Dès le 14 décembre, les députés de la Douma examineront le projet de loi en première lecture, et comme l’a promis le président Narychkine, l’adopteront avant la fin de l'année. Crédit photo : ITAR-TASS
En réponse à la « Loi Magnitski » adoptée par le Sénat américain, qui interdit à certains responsables russes d'entrer sur le territoire américain, Moscou adoptera sa propre loi. Les comptes et les biens des Américains compris dans la liste russe seront gelés.
La loi devrait être adoptée avant la fin de l'année. Les observateurs estiment la liste inclura les témoins dans l’affaire de l'homme d'affaires russe Viktor Bout, condamné aux États-Unis à 25 ans de prison, les parlementaires ayant adopté la « Loi Magnitski », ainsi que les juges qui ont acquitté des parents américains dans le cadre d’affaires impliquant des enfants russes adoptés.
Lundi 10 décembre, le projet a été présenté à la Douma. Des signatures y ont été apposées par les chefs des quatre fractions de la Douma – Russie unie, le Parti communiste, le Parti libéral-démocrate et Russie Juste, ainsi que le président de la chambre basse du parlement russe Sergueï Narychkine. La loi est appelée « Sur les mesures contre les personnes impliquées dans la violation des droits de citoyens de la Fédération de Russie », mais elle ne concerne que des citoyens des États-Unis.
Si le projet de loi est adopté, six catégories de citoyens américains seront privés d’entrée sur le territoire russe à partir du 1er janvier 2013 : les personnes ayant commis des crimes contre les Russes vivant à l'étranger et impliqués dans de telles infractions; les représentants d’État ayant favorisé l’acquittement d’auteurs de délits contre les Russes ; les personnes impliquées dans l'enlèvement et l'emprisonnement illégal de citoyens russes ; celles ayant rendu des peines infondées et injustes contre les Russes ; les citoyens exerçant indûment une persécution juridique contre des Russes ; celles qui ont pris des décisions infondées ayant violé les droits et les intérêts des citoyens russes.
La liste des noms de ces personnes sera préparée par le ministère russe des Affaires étrangères. Elle sera complétée par les membres des deux chambres du parlement russe, le Commissaire aux droits de l'homme de Russie, la Chambre civile, les partis politiques, ainsi que des organismes gouvernementaux.
En ce qui concerne les personnes figurant dans la « liste Magnitski » russe, on appliquera des sanctions financières : leurs comptes russes et actifs financiers seront gelés, on leur interdira tout contrat portant sur des biens et des investissements, ainsi que la gestion de leurs actifs russes.
Leur présence dans le Conseil d'administration et dans d’autres organes de gestion des sociétés russes, tout comme l'activité de personnes juridiques contrôlées par ces Américains, seront suspendues. Le ministère des Affaires étrangères présentera chaque année un rapport aux députés et sénateurs concernant l’exécution des sanctions prévues dans la liste.
Dès le 14 décembre, les députés de la Douma examineront le projet de loi en première lecture, et comme l’a promis le président Narychkine, l’adopteront avant la fin de l'année.
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À la Douma, on ne cache pas que le but principal de la loi est de fournir une réponse politique à la « Loi Magnitski ». Le chef de la fraction Russie unie Vladimir Vassiliev a attiré l'attention sur le fait que les groupes de députés à la Douma ont été en mesure de mettre de côté leurs divergences politiques pour « adopter une position patriotique unifiée ». Les membres du parlement ne redoutent pas de complications dans les relations avec les États-Unis.
« Nous ne devons pas nous guider en fonction du risque de complications ou non. Les Américains ont violé le droit international et l'étiquette internationale et cherchent à nous dicter quelque chose. Dans la « liste Magnitski » peut figurer toute personne qui ne plairait pas aux Américains. Donc la position de la Russie doit être claire et adéquate », a déclaré à La Russie d’Aujourd’hui le chef adjoint du service juridique du Parti communiste Vadim Soloviev. L’homme politique est convaincu que la Russie doit maintenir son autorité.
Le directeur de l'Institut de sociologie politique Viacheslav Smirnov attire l'attention sur le fait que la liste russe ne sera pas publique. « Cela signifie que jusqu'à ce qu’on vous refuse un visa, vous ne saurez même pas que vous y étiez. En gros, cela veut dire que la décision de refuser sur la base de la ‘liste’ se prendra en cours de route », a dit l'expert. Comment le ministère russe des Affaires étrangères décidera ce qui constitue une violation des droits de l'homme, personne ne le sait.
La loi, dit Smirnov, ne concerne pas plus d'une centaine de personnes. Les Américains, dans l’ensemble, visitent peu la Russie, ils n'ont pas dans ce pays d'intérêt financier ou immobilier. Potentiellement, la liste pourrait inclure des hommes politiques, des diplomates et des journalistes américains. Parmi les diplomates, en première ligne ceux qui ont voté l'adoption de la « Loi Magnitski », ainsi que les témoins dans le cadre de l’affaire Viktor Bout.
Il se peut que la liste comprenne des juges ayant acquitté des Américains dans le cadre d’affaires d’enfants adoptés russes, même si les les parents sont rarement libérés. « Mais c’est quasiment le seul domaine où les Américains violent les droits des Russes », a indiqué M. Smirnov. L'analyste politique prévoit que l'adoption de la « Loi Magnitski » russe se traduira par un ou deux refus de visas russes retentissants, puis cessera de faire parler d’elle.
Le directeur du Centre pour la politique d'information Alexeï Moukhine met en garde les députés russes contre l’adoption de mesures symétriques à la « Loi Magnitski ». « Je crois fermement que nous ne devrions pas répondre à cette loi américaine. En réalité, il s'agit d'une affaire interne des États-Unis, et si on lui accorde d'attention, en adoptant des ripostes, cela deviendra vraiment un acte politique important », affirme l'analyste.
Selon lui, il serait plus efficace d’adopter des mesures économiques illustrant les véritables relations entre les États-Unis et la Russie, qui n’ont pas fait l’objet d’un redémarrage. « Alors ‘notre réponse à Chamberlain’ serait plus efficace », estime M. Moukhine.
Le politologue a également fait remarquer que l'ouest attend précisément de la Russie des actions agressives en réponse à la « Loi Magnitski ». Pour les États-Unis, estime M. Moukhine, il est important que la loi soit signée par des pays européens. « La brusque réaction de la Russie pourrait conduire à effrayer les Européens qui finiraient par signer vraiment cette loi », a conclu M. Moukhine.
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