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Un soir du 25 juillet 1980, j’étais à la gare d’Odessa pour prendre le train pour Moscou. L’atmosphère était particulièrement tendue, les gens chuchotaient en petits groupes comme si quelque chose de terrible s’était passé. Comme s’il y avait la guerre. J’ai fini par demander ce qui se passait.
« La radio vient d’annoncer la mort de Vyssotski à Moscou ».
Il était adulé dans tout le pays et c’est toujours le cas. La Russie peut se vanter de grands poètes, interprètes, compositeurs, mais Vyssotski est un cas exceptionnel : le poète à la guitare.
Sa popularité est sans borne. Il est vu comme un ami, un frère, un père… Ses chansons parlent à tous et de tout: la guerre, le sport, la médecine, la science-fiction, la politique internationale, l’alcool, l’histoire, le voyage, l’aviation, la religion…tous les thèmes sont abordés.
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Et à la première personnes. Les gens s’identifiaient. Avec lui, ils devenaient tour à tour soldats, espions, pilotes de chasse, chercheurs d’or, alités, prisonniers. L’image de l’homme russe par excellence, la mentalité russe, le caractère russe.
L’homme sans limites, prêt à aller jusqu’au bout. Si on aime, c’est jusqu’à la mort. Si on combat, jusqu’à la victoire. Si on boit, jusqu’au coma éthylique.
Le style de Vyssotski prend racine dans les chansons traditionnelles russes, les romances, les chansons tsiganes, chansons des rues, chansons des bandits et des criminels (« blatnaïa pesnia »)…Il fait penser à certains chansonniers français comme Georges Brassens.
Le texte jaillit comme la lave du volcan, porté par le râle de sa voix. Ses premières chansons qu’il écrivait au début des années 60 traitaient surtout des sujets criminels (blatnaya). C’était l’époque des premiers magnétophones.
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Ses chansons étaient enregistrées sur des casettes pendant des concerts clandestins et dans les appartemets et passaient de main en main. Très vite, toute l’Union soviétique le connaissait alors qu’il n’était jamais passé à la radio.
La qualité des enregistrements était médiocre et devenait de pire en pire avec chaque copie. Mais sa voix rauque et sa guitare souvent désaccordée passaient à travers tous les grésillements et c’était comme un véritable bol d’air pour son public.
En 1979, j’ai eu la chance d’assister à un concert de Vyssotski. J’étais alors étudiant à l’Université technique de Moscou et il passait dans notre salle de spectacle. Pas question d’affiches, ni de tickets, c’était un concert clandestin. Que du bouche à oreilles.
La salle était bondée, toutes les places prises, les gens s’entassaient à plusieurs dans les fauteuils, se pressaient le long des murs et dans les passages. Sur la scène, seuls deux micros, un pour la guitare, un pour le chant.
Quand il est sorti sur scène en col roulé beige et velours marron, la salle s’est levée dans une ovation de plusieurs minutes. Il commença par une chanson peu connue Les incendies.
Puis, il salua la salle et demanda d’allumer les lumières pour voir les visages. Le mur invisible entre la scène et la salle était tombé. Il enchaîna avec La lettre à la rédaction et Camarades scientifiques. Le public ne le laissait plus partir, il a dû revenir sur scènes à plusieurs reprises au « bis ».
Lettre à la rédaction
Camarades Scientifiques…
Comme avec toutes les stars, il y avait beaucoup de rumeurs autour de Vyssotski. Il avait beaucoup d’envieux et de médisants. On lui reprochait ses privilèges sous le régime soviétique.
Récemment, son fils Nikita a remporté le procès contre des maisons d’édition qui avaient publié des livres, où Vyssotski était présenté comme un agent du KGB, un dealer et un terroriste. Le personnage déchaîne toujours les passions.
30 ans après sa mort, personne ne l’a oublié. Des écrits inédits refont surface régulièrement, les souvenirs d’amis et de proches. Une série d’albums vient de sortir : « Vyssotski. Le nouveau son », une série de disques où, grâce aux nouvelles technologies, sa voix est mixée avec des musiques actuelles.
Chaque année, le 25 janvier, jour de son anniversaire, les chaînes TV russes diffusent immanquablement des émissions avec lui ou sur lui. Beaucoup le comparent à Charles Aznavour ou Bob Dylan, mais vous ne trouverez d’équivalent ni au Japon, ni aux Etats-Unis. Vyssotski reste un phénomène typiquement russe.
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