Dessin de Natalia Mikhaylenko
Dessin de Natalia Mikhaylenko
Dans sa jeunesse, Nemirovitch-Dantchenko jouait dans des pièces de théâtre en amateur. Considéré comme un acteur prometteur, il n'aimait cependant pas le théâtre russe du XIXe siècle, estimant que les réalisateurs attachaient trop d'attention aux œuvres classiques et qu'ils devaient se concentrer sur la dramaturgie contemporaine. Les acteurs, considérait-il, jouaient d'une manière trop pompeuse et artificielle, les sujets étaient insignifiants ainsi que les personnages et les dialogues maladroits. Le théâtre russe s'est trop éloigné de la vie et avait donc besoin d'une réforme, selon Nemirovitch-Dantchenko. Il voulait voir sur scène du réalisme, de la simplicité et de la modernité.
Constantin Stanislavski adhérait à la même conception. Après l'avoir appris, les deux hommes ont décidé de se rencontrer afin de discuter de la création d'un nouveau théâtre.
Cette rencontre historique, qui a eu lieu dans le restaurant Bazar slave de Moscou, a duré 18 heures. La réunion ressemblait plutôt à un conseil de guerre avant une bataille importante. Les serveurs tombaient de fatigue en leur apportant des plats. Finalement, Nemirovitch-Dantchenko et Stanislavski ont décidé de fonder une nouvelle compagnie de théâtre, la baptisant le Théâtre d'art de Moscou ou MKhT. Ils se sont accordés sur quelques principes : ne mettre en scène que les pièces des dramaturges contemporains qui abordent les problèmes d'actualité, comme Anton Tchekhov et Maxime Gorki, et demander aux acteurs de jouer d'une manière aussi réaliste et naturelle que possible.
Le MKhT est rapidement devenu le plus célèbre théâtre de Russie. Plutôt auteur dramatique, Nemirovitch-Dantchenko a fini par obtenir le poste de metteur en scène au sein de la compagnie. Il exigeait que ses comédiens comprennent profondément la psychologie de leurs personnages et étudient le milieu dans lequel ils habitent. Un jour, les deux fondateurs de la compagnie ont décidé de mettre en scène la pièce de Gorki, Les bas-fonds. Une idée très controversée à l'époque : représenter une pension de bas-fonds et ses pauvres habitants dans un temple d'art, ce n'était pas si évident. Afin d'atteindre le plus grand réalisme, Nemirovitch-Dantchenko a proposé à toute la compagnie de visiter les asiles de nuit du quartier moscovite très pauvre de Khitrovka. Le journaliste Vladimir Guiliarovski a même organisé pour la troupe une sorte d'excursion dans le quartier. Très impressionnés, les acteurs ont donné au cours de la première une performance fantastique, accueillie par une ovation.
Le Théâtre d'art était vraiment connu par le réalisme des performances qui était l'un des principes de Nemirovitch-Dantchenko et de Stanislavski. Même les effets sonores étaient authentiques : dans une pièce de Tchekov, parmi les « acteurs » figuraient un chien (qui hurlait), un grillon (qui stridulait) et plusieurs oiseaux (qui chantaient).
Après la révolution, le MKhT devient le principal théâtre du pays. Joseph Staline aimait bien la compagnie et assistait souvent aux performances. Le gouvernement a même accordé une pension viagère aux deux fondateurs. De plus, ils étaient autorisés à voyager à l'étranger, un droit vraiment rare à l'époque. Nemirovitch-Dantchenko a notamment pu signer un accord avec le studio hollywoodien United Artists, mais aucun de ses scénarios n'a été retenu. Revenant à Moscou, il a affirmé : « On ne peut créer qu'en Russie ; aux États-Unis, il faut vendre, et en Europe, il faut aller pour les vacances ».
Nemirovitch-Dantchenko faisait attention non seulement à la performance des acteurs sur scène, mais aussi à leur comportement dans la coulisse. Et de nombreux acteurs n'étaient pas vraiment exemplaires quant au comportement. Du tabagisme, des apéritifs, de la saucisse et du hareng, des ragots, du flirt vulgaire, de la calomnie, des blagues et, bien évidemment, de la vodka : voici la liste des problèmes contre lesquels luttait le metteur en scène.
Sur scène et dans la vie, c'était la sincérité qui représentait pour lui la valeur principale. Le réalisme des spectacles de Nemirovitch-Dantchenko était si fort que les spectateurs se reconnaissaient, ainsi que leurs proches, parmi les personnages. Avant le MKhT, aucun théâtre n'avait réussi à atteindre ce naturalisme. Et c'est cela que l'on appelle du grand art.
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