Dessin de Natalia Mikhaylenko
Dessin de Natalia Mikhaylenko
Dans sa jeunesse, il avait failli devenir révolutionnaire, et par la suite il évita avec application la politique. Il s'efforçait de ne pas intervenir dans les procès politiques, mais quoi qu'il fasse il ne put totalement l'éviter. Plevako défendit des étudiants qui avaient organisé des manifestations politiques, des paysans révoltés, des ouvriers. Ce furent des cas retentissants. Dans la salle étaient sûrement présents des combattants prêts à lancer des bombes. Des régiments de policiers bloquaient l'accès au tribunal.
En défendant les paysans, Plevako déclara : « J'ai trouvé des fauteurs de trouble et je les livre à la justice. Une pauvreté sans issue, le règne de l'arbitraire, une exploitation désinvolte amenant tout le monde à la ruine – les voici, les agitateurs ! ». Le juge dut les acquitter.
C'est à lui que Lev Tolstoï envoya ses paysans en situation difficile. Il lui demanda : « Fedor Nikiforovitch, blanchissez ces malheureux ».
Il ne défendit pas seulement des innocents, loin de là. Dans son plaidoyer lors du procès d'une femme accusée d'avoir empoisonné son mari, il le dit clairement : « Si vous me demandez si je suis convaincu de son innocence, je ne vous répondrai pas par l'affirmative. Je ne veux pas mentir. Mais je ne suis pas non plus convaincu de sa culpabilité. Quand il faut choisir entre la vie et la mort, tous les doutes doivent jouer en faveur de la vie. » Toutefois, il évitait les cas manifestement négatifs.
Il ne demandait pas de paiement aux pauvres, mais il demandait d'énormes honoraires aux marchands. Un jour, un client qui n'avait pas compris le mot « avance » demanda ce qu'il signifiait. « Tu sais ce qu'est un acompte ? » - « Oui, ça je le sais » - « Eh bien une avance, c'est le même acompte, mais trois fois plus élevé ». Avec cet argent, il louait des bateaux sur la Volga et organisait des fêtes débridées à Astrakhan et à Nijni-Novgorod.
C'était un orateur né. Il n'écrivait jamais ses plaidoyers à l'avance, mais après le jugement, à la demande des reporters et s'il en avait le courage, il rédigeait parfois le discours qu'il venait de prononcer.
Un exemple typique de son art est l'affaire du prêtre voleur. Un prêtre volait l'argent de son église, les preuves étaient là. Il avait d'ailleurs avoué. La situation semblait sans espoir. Mais Plevako fit le pari de ne parler qu'une minute et de faire libérer le prêtre. Il garda effectivement le silence pendant tout le procès, sans poser une seule question. A la fin, il se leva et prononça une seule phrase : « Messieurs les jurés ! Toute sa vie, mon client a pardonné vos péchés. Pardonnez le sien une fois dans la vôtre ! » Le prêtre fut acquitté.
Un autre exemple : l'affaire de la vieille femme ayant volé une théière. Le procureur chargé de l'accusation insistait sur le fait que la propriété est privée, qu'il ne fallait pas porter atteinte à ce principe sans quoi le pays serait condamné. Plevako se leva et dit : « La Russie a dû supporter beaucoup de malheurs, traverser beaucoup d'épreuves au cours de ses mille ans d'existence. Les Pétchénègues l'ont déchirée, de même que les Polovtses, les Tatares, les Polonais. Des peuples parlant une douzaine de langues se sont jetés sur elle, ils ont pris Moscou. La Russie a tout supporté, tout traversé, elle n'est devenue que plus forte après ces épreuves. Mais maintenant... Une vieille femme a volé une théière de fer-blanc coûtant 30 kopecks. Cela la Russie, bien sûr, ne le supportera pas. Elle en sera condamnée ». La vieille femme fut acquittée.
Un jour, une affaire de meurtre était jugée : un mari avait tué sa femme. Vint le tour de l'avocat. Tout le monde s'agitait dans la salle, le bruit l'empêchait de parler. Plevako se leva et dit : « Messieurs les jurés ! » Le bruit diminua. Plevako à nouveau : « Messieurs les jurés ! » Le silence se fit. A nouveau : « Messieurs les jurés ! » Un bruissement parcourut les rangs, mais le discours ne venait toujours pas. « Messieurs les jurés ! » Le public commença à nouveau à s'agiter. Et à nouveau : « Messieurs les jurés ! » La salle se mit à hurler, c'était inimaginable. Enfin, Plevako leva la main. « Et voilà, vous n'avez même pas supporté quinze minutes. Et que ressentait ce pauvre homme à avoir écouté pendant quinze ans les gémissements de sa bonne-femme acariâtre ? » La salle fut médusée, des applaudissements se firent entendre.
Au début du siècle dernier on considérait que Moscou contenait cinq merveilles principales : la cloche « Tsar Kolokol », le canon « Tsar Pouchka », la cathédrale de Vassili-le-Bienheureux, la galerie Tretiakov et l'avocat Fedor Plevako.
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