Le Franco-russe Benois

Dessin de Natalia Mikhaylenko

Dessin de Natalia Mikhaylenko

Lorsque l’on interrogeait Alexandre Benois (1870-1960) au sujet de sa profession, il ne se présentait pas en tant qu’artiste ou décorateur mais répondait simplement qu’il était « le serviteur d’Apollon ».

Dessin de Natalia Mikhaylenko

Benois est un nom de famille français. Lui même descendait d’un confiseur parisien devenu russe. Dans la famille Benois, tous jouissaient de talents artistiques. Le père était architecte, la mère musicienne, le frère artiste peintre. Ce même frère lui a appris à dessiner. Benois appréciait plus que tout les artistes français du temps du roi Louis. Fragonard, Boucher, Watteau et leurs tableaux dépeignant la vie des dames élégantes, des demoiselles d’honneur et des marquises de la Cour. Benois possède un tableau, intitulé « Le Roi se promène par tous les temps ». Le Roi, la Reine, les demoiselles d’honneur, les pages, les nègres portant de longues traines rouges, tout est très théâtral, très gracieux.

Lorsque âgé de 25 ans, il se rend pour la première fois à Paris, il réalise immédiatement que c’est ici que se trouve sa ville, sa culture. Il dira par la suite que Versailles est « une immense scène de l’histoire humaine ». Pour lui, il s’agit du monde dans son entièreté. On l’appelle alors « le chantre de Versailles et des Louis ». Il se languit de cette époque. « Beaucoup de choses passées, -écrit Benois, me semblent agréables et familières, peut-être même plus familières que le présent ». Dessiner sans s’appuyer sur aucun document tel ou tel contemporain de Louis XIV est pour moi plus aisé que de dessiner mes propres contemporains sans recourir à un modèle. Mon attitude envers le passé était plus tendre, plus passionnelle qu’envers le présent. Je comprends mieux les pensées d’alors, les idéaux, les rêves, les passions et jusqu’aux grimaces et aux caprices de ce temps là… ».

On le voyait souvent à Paris. L’on y produisait les fameuses saisons de Diaghilev. La troupe de ballet « Les Saisons russes » a précisément été créée à son initiative. Diaghilev en était le directeur artistique. Ses décors pour l’opéra Petrouchka de Stravinsky ont fait sensation. Soit dit en passant, Benois n’a pas seulement mis en scène le spectacle, mais a également participé à la rédaction du libretto. En règle générale, il écrivait bien. C’était un critique chevronné, et il a également rédigé un certain nombre d’ouvrages sur l’histoire de l’art.

Le théâtre a influencé son art pictural. Il n’y a pas jusqu’à ses paysages qui ne ressemblent à des décors de théâtre avec leurs coulisses, toile de fond et scène. Une seule fois, en compagnie de Stanislavski et Nemirovitch, il dirigea le Théâtre d’art. Il en était le directeur artistique. Tout cela était son monde, il vivait pratiquement dans le théâtre.

Il s’est marié tôt, a eu un enfant, et, bien sûr, avait besoin d’argent. Il acceptait alors n’importe quel emploi. Que n’a-t-il pas fait ! A l’époque de la Révolution (d’Octobre), il a œuvré au sein de la sous-commission chargée de la création des nouvelles armoiries. En collaboration avec Lanceray, il participe à la décoration du bâtiment de la Gare Kazansky de Moscou. Un bâtiment très intéressant dotés de tours aux motifs complexes, véritable représentant du style baroque moscovite.

Après la Révolution, il a dirigé l’Ermitage et conçu les décors de spectacles des théâtres dramatiques Mariinsky, Alexandrovsky et du Bolchoï. Lounatcharski, Commissaire du peuple à l’instruction publique de la République soviétique écrivait à Lénine : « Benois est un esthète d’une grande finesse, un merveilleux artiste et un homme charmant… qui a accueilli favorablement la révolution d’Octobre ». En vérité, la politique ne l’intéressait pas. Toutefois, en 1917, il éprouve un choc à la vue du Palais d’Hiver saccagé, choc qui mettra longtemps avant de se dissiper. Il obtient une mission  au sein du comité chargé de la protection des monuments d’importance culturelle. Les tramways à chevaux ne circulaient plus et Benois se démène alors à travers le Saint-Pétersbourg enneigé en s’efforçant de sauver les palais de la ruine.  

Il prend ensuite la décision d’émigrer. Lounatcharski lui obtient une mission à Paris afin de travailler au Grand-Opéra. Lounatcharski, parfaitement informé au sujet des événements qui se déroulaient en Russie lui déconseille de rentrer dès l’achèvement de sa mission. « Installez- vous à Paris, regardez autour de vous », lui dit-il. Benois n’est plus jamais retourné en Russie.

Il a ensuite écrit des articles critiques dans la presse émigrée et conçu des spectacles au Grand-Opéra et à La Scala. Ses enfants sont également devenus artistes. Sa fille Elena et son fils Nikolaï ont été directeur artistique du théâtre de La Scala. Le petit fils de Benois est un architecte français.

 

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