Le scandale autour de l’aéroport international moscovite de Domodedovo est à l'origine de l'initiative du gouvernement russe. Crédit : Lori/Legion Media
Durant une conférence qui a eu lieu le 6 mars, le gouvernement de Dmitri Medvedev a proposé une nouvelle loi obligeant les compagnies enregistrées dans des paradis fiscaux et détenant des objets « d’importance stratégique » sur le territoire de Russie, soit de se réenregistrer en Russie, soit de dévoiler l’identité de leur bénéficiaire ultime.
« Il est nécessaire de préparer des amendements appropriés aux lois pour empêcher que des biens importants de l’infrastructure appartiennent à des personnes inconnues », a déclaré un des participants de la conférence gouvernementale qui a révélé l’initiative. « Il ne s’agit pas d’une interdiction, nous voulons juste que ces compagnies soient enregistrées en Russie, si elles appartiennent à un ressortissant étranger, ou qu'elles fassent connaître leur vrai propriétaire, s’il est russe », a ajouté le participant à la réunion.
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Selon le responsable, la lutte contre les paradis fiscaux a déjà été amorcée. Cependant, le fonctionnaire a refusé de préciser quelles lois seraient modifiées et quand seraient adoptés les amendements en question, se contentant de dire que les sociétés « auront le temps » pour s’adapter.
Le scandale autour de l’aéroport international moscovite de Domodedovo est à l'origine de cette initiative. « [Après l’attentat terroriste perpétré le 24 janvier 2011 à l’aéroport de Domodedovo], le président de l'époque Dmitri Medvedev a ordonné de trouver le véritable propriétaire du plus grand aéroport russe, mais cette mission n’a toujours pas été remplie. La législation russe en est la raison », indique le responsable du gouvernement. Le procureur général adjoint russe, Alexandre Buksman, a déclaré que les autorités n’avaient pas réussi à trouver la « dernière matriochka [poupée russe]» qui aurait pu donner des indications sur le propriétaire de l’aéroport.
Après l'attentat, le holding DME Limited (enregistré sur l’île britannique de Man) qui détenait l’aéroport, a annoncé son entrée à la bourse et a désigné comme propriétaire unique et président, l’homme d’affaires russe, Dmitri Kamenchtchik. Mais ensuite, le holding a reporté indéfiniment son IPO, tandis que M. Kamenchtchik s’est déclaré être un gestionnaire salarié.
« Il est impossible d’imaginer que, par exemple, un aéroport de New York appartienne à un groupe d’individus inconnu du maire de la ville ou du FBI », indique le responsable du cabinet des ministres, sans cacher son irritation. Domodedovo devra être le principal aéroport de la Coupe du monde de football de 2018 qui se tiendra en Russie et bénéficiera donc d’importants investissements du budget du pays, rappelle le fonctionnaire. Le gouvernement essaie donc de déterminer le vrai propriétaire de l’aéroport afin d’« établir un dialogue ».
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Pour sa part, un porte-parole de DME Limited a refusé de commenter l'initiative des autorités, en indiquant que les représentants de Domodedovo n’avaient pas pris part aux débats à huis clos de la conférence. Cependant, « Domodedovo a toujours respecté la législation russe et continuera à suivre cette politique à l’avenir », a-t-il ajouté.
Selon une source au sein du gouvernement, les autorités russes ne visent pas uniquement Domodedovo et établiront une liste des installations dont les propriétaires doivent être enregistrés en Russie.
Comme l’estime Ilia Ratchkov, associé du cabinet d’avocats King&Spalding, les modifications, prévues par le gouvernement, toucheront probablement la loi sur les investissements étrangers ainsi que la réglementation fédérale de l’aviation civile : le premier document contient une liste de 42 activités considérées comme importantes pour la sécurité du pays, tandis que le deuxième comprend des restrictions sur la propriété étrangère dans le secteur du transport aérien. Néanmoins, l’initiative gouvernementale pourrait aller à l’encontre de la Constitution, qui garantit le droit de propriété privée et la liberté d’entreprendre, souligne le juriste. En outre, la Russie peut déjà demander au pays qui héberge le paradis fiscal d’obliger les compagnies qui y sont enregistrées de révéler leurs bénéficiaires, mais doit avoir pour cela des motifs sérieux, comme une accusation d’évasion fiscale, affirme M.Ratchkov.
À son tour, l’avocat Alexandre Zakharov, associé de la société Paragon Advice Group, rappelle que les propriétaires de Domodedovo ont transféré leurs actifs de l’île de Man (DTE Limited) à Chypre (société Verulia). Le juriste considère qu’il est difficile de prévoir comment vont réagir des autorités chypriotes à l'initiative russe : elles pourraient obliger la société de faire connaître ses bénéficiaires, même sans demande de Moscou, aussi bien qu’empêcher la société d’être réenregistrée dans un autre pays.
Et ce n’est pas la seule mesure du gouvernement qui contribuera à la recherche des propriétaires de Domodedovo. Le ministère russe des Finances a proposé au gouvernement de demander aux pays-paradis fiscaux qui reçoivent des crédits de Russie, de dévoiler tous les détails sur les promoteurs et bénéficiaires russes des corporations et des fondations qui y sont enregistrées. Et Chypre correspond à cette définition : le pays a reçu de la Russie 1,9 milliard d’euros de crédit et a demandé 4,2 milliards supplémentaires.
Paru sur le site de Vedomosti le 12 mars 2013.
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