En Russie, le fossé entre riches et pauvres reste béant

Selon le Service d'État des statistiques, Rosstat, 18 millions de personnes au total – soit 13% de la population – vivent en dessous du seuil de pauvreté officiel fixé par gouvernement. Crédit: Lori/Legion Media

Selon le Service d'État des statistiques, Rosstat, 18 millions de personnes au total – soit 13% de la population – vivent en dessous du seuil de pauvreté officiel fixé par gouvernement. Crédit: Lori/Legion Media

C'est un cliché assez enraciné : la Russie compte quelques oligarques riches comme Crésus qui pillent les matières premières du pays, tandis que des millions de pauvres survivent avec les aides dérisoires de l'État et des salaires ridicules, laissés pour compte de la progression du niveau de vie.

Chaque année, les statistiques attestent d'​​un élargissement du fossé entre les riches et les pauvres, en dépit de la croissance et de la consolidation de la classe moyenne.

Selon une étude internationale de Wealth-X citée par Rossiyskaya Gazeta, la Russie occupe le deuxième rang mondial pour le nombre de milliardaires en dollars : leur nombre est estimé à 97, contre 80 en 2011. Et ces 97 personnes, des hommes pour la plupart, possèdent 291 milliards d'euros.

Les 18 millions de Russes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté cumulent eux aussi 380 milliards, mais dans ce cas 9,5 milliards d'euros.

Le salaire minimum fixé par le gouvernement s'élève actuellement à 116 euros par mois, en dépit d'un coût minimum réel de la vie estimé à environ 156 euros par mois.

FBK, une société d'audit russe, a récemment classé la Russie en bas d'une liste de 52 pays comparant le salaire minimum avec le pouvoir d'achat, concluant que le salaire minimum était ainsi en fort décalage avec le coût de la vie.

Selon le « Coefficient de fonds » publié par le Service d'État des statistiques, un indicateur qui compare les couches les plus riches aux plus pauvres de la population, les riches ont continué à s'enrichir tandis que les pauvres sont restés plus ou moins au même niveau. En 1995, le coefficient était de 13,5 et il n'a cessé d'augmenter (en dépit d'un décrochage lors de la crise économique) pour atteindre 16,1 en 2011.

« Cet indicateur n'a cessé de croître. Il s'agit essentiellement d'une preuve de l'écart grandissant entre les riches et les pauvres – la couche la plus riche de la société et les plus démunis », explique Anna Bogdioukevich, une analyste de macroéconomie et des revenus fixes d'ATON Capital Group. « C'était la tendance dans les années 1990 et 2000, et cela a continué ces dernières années ».

En creusant un peu plus, l'image est cependant un peu plus nuancée. Le PIB est passé de 260 milliards de dollars (milliards d'euros) en 2000 à 1,42 trillions d'euros aujourd'hui, et les Russes sont moins nombreux à vivre en dessous du seuil d'extrême pauvreté : un signe que la hausse du niveau de vie s'est diffusée vers le bas.

Selon Natalia Bondarenko, sociologue au Centre Levada, 15 à 20% des Russes considéraient entre le milieu et la fin des années 1990 que leur revenu ne leur permettait d'acheter que de la nourriture, chiffre qui n'est que de 5 à 6% des Russes aujourd'hui.

Le profil de la population la plus pauvre également a changé. Dans les années 1990, les plus pauvres étaient des employés d'organisations financées par l'État, en particulier les retraités, mais désormais il s'agit d'adultes en âge de travailler avec des familles qui n'ont pas réussi à se positionner sur le marché du travail ou ont échoué à trouver un emploi, selon Mme Bondarenko.

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La raison est que le gouvernement a moins compté sur les mesures légales visant à lutter contre la pauvreté et plus sur la charité de l'État, ce qui est particulièrement évident dans le secteur des pensions ; les statistiques d'État montrent une augmentation constante des retraites jusqu'à une moyenne de de 200 euros par mois l'an dernier.

Mme Bondarenko estime les dépenses publiques ont propulsé les fonctionnaires d'État et les retraités au-dessus du seuil de pauvreté. Mais le gouvernement est critiqué pour avoir simplement déversé de l'argent pour résoudre ​​le problème, sans s'attaquer correctement aux causes profondes de la pauvreté.

Mme Bondarenko recommande un rehaussement du salaire minimum. « Le gouvernement ne fait que déverser de l'argent, ce n'est pas la politique menée dans les pays occidentaux. Ils ne donnent pas aux gens la canne à pêche pour que les gens puissent capturer le poisson; ils donnent simplement le poisson. En fin de compte, ces gens restent des dépendants et sujets aux manipulations de toutes sortes ».

Selon le Service d'État des statistiques, Rosstat, 18 millions de personnes au total – soit 13% de la population – vivent en dessous du seuil de pauvreté officiel fixé par gouvernement. Cependant, les analystes estiment que le chiffre réel de la pauvreté est beaucoup plus élevé.

« Le seuil de pauvreté en Russie est placé très bas », explique Mme Bogdioukevich. « Si on compare avec les indicateurs en Europe, nous avons un indice bien inférieur pour le seuil de pauvreté. Par suite, on a l'impression d'avoir moins de gens qui vivent en dessous de ce niveau ».

Grâce à certaines autres particularités russes, le pays affiche de bons résultats face à d'autres pays en termes de coefficient de Gini, l'indicateur respecté qui mesure la répartition des revenus en prenant en compte une série d'indicateurs de richesse, y compris la propriété. Plus on est proche de zéro, plus un pays a une répartition des revenus équitable. En 2010, la Russie a réalisé un score de 42 (contre 39,9 en 2001), ce qui signifie que le pays est plus équitable que les États-Unis et ses homologues du BRICS.

Cependant, il existe plusieurs raisons expliquant la relativement bonne performance de la Russie dans cet indicateur, comme l'effondrement de l'Union soviétique, qui a déclenché une privatisation rapide et à grande échelle des logements, le gouvernement ayant remis la propriété des appartements d'État à ses citoyens.

Les statistiques sont en outre potentiellement biaisées, car les riches sont connus pour faire sortir leur richesse du pays, et certains particuliers fortunés sont tristement célèbres du fait qu'ils conservent leurs économies hors des banques, et donc hors des écrans radar.

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