Gaz : les négociations butent à nouveau

Crédit : Reuters

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La Russie et l’Ukraine ne sont pas parvenues à s’entendre sur la reprise des livraisons de gaz, malgré les accords de principe atteints par les dirigeants réunis lors d’un mini-sommet à Milan la semaine dernière. L’UE a échoué à trouver l’argent pour payer le gaz destiné à l’Ukraine et a proposé d’introduire un intermédiaire européen dans le schéma de livraison de gaz. Toutefois, Gazprom rejette cette proposition. Le manque de moyens et le changement imminent des négociateurs de la Commission européenne pourraient reporter la résolution du conflit à la fin de l’année.

Les négociations gazières entre la Russie et l’Ukraine avec la médiation de l’UE ont de nouveau échoué. Moscou ne cache pas que la principale raison de cet échec est l’incapacité de Bruxelles à réunir 1,28 milliard d’euros pour le prépaiement du gaz que l’Ukraine compte acheter à Gazprom. Il y a une semaine, à l’issue des pourparlers avec la chancelière allemande Angela Merkel et le président français François Hollande, Vladimir  Poutine expliquait que les Européens pourraient régler la dette gazière ukrainienne en fournissant un prêt-relais ou des garanties de la Banque européenne. Toutefois, aucun officiel européen n’a confirmé jusqu’à présent que cette option était sur la table. Ainsi, le commissaire européen Günther Oettinger a fait comprendre que l’Ukraine devait trouver l’argent elle-même, notamment en utilisant l’aide macroéconomique déjà accordée par l’Union. « Dans les prochains jours, nous ferons tout pour que nos amis ukrainiens annoncent un montant concret de paiement qui pourrait servir à régler le gaz », a-t-il déclaré.

Kiev cite d’autres raisons expliquant l’échec de ces négociations. Le ministre ukrainien de l’Énergie Iouri Prodan explique que Gazprom refuse d’apporter des gages juridiques garantissant que le prix des livraisons restera au niveau constant de 308 euros pour 1 000 m3 jusqu’au 31 mars 2015, et que le volume atteindra au moins 4 milliards de m3. Selon les informations de Kommersant, Gazprom considère que ces exigences sont une ruse susceptible d’affaiblir la position du monopole russe à la cour d’arbitrage de Stockholm.

Rappel du schéma des années 2000

L’UE considère que l’une des solutions potentielles consisterait à utiliser une société intermédiaire entre Gazprom et Naftogaz. « Nous avons proposé la chose suivante : si Naftogaz ne peut pas payer une livraison, la compagnie européenne devra assumer le règlement de ce gaz, puis le revendre à Naftogaz, explique Günther Oettinger. Nous n’excluons pas que les sommes destinées à financer le transit du gaz russe puissent également être utilisées pour le règlement (des livraisons à l’Ukraine, ndlr). Selon les informations de Kommersant, cette proposition était avancée par Kiev et reflétait le consensus trouvé entre l’Ukraine et l’UE suite aux consultations entre Günther Oettinger et le premier ministre Arseni Iatseniouk du 20 octobre dernier. »

« La principale raison pour laquelle un intermédiaire européen est nécessaire est le refus de Gazprom de compléter l’accord avec un paragraphe portant sur la responsabilité pour livraison insuffisante de carburant et les pénalités correspondantes », explique une source de Kommersant au sein du ministère ukrainien de l’Énergie. Selon elle, Kiev craint notamment qu’en cas de brusques variations des températures, Gazprom ne refuse d’accroître les livraisons de manière souple, ce qui pourrait conduire à des interruptions dans l'approvisionnement de l’Ukraine en gaz, car les « réservoirs du pays contiennent très peu de gaz ». Il sera donc difficile de couvrir les pics de consommation intégralement. L’interlocuteur de Kommersant informé de la position de la Commission européenne ajoute que l’Europe rechigne à donner de l’argent à Naftogaz directement : « La compagnie n’est pas transparente, elle a énormément de subventions croisées et un faible niveau de paiement par les consommateurs. Il est difficile de surveiller où va l’argent ».

Le 22 octobre, Alexandre Novak a annoncé que le groupe français GDF Suez était proposé comme intermédiaire potentiel. GDF s’est abstenu de tout commentaire.

Les relations gazières russo-ukrainiennes ont toujours été basées sur des schémas impliquant des intermédiaires : au début des années 2000, le gaz d’Asie centrale était vendu à l’Ukraine par Itera, remplacée ensuite par le négociant suisse RosUkrEnergo. Après la signature du contrat en cours en 2009, l’intermédiaire entre Gazprom et Naftogaz a été supprimé.

Cette fois, Gazprom a accueilli l’idée d’un intermédiaire avec une hostilité non dissimulée. « La Russie n’étudie pas l’apparition d’une éventuelle société intermédiaire européenne qui achèterait le gaz à la frontière russo-ukrainienne », a déclaré le patron de Gazprom Alexeï Miller.

« La présence d’un intermédiaire est avantageuse pour l’Ukraine, car ce dernier assumerait tous les risques liés à la coopération avec Gazprom. Ainsi, la compagnie russe ne serait plus en mesure de convaincre Naftotaz de signer un contrat désavantageux avec Gazprom », explique l’expert du Fonds ukrainien des stratégies énergétiques Youri Korolchouk. Il estime qu’une compagnie européenne telle que GDF Suez serait moins sensible à la pression de la part de Gazprom, et pourrait adopter une ligne plus dure lors des négociations.

Le prochain cycle de négociations est prévu le 29 octobre, le mandat de la composition actuelle de la Commission européenne expirant le 31 octobre. Cela signifie que Günther Oettinger, chargé des questions gazières depuis 10 ans, sera remplacé. Son successeur aura sans doute besoin de temps pour se familiariser avec la situation. Cela pourrait retarder encore davantage les négociations. Entretemps, la saison de chauffage a officiellement commencé pour Naftogaz : le 20 octobre, le volume d’extraction de gaz des réservoirs souterrains a, pour la première fois, dépassé celui du remplissage. Les réserves actuelles des installations de stockage permettront à l’Ukraine de tenir confortablement jusqu’au Nouvel An.

Article complet disponible sur le site de Kommersant

 

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