en 2014. Pas étonnant que les patrons des géants de l’énergie européenne comme Shell, BP et Total ne manquent pas à l’appel. 

De plus en plus de gens semblent se rendre compte qu’en Europe, les sacrifices économiques consentis pour soutenir les sanctions sont nombreux et assez coûteux (réalité que même Barack Obama a reconnue), alors que l’impact de ces restrictions sur les États-Unis est nul.

Ainsi, le géant allemand des technologies Siemens et son rival français Alstom, fortement implantés en Russie et ce depuis longtemps, ont été déçus lorsque le contrat pour la construction d’une voie rapide de 775 kilomètres entre Moscou et Kazan a été octroyé à un consortium chinois. Et on peut les comprendre.

Le Forum économique international de Saint-Pétersbourg a mis en lumière la déconnexion saisissante entre la politique et l’économie au sujet des relations compliquées qu’entretiennent actuellement l’Occident et la Russie. Prouvant une nouvelle fois, s’il le fallait, que le monde des affaires préfère ne pas aller là où la politique aboie, mais là où l’argent parle.

 

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