Usine Renault à Moscou.
AFP / East NewsRenault a publié fin juin ses résultats financiers pour le premier semestre 2014. Ils indiquent que les pertes de l’entreprise imputables à sa filiale russe AvtoVAZ s’élèvent à 55 millions d’euros. Les bénéfices nets du groupe français s’élevant à 801 millions d’euros sur cette période, le trou n’est pas catastrophique. Mais il reflète une spirale qui pourrait pousser la direction parisienne à perdre patience : en un an, les pertes d’AvtoVAZ ont été multipliées par 5,5.
Le marché automobile russe traverse une mauvaise passe
Un autre facteur révèle la pression qui pèse sur Renault : la baisse des ventes de voitures en Russie. Elle s’est accélérée durant l’été 2014. Selon des chiffres plus représentatifs de l’Association des entreprises européennes, sur le seul mois d’août, la demande pour les différents modèles Renault a chuté de 18% et de 10% sur les huit mois de l’année en cours. Les performances de Lada, principale marque d’AvtoVAZ, sont encore pires : ses ventes ont diminué de 32% en août et de 18% entre janvier et août.
Une des raisons de la crise dans l’industrie automobile russe est la modification du programme relatif aux crédits préférentiels. Lancés suite à une chute de 49% du marché en 2009, ils étaient considérés comme le principal vecteur des ventes de véhicules entre 2010 et 2013. Le programme prévoyait des subventions par le budget fédéral d’une partie du taux d’intérêt des crédits pour les véhicules légers nationaux ou importés et pour le transport automobile commercial léger dont le prix ne dépassait pas 750 000 roubles (15 200 EUR). L’année dernière, une voiture sur dix en Russie a été achetée grâce au soutien de l’État. Ce programme a été arrêté le 31 décembre 2013.
La dévaluation du rouble constitue une autre cause de la baisse de l’intérêt des Russes pour l’achat de nouvelles voitures. Un euro valait près de 45 roubles en janvier, contre 49 à 50 roubles en septembre. En cas de dévaluation importante de leur monnaie nationale, les Russes préfèrent différer l’achat de produits plus chers.
Les analystes russes conseillent à Renault de se montrer patient
Les spécialistes du marché de l’automobile estiment toutefois que même si AvtoVAZ devait être encore dans le rouge à la fin de l’année, ce qui est probable, Renault n’aurait pas fini de tirer profit de son union stratégique. « Cette année, AvtoVAZ a lancé un plan de réformes à grande échelle. L’entreprise a changé de direction [c’est désormais Bo Andersson, ancien dirigeant du groupe GAZ, qui est à sa tête : ndlr]. Sa principale tâche sera de sortir AvtoVAZ du rouge. Un plan est prévu pour y arriver d’ici à la fin de cette année, mais l’entreprise devrait normalement redevenir rentable de manière permanente en 2016 et bénéficier d’un excédent brut d’exploitation d’au moins 6% », explique Sergueï Baranov, rédacteur en chef du magazine AutoBusinessReview.
Il ajoute également que Renault-Nissan, qui possède un paquet de contrôle d’actions d’AvtoVAZ, pourra difficilement se passer d’une collaboration avec un grand producteur automobile russe car « des moyens considérables ont déjà été investis dans ce projet et la Russie revêt une grande importance pour le groupe ». Selon M. Baranov, en cas de scénario négatif, la stratégie d’AvtoVAZ pourrait changer en privilégiant un ensemble dominant de modèles Renault, Nissan et Datsun au lieu de la production d’automobiles à meilleur prix sous la marque Lada. Mais pour le moment, AvtoVAZ croit en sa Lada et possède une bonne conception du développement de la marque.
Sergueï Litvinenko, directeur de PWC, conseille également d’attendre le processus de réformes d’AvtoVAZ. « L’entreprise russe se trouve actuellement dans une période de restructuration. De plus, elle dispose d’un programme d’investissements assez important qui entraînera d’autres dépenses. Cependant, un travail considérable est fourni afin de réduire les frais. Si la société arrive à respecter les délais de production des nouveaux modèles, elle pourrait devenir rentable dès 2016 », précise l’analyste.
Il attire aussi l’attention sur les dernières initiatives du gouvernement russe sur le marché de l’automobile. Le 14 juillet dernier, le premier ministre Dmitri Medvedev a interdit l’achat de véhicules fabriqués à l’étranger pour les besoins de l’État ou des municipalités. Ces restrictions s’appliquent non seulement aux fonctionnaires, mais aussi aux voitures des organisations publiques, aux transports en commun, au matériel spécifique des services d’urgence et aux agents communaux. Elles ne s’étendront évidemment pas à AvtoVAZ, ce qui devrait permettre d’augmenter les ventes de celle-ci.
L’analyste d’ IFK Metropol Andreï Rojkov se montre encore plus optimiste sur l’avenir de Renault et d’AvtoVAZ. Pour lui, le russe ne peut que provoquer des pertes « insignifiantes » pour Renault sur l’ensemble de l’année, et pourrait même redevenir rentable d’ici là. Selon lui, le marché russe de l’automobile se stabilisera à long terme car son affaissement de 2014 a été entraîné par une combinaison rare de facteurs négatifs comme la baisse du cours du rouble et la hausse des crédits, mais la Russie devrait encore connaître une croissance économique, aussi modérée soit-elle.
L’analyste de VTB Capital Vladimir Bespalov estime que Renault a déjà trop investi dans AvtoVAZ pour abandonner si facilement cette collaboration : « Ils n’ont tout simplement aucune raison de partir », conclut-il.
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