Dessin de Natalia Mikhaylenko
Dessin de Natalia Mikhaylenko
Le peintre a un nom étrange qui attire immédiatement l’attention. En effet, le grand-père de Petrov-Vodkine était un cordonnier. Et comme tous les cordonniers de l’époque, il buvait vraiment beaucoup. En russe, il existe même l’expression « îvre comme un cordonnier ». Il buvait tellement de vodka que les locaux le baptisèrent Vodkine, d’où son double nom.
La ville de Khvalynsk où se déroule notre histoire se trouve sur la Volga. Un jour, Kouzma nagea jusqu’au milieu de la rivière, puis commença à se noyer. Heureusement, un batelier le remarqua depuis la rive et le sauva. Puis, une semaine plus tard, le batelier se noya lui-même. Alors, Kouzma prit une boite en métal, y dessina un bateau, des têtes humaines sortant de l’eau et le ciel, puis y apposa l’inscription : « A ta mémoire éternelle! » Et ainsi, il devint peintre.
Une fois ses études terminées, Petrov-Vodkine partit à l’étranger, où il vécut des aventures incroyables. Il affirmait, par exemple, avoir été attaqué par des nomades dans le désert du Sahara. Il tira son revolver en l’air et poussa des sifflements acharnés. Aussi, les nomades le baptisèrent « Le Siffleur » et racontèrent à tout le monde dans le désert qu’il ne fallait pas toucher le Siffleur, car il était très dangereux. Il a, peut-être, inventé cette histoire, mais c’est une belle histoire. Et voici une autre histoire de ses voyages. A Rome, il fut kidnappé par des bandits. Il racontait plus tard : « Je me suis réveillé sous terre, bâillonné. Je vois trois personnes. Je me dis : si ce ne sont pas des diables, ce sont certainement des bandits. Mon portefeuille n’était pas dans ma poche ». Il s’avéra que les bandits avaient besoin de lui pour copier les toiles de grands maîtres. Même de Léonard de Vinci.
Petrov-Vodkine trouva son propre style original sur le tard. Il se dit soudainement qu’il pouvait n’utiliser que trois couleur : le rouge, le jaune et le bleu. Ainsi naquit la célèbre palette de trois couleurs de Petrov-Vodkine, sa marque de fabrique. C’est avec cette palette qu’il réalisa son œuvre la plus célèbre, La Baignade d’un cheval rouge. C’est une toile saisissante. Dérangeante, puissante, mystérieuse. A premier abord, rien de spécial : un garçon et un cheval. Mais ces personnages exsudent une telle magie !
La Baignade d’un cheval rouge. Source : Wikipedia.org
La magie n’apparut pas de suite. D’abord le tableau était réaliste. Un étalon paysan lui servit de modèle pour le cheval. Son neveu posa pour l’image du garçon. Quand la toile était presqu’achevée, Petrov-Vodkine se retrouva par hasard à une exposition d’icônes russes anciennes. Il en sortit si épaté, qu’il décida sur le champ de refaire « Le cheval rouge » dans l’esprit de l’iconographie.
La toile acquit immédiatement un sens différent. Symbolique et même prophétique. Car la couleur rouge est celle de la révolution. Plus tard, seulement après la révolution d’octobre, Petrov-Vodkine se dit, avec étonnement : « Alors c’est cela que j’avais en tête ! »
La politique lui était étrangère. Il n’appartenait à aucun parti, quand on lui demandait de se prononcer sur des sujets politiques, il répondait : « Ne me mêlez pas à ça, je n’y comprends rien ! ».
Mais il accepta la révolution. Il coopéra même avec les bolcheviks. Il enseignait à l’Académie des Arts, faisait des décorations théâtrales, la Révolution était pour lui grandiose et extrêmement intéressante. Même s’il comprenait qu’elle était aussi sanglante. Il n’avait aucun grief contre le nouveau pouvoir, même si, soupçonné d’avoir participé à une mutinerie des SR de gauche, il faillit être fusillé. Heureusement, cela se limita à deux jours de prison. Petrov-Vodkine était poursuivi aux côtés du célèbre poète Alexandre Blok. Ils furent libérés ensemble. Pour les bolcheviks, Vodkine était un homme de leur classe. Fils d’un cordonnier. Et l’auteur d’une toile sur la « dictature du prolétariat ». C’est ainsi que les bolcheviks voyaient La Baignade d’un cheval rouge. Un cheval rouge ne pouvait être qu’un cheval prolétaire.
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