La compagnie Avianova a mis la clef sous la porte avec un endettement de 28,9 millions d’euros. Crédit : Itar-Tass
Il n’y a pas longtemps, deux compagnies aériennes russes à bas prix, SkyExpress et Avianova, ont fait faillite. Leur échec était prédit au moment de leur fondation : en 2006 pour SkyExpress, fondée par l’oligarque en exil Boris Berezovski et puis en 2009 où le groupe d’investissement A1 et le fonds américain Indigo Partners ont annoncé la création d’Avianova. Ce fiasco a été causé par plusieurs facteurs.
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Premièrement, la Russie ne possède pas d’aéroports peu chers. Selon les données de la société de conseil Leigh Fisher, l’aéroport moscovite de Cheremetievo occupe le 12e rang du classement mondial des aéroports ayant les frais les plus élevés. Il est en effet quatre fois plus cher que l’aéroport international de Kuala Lumpur ou celui de Hong Kong. Alors, d’après Aeroflot, les coûts des services d’assistance en escale représentent près de 17% des prix de billets en Russie.
Deuxièmement, la flotte d’aéronefs et son entretien sont également assez chers, représentant près de 22% du prix coutant de billets. L’avion le plus populaire chez les compagnies à bas prix est l’Airbus A320 à 180 sièges, car il consomme moins de carburant. Mais si une compagnie veut importer ce modèle en Russie, elle est obligée de payer des droits protecteurs qui peuvent atteindre, compte tenu de la TVA, 42%. Donc, selon l’ancien directeur d’Avianova Andrew Pyne, chaque avion coûte 7,6 millions d’euros de plus.
Troisièmement, la législation russe oblige les compagnies aériennes à fournir gratuitement aux passagers certaines prestations, y compris les repas à bord. D’après les estimations des experts, l’introduction du transport de bagages payant réduirait le prix du vol de 5 à 7%, tandis que la vente des billets non remboursables permettrait d’économiser encore 10%.
En 2011, les compagnies aériennes russes ont généré sur les lignes intérieures près de 623,6 millions d’euros de pertes, et par conséquence, les low costs ont fait faillite. L’ex-PDG de SkyExpress Marina Boukalova a récemment annoncé aux journalistes que son groupe n’avait pas réussi à fournir les revenus requis. Selon la responsable, les actionnaires de la compagnie ont perdu près de 60,7 millions d’euros. Avianova, quant à elle, a mis la clef sous la porte avec un endettement de 28,9 millions d’euros. Andrew Pyne souligne quand même que l’échec de la compagnie n’a été causé que par un conflit d’actionnaires : le groupe A1 n’a pas soutenu l’idée de faire des investissements supplémentaires et d’élargir la flotte.
Être ou ne pas être
Le PDG d’Aeroflot Vitali Saveliev a annoncé fin octobre 2012 que le groupe voulait réintroduire des compagnies à bas prix en Russie. Le géant aérien russe envisage plusieurs versions du projet d’un low cost, notamment la formation d’une compagnie à bas prix sur la base de la filiale existante Donavia ou bien la création d’une telle compagnie à partir de rien. Donavia ayant un grand « bagage » sous forme de vieux aéronefs, il sera difficile d’atteindre les coûts les plus bas possibles en la transformant en un low cost. Cependant, selon une source au sein d’Aeroflot, la seconde option comprend la création d’une base dans la région de Moscou, l’achat de 11 nouveaux A320 et la création d’un réseau de routes vers les grandes villes russes.
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« Uniquement l'envergure peut rendre ce projet vraiment efficace. Nous envisageons d’obtenir 15% du marché de l’aviation civile », a déclaré l’interlocuteur de RBC. D’après lui, les prix de billets pourraient diminuer d’environ 30% dans certaines zones, à condition que le gouvernement prenne quelques mesures, notamment permette de vendre des billets non remboursables, d’introduire des frais pour les bagages et d’embaucher des pilotes étrangers.
Marina Boukalova de SkyExpress disait auparavant que sa compagnie avait connu un échec en raison d’une faible demande intérieure. Les Russes ne veulent pas se déplacer entre les villes par avion. Durant toute son existence, SkyExpress n’a jamais réussi à vendre plus de 75% des sièges dans un avion. « Pour un vol à Sotchi en novembre, lundi, le billet coûtant près de 25 euros, nous avions de 40 à 50 passagers à bord. Personne ne voulait y aller par avion », annonce Mme Boukalova aux journalistes. Et même quant le billet coûtait près de 13 euros, il n’y a avait pas beaucoup de passagers, ajoute-elle.
Anatoli Khodorovski du groupe d’investissement Region estime également que la raison principale de l’absence de compagnies à bas prix en Russie est un faible trafic de passagers. « Chez nous, 6 à 8 millions de passagers voyagent par avion annuellement. Ce n’est pas quand même le trafic de passagers, qui est supérieur et s’est chiffré en 2011 à 64 millions. Mais ce chiffre à été atteint grâce à ces 6 à 8 millions de gens qui voyagent fréquemment », dit M.Khodorkovski.
Aeroflot est cependant optimiste. « Nous sommes dans une situation unique. Nous avons actuellement la possibilité de créer un marché pour nous, c’est nous qui formons ce secteur. Le public visé de notre low cost, ce sont des «navetteurs», c’est-à-dire, des gens qui travaillent dans une ville et habitent dans une autre : des supporteurs de divers sports, des fêtards, des jeunes gens », explique la source de RBC au sein de la compagnie.
Comme le dit Dmitri Savitski, partenaire de McKinsey & Company, la création d’une compagnie aérienne à bas prix en Russie ne sera pas inutile. « L’essentiel, c’est de créer un produit attirant, de persuader le passager d’abandonner son transporteur traditionnel et de choisir l’avion d’une nouvelle compagnie qui propose des sièges moins confortables et n’a pas de repas chauds à bord. Cela peut être effectué grâce à des coûts très bas, soit à l'aide d'une sélection soigneuse d’itinéraires ou par biais d'un marketing superbe », indique l’expert.
Paru sur le site de RBC Magazine.
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