Dessin de Niyaz Karim
La « japonaise », dans la langue russe moderne, désignait aussi une voiture japonaise, et une « allemande », une voiture allemande. Mais « l’américaine », par exemple, ne s’utilisera pas pour parler d’une Ford. Ce terme signifie, en russe, une partie de billard qui se joue selon les règles américaines. La « hollandaise » s’utilise depuis longtemps pour caractériser une cheminée décorée de carreaux de faïence. Aujourd’hui, alors que le chauffage au bois s’est raréfié, son sens est bien sûr devenu quelque peu archaïque. Le passé a également emporté avec lui la signification secondaire de « l’espagnole ». Pourtant, il y a cent ans, il était dans toutes les bouches pour désigner la « grippe espagnole », terrible épidémie qui a sévi entre 1918 et 1919, emportant des dizaines de millions de personnes.
Le terme « finlandaise » était quant à lui particulièrement répandu dans la période d’après-guerre (1940-50), alors que le pays était en proie à un taux de criminalité élevé. Il signifiait alors dans le jargon (et a fortiori utilisé au féminin) un couteau doté d’une lame courte et épaisse, particulièrement populaire dans le milieu criminel (« couteau finlandais »). Autre pays longeant la mer Baltique, autre dénomination, autre objet pointu: la « Lituanienne », qui désigne une faux dotée d’un long manche. Quant à la « Bulgare » elle porte la signification un outil un peu plus complexe : il s’agit d’une machine mécanique utilisée pour le polissage et la découpe des métaux bruts et autres matériaux durs.
Une « écossaise » est un tartan, ce tissu au motif écossais indémodable (motifs à carreaux de couleurs typiques des peuples celtes). L’une des définitions du mot « hongroise » appartient lui aussi au lexique de la mode : il s’agit d’une veste courte à fermeture brandebourgs. Ceci dit, la plupart du temps, la « hongroise » désigne une variété de prune souvent utilisée pour fabriquer les pruneaux séchés. Deux autres nationalités employées au féminin pour désigner des objets : en russe, les chaussons de gymnastique sont appelées des « tchèques », et les tongues, des « vietnamiennes ».
La « polonaise » est connue dans le monde entier pour être une danse de salon, très populaire dans les bals du siècle dernier. Même si, curieusement, cette danse n’est pas d’origine polonaise, mais tchèque (apparue au début du XIXème siècle). Autrefois populaire en Russie, l’un des instruments de musique de la famille des accordéons est surnommé la « talienne » (forme contractée de « l’italienne »). Ce terme fait aujourd’hui parti du passé, tout comme l’instrument, tombé aux oubliettes.
Beaucoup de termes sont utilisés pour désigner des sites géographiques. Par exemple la « Moldave » est un quartier de la ville d’Odessa qui, bien sûr, conserve de solides liens avec la Moldavie. Quant à la « Cubaine », elle n’a aucun lien avec l’île des Antilles. Il s’agit d’une banlieue de Moscou, que vous aurez la chance de traverser si vous prenez le train en partance de l’Europe jusqu’à Moscou.
D’autres termes existent qui ne sont pas, à proprement parler, des noms de nationalité au féminin, mais qui s’en approchent néanmoins. Par exemple, les Turques sont les habitantes de la Turquie. Les Grecques, de la Grèce. Hé bien, une « tourka », en russe, désigne le récipient de cuivre qui permet de faire bouillir le café « à la turc ». Et la « gretchka » est le nom du sarrasin, une graine très consommée en Russie (elle a été importée en Russie pour la première fois depuis la Grèce). Enfin, pour les « Indiennes » et les « Coréennes », il existe les mots très proches en russe que sont « indeïka » et « koreïka » : le premier terme signifie la dinde, le second est utilisé pour indiquer la poitrine fumée d’une viande.
Quant au mot russe « étrangère », il a plusieurs significations, toutes liées au monde de la littérature. Au départ, ce terme est utilisé dans le langage courant pour désigner la bibliothèque d’Etat de littérature étrangère ouverte à Moscou en 1924. En 1955, le magazine Littérature étrangère est lancé. Il sera plus communément appelé « l’étrangère », dans les cercles et les milieux littéraires. Enfin, dans les années 2000, des hommes et femmes de lettres qui collaborent avec ce magazine fondent une maison d’édition qu’ils baptiseront « l’étrangère », donnant ainsi à ce mot utilisé dans langage courant, le statut officiel de marque déposée.
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