Maëlle Gavet Crédit : Kommersant
Maëlle Gavet Crédit : Kommersant |
Quel a été votre parcours avant d’arriver en Russie ?
Difficile à résumer ! Je suis entrée en classe préparatoire littéraire à Paris avec pour objectif d’intégrer l’École normale supérieure (ENS). J’ai réussi à la seconde tentative, mais me suis vite rendu compte que c’était une erreur de parcours ! J’ai cherché une porte de sortie et me suis dirigée vers Sciences Po-Paris. En parallèle, j’ai lancé ma première start-up en Russie, que j’ai gérée pendant quatre ans.
Pourquoi vous lancer dans les affaires en Russie ?
J’avais commencé à apprendre le russe au collège en deuxième langue. J’ai passé un été dans un orphelinat à Kostroma. L’établissement était financé par des hommes d’affaires russes dont l’un est devenu mon partenaire en affaires. C’est lui qui a avancé les fonds pour la création de la nouvelle entreprise.
Avez-vous ressenti un choc culturel à votre arrivée ?
NATIONALITÉ : FRANÇAISE
ÂGE : 35 ans
Diplômée de Science Po-Paris, elle a lancé une start-up, puis a travaillé pour le cabinet de conseil américain BCG. En 2010, la société Ozon (Russie) l’a embauchée.Je suis revenue en Russie il y a presque cinq ans. Le fait de parler la langue aide beaucoup. Je fais l’effort de m’intégrer, et mes amis sont essentiellement russes. Les Russes sont à la fois très proches et très éloignés des Européens : la Russie, c’est un continent entre l’Occident et l’Orient, et elle a emprunté des traits à l’un et à l’autre. L’une des erreurs des Occidentaux est de vouloir lui appliquer leurs schémas de pensée, alors que ce pays a une histoire et une culture différentes. De la même manière que les Russes ont leur propre système de décisions, aussi bien en politique que dans le monde des affaires. La France a tendance à l’oublier.
Qu’observez-vous de positif sur le marché russe ?
La Russie est un pays d’entrepreneurs, vous pouvez tout y faire à condition d’avoir beaucoup d’énergie ! Les montagnes sont difficiles à déplacer, mais elles se déplacent. Des boîtes se créent, il y a de la demande, et le niveau de vie augmente : on en parle rarement, mais il n’a jamais été aussi élevé. Les tendances macroéconomiques sont bien meilleures qu’en Europe – la dette russe est extraordinairement bien portante. Certes, les taux de croissance seront plus faibles dans les années à venir, mais comparez-les à ceux publiés en France !
Quels sont les inconvénients auxquels vous êtes confrontée ?
La bureaucratie est pesante, c’est une réalité. Mais l’est-elle davantage qu’en Chine ou en Inde ? Un exemple parmi d’autres : la façon dont sont payés les employés durant leurs congés. Certains critères entrent en ligne de compte dans le calcul de la rémunération, si bien que le salaire varie selon les mois. Toutes ces questions administratives sont compliquées et devraient être simplifiées. Par ailleurs, nous n’avons pas encore suffisamment de ressources managériales, de gens sachant diriger des équipes, formés « à l’occidentale ». La gestion, ça s’apprend. La Russie est encore dans ce processus d’assimilation des techniques de management. Enfin, les infrastructures ne sont pas encore suffisamment développées.
C’est précisément le défi d’Ozon.ru : livrer des marchandises sur un territoire démentiel…
Pour cela, nous avons notre propre service de livraison, O-Courier, qui nous permet de couvrir l’ensemble du pays. Nous avons recours à la poste russe à hauteur de 10% des commandes. Sur le terrain, le problème vient clairement des infrastructures, et je pense que cela aura un impact sur la croissance future de la Russie. Ce pays a besoin de plus de routes, de plus d’avions, de plus de tout. Nous réalisons 45% de nos ventes à Moscou et Saint-Pétersbourg. Or, ces deux villes – les plus importantes du pays – sont reliées par une route au nombre de voies limité. Il y a deux ans, j’ai voulu me rendre à l’entrepôt d’Ozon, situé à Tver (au nord-ouest de Moscou). Il m’a fallu presque six heures pour l’atteindre, car un camion s’était renversé sur la route. De quoi bloquer complètement l’axe principal du pays !
Envisagez-vous d’implanter Ozon.ru en dehors de Russie ?
Nous travaillons déjà au Kazakhstan, et nous pensons aussi aux autres pays de la CEI. Mais Ozon se concentre avant tout sur la Russie dont le potentiel est énorme : il s’agit du premier marché d’usagers internet en Europe, et le taux de pénétration est encore inférieur à 50%.
Peut-on vous envoyer des CV ?
Oui, Ozon recrute. Des Russes, mais aussi des étrangers, à condition qu’ils parlent russe. Nous sommes toujours à la recherche de personnes ayant de l’expérience en entreprise.
Propos recueillis par Etienne Bouche
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