Avant même d’obtenir la citoyenneté russe, Depardieu suivait de très près la politique intérieure de la Russie d’aujourd’hui. Crédit : Itar-Tass
En quête d’une réponse à la question de cette proximité, Depardieu surprend par son originalité : « Ce qu’il y a de beau dans l’âme russe ? Dans ce pays il n’y a pas de montagnes pour arrêter le vent. Donc ce sont des gens avec des tempéraments excessifs. Comme moi. Moi je suis berrichon, il n’y a pas de montagnes dans le Berry. Nous nous ressemblons. Il faut être très fort pour être russe et admirer ça ».
Vesti : Vous aimez la langue russe ?
Gérard Depardieu : Beaucoup !
Vous parlez russe ?
G.D.: Je comprends, mais j’espère que bientôt je pourrai parler aussi. Si tu veux être intelligent, cultivé, il faut apprendre la langue. La langue, c’est la culture, l’intelligence. Et je m’intéresse toujours à la littérature russe.
Comment avez-vous découvert la littérature russe ? Quel a été le premier livre lu ?
G.D.: Dostoïevski, puis Tolstoï, et ensuite Pouchkine, Boulgakov…
Quel âge aviez-vous ?
G.D.: Vingt ans. Et j’étais bouleversé par cette littérature. Je le suis encore.
Cette passion, Depardieu l’a souvent incarnée sur scène. Il a participé à des mises en scènes, en France, et des Frères Karamazov et de L’Idiot. Raspoutine et Pougatchev, ce sont deux grands rôles dans le cinéma russe. Et Depardieu rêve de Tolstoï, Boulgakov, Tchékhov.
G.D.: J’adore les jeunes femmes tchékhoviennes. J’aime Tolstoï. Il écrivait des choses extraordinaires. Sur la volonté d’émanciper les serfs, mais ceux-ci résistaient, ils voulaient rester sous le pouvoir des riches. L’Europe ne comprend toujours pas tout ça.
Pourquoi l’Europe ne comprend pas ?
G.D.: Ils ne comprennent pas que la Russie, que tous les pays de l’ex-URSS avaient besoin d’un certain protectorat. C’était de petits pays qui se faisaient souvent la guerre. Le Caucase, le Turkestan. Une main de fer est indispensable pour unifier tout cela.
Avant même d’obtenir la citoyenneté russe, Depardieu suivait de très près la politique intérieure de la Russie d’aujourd’hui. « L’opposition n’a pas de programme, n’a rien. Il y a des gens très intelligents, comme Kasparov, mais c’est bien pour les échecs. C’est tout. Mais la politique, c’est beaucoup plus compliqué. Beaucoup plus compliqué », explique l’acteur.
A l’instar de l’histoire russe, que Depardieu scrute pour tenter d’y déceler l’essentiel : « Il y a eu des périodes différentes dans l’histoire de la Russie, il y a eu de la violence, et puis on l’a dénoncée, mais quand vous voyez les danseuses du Bolchoï, quand vous voyez Valery Guerguiev, quand vous écoutez Olga Borodina, l’opéra russe, ou vous vous extasiez devant Noureev, c’est tout ce qui compte vraiment. C’est ça le plus important, le plus profond dans l’histoire russe ».
La culture mondiale est tuée par les médias de masse, ne doute pas Depardieu. Mais il y a de l’espoir. Pour l’instant, l’acteur français n’a pas accepté la proposition de s’occuper professionnellement de la question (rappelons que le gouverneur de la Mordovie lui a proposé le poste de ministre de la culture de la république). Mais il est très au fait de tout ce qui se passe dans ce domaine : « Vous avez la culture classique russe. Grâce au soutien du président Poutine, les dessins animés russes ont été restitués aux gens. Poutine a fait revenir la collection de Rostropovitch qui avait été déplacée. Je connais beaucoup de Russes en France et pas seulement qui sont rentrés en Russie, parce que la chaleur humaine leur manquait ».
De manière générale, Gérard Depardieu se considère comme un homme de la Renaissance. Il n’est pas très à l’aise (et le maestro ne s’en cache pas) dans le cadre des normes et des limitations du monde actuel. Il a tourné dans des centaines de films, mais, aussi surprenant que cela paraisse, il se sent toujours crispé devant la caméra.
La partie la plus exclusive de l’interview (merci la caméra du téléphone portable) s’est déroulée dans un petit cercle restreint, loin des oreilles critiques, aussi bien des Français que des Russes : « Les Français adorent critiquer. Cette histoire de Pussy Riot. Imaginez qu’elles rentrent dans une mosquée. On les revoie jamais, elles sont brûlées vives. Même dans le monde catholique ça aurait été terrible. Mais quand je dis ça en France on me prend pour un idiot. Oui, je tombe de scooter, mais je suis un être humain après tout. Malheureusement, les masses sont stupides, seule la personnalité est belle. Surtout quand elle est téméraire ».
Texte original de l'interview publié sur le site de Vesti.
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