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Moscou a introduit le 7 août dernier un embargo sur certains produits alimentaires en réponse aux sanctions internationales contre sa politique vis-à-vis de l'Ukraine. La mesure s’applique pour une durée d’un an.
Selon l’Institut d’études stratégiques complexes (IESC), la Russie réalisait en Europe 31,5% de ses achats de viande et y achetait 42,6 % des produits laitiers et 32% des légumes importés. En Belgique, la Russie se fournit dans pratiquement toutes les catégories de produits.
Selon l’IESC, la part la plus importante de la Belgique au sein des importations alimentaires désormais « interdites » concerne la viande de porc (3,3% de la valeur des importations totales de porc en Russie pour l’année 2013).
Les livraisons en provenance de Belgique représentent 2,1% des importations de fruits, 1,7% des importations de légumes, 1,6% pour celles de lait et de crème, et 1,1% pour la volaille. Le reste (le beurre, le fromage, la viande de bœuf et les saucisses) compte pour moins d’1% des importations.
Pour les producteurs belges, le coup est rude : en 2013, la Russie a absorbé 50,5% des exportations belges d’abricots, de cerises, de prunes et de pêches 26,5% des exportations de pommes et de poires, ainsi que 9,1% des tomates. Ces pourcentages très importants témoignent d'une très forte expositions des agriculteurs belges au marché russe.
Citant une source gouvernementale, le quotidien Kommersant indiquait que les autorités russes avaient en quelque sorte pris les devants, craignant que les pays étrangers prennent eux-mêmes au cours des prochains mois la décision de limiter leurs exportations de produits alimentaires.
En réalité, le gouvernement espère aussi stimuler le développement de substituts aux importations. En développant en premier lieu la production locale dans le domaine des produits laitiers et des légumes.
À l’Union russe des producteurs de lait (Soyouzmoloko), on est globalement convaincu que les laiteries russes sont en mesure de produire du camembert et du parmesan d’aussi bonne qualité que les produits originaux.
Selon la directrice du centre d’analyse de Soyouzmoloko Tatiana Rybalova, voici quelques années, des entreprises de la région de Stavropol et de Krasnodar avaient à titre expérimental entrepris de produire du camembert, mais le produit s’est avéré trop onéreux et n'a pas rencontré la demande escomptée sur le marché local.
L’arrêt des importations de légumes européens a conduit l’une des principales holdings agricoles russes, AgroMir, à réexaminer sa stratégie de développement et entreprendre la construction de serres supplémentaires.
Selon les prévisions, les serres s’étendront sur 11 hectares et produiront chaque année jusqu’à 10 000 tonnes de concombres. Des technologies néerlandaises seront utilisées au cours de la construction des serres.
« Pendant un certain temps, la Russie ne sera pas en mesure de combler le manque grâce à la production domestique. Avec une politique gouvernementale appropriée, il sera possible de remplacer par des produits nationaux 15 à 20% des produits visés par les sanctions. Mais dans l’intervalle, la Russie va se tourner vers les fournisseurs étrangers », nous déclare Alexeï Skopine, professeur à l'Ecole Supérieure d’Économie.
La Russie peut trouver des fournisseurs alternatifs au Belarus et au Kazakhstan. Une partie des produits, par exemple la viande et les fromages, peuvent être fournis par la Suisse, laquelle n’est pas ciblée par les sanctions.
Le volume des exportations vers la Russie de produits alimentaires suisses, essentiellement du café et des fromages, a atteint en 2013 221 millions de dollars (167,5 millions d'euros), soit 2,4% des exportations alimentaires du pays.
Mais les principaux candidats sont les fournisseurs asiatiques et d’Amérique du Sud. Il s’agit en fait d’approfondir des partenariats déjà existants. L’Inde est prête à fournir de la viande bovine, des fruits de mer et des noix. La seule question en suspens concerne l’amélioration des contrôles vétérinaires.
La Chine pourrait accroître ses livraisons de produits finis à base de viande, de légumes, de fruits et de noix, ainsi que de légumes et de fruits entiers. La Turquie et l’Amérique du Sud sont également prêtes à fournir ce type de marchandises, ainsi que des produits laitiers.
« Les étals russes seront loin d’être vides : la Turquie et les pays d’Amérique latine sont prêts à combler entièrement les conséquences du déficit européen. Le seul problème concerne la hausse des coûts de transport, qui va se répercuter sur les prix. Par ailleurs, ces nouveaux produits pourraient s’avérer de moins bonne qualité que leurs équivalents européens », estime M. Skopine. Selon ce dernier, l’augmentation des prix des produits agroalimentaires pourrait se situer entre 5 et 10%.
Les autorités russes ont toutefois promis de créer un système de surveillance des prix des produits alimentaires figurant sur la « liste des marchandises prohibées ». Le ministère de l’Agriculture a par ailleurs indiqué que des procédures administratives voire criminelles pourraient être engagées à l’encontre des producteurs gonflant indument leurs prix...
Les effets négatifs de l’embargo se font cependant déjà sentir à Moscou et dans les régions de l’Extrême-Orient. Selon le département moscovite des marchandises et services, le prix du porc destiné aux usines de transformation de viande a augmenté de 6% dans la capitale.
Les prix ont par ailleurs évolué de manière sensible dans la région du Primorié, où le prix de certaines espèces de poisson a augmenté de 40%. La palme revient à la région de Sakhaline, dans laquelle la hausse du prix des cuisses de poulet a atteint 60%, d’après le ministère régional de l’Agriculture.
Les experts craignent que les difficultés actuelles entraînent une hausse de l’inflation pour cette année. « L’inflation pourrait augmenter d’environ un point de pourcentage, pour s’établir à 7% en 2014. Pour l’essentiel, la hausse des prix ne sera pas causée par de réelles pénuries de produits mais par les anticipations inflationnistes de la population », indique l’analyste d’Inveskafe, Roman Grintchenko.
Le ministère russe de l’Économie n’a toutefois pas l’intention de corriger sa prévision du taux d’inflation pour l’année en cours : cette dernière se situe toujours à 6%.
« Les importations concernées par l’embargo pourront sans difficulté être remplacées par des livraisons de marchandises en provenance d’autres pays. Dans ce contexte, les principaux bénéficiaires seront bien sûr nos partenaires commerciaux des pays de l’Union douanière et de la CEI, les pays du Proche-Orient, d’Amérique latine et de la région Asie-Pacifique », indique Maxime Kliagine, analyste du cabinet juridique Finam Management.
Selon ce dernier, certains coûts sont tout de même à prévoir, même s’il ne s’agit pas véritablement des conséquences d’une réduction de l’offre, mais de l’impact du surcoût lié au remplacement et à la modification des circuits logistiques.
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