Afghanistan : le dialogue pour la paix

Illustration : Alexeï Iorch

Illustration : Alexeï Iorch

Pour la Russie, la situation en Afghanistan apparaît peu réjouissante. En effet, durant toutes ces années de présence sur le territoire afghan, les Etats-Unis n’ont pas réussi à atteindre les objectifs fixés et le retrait des troupes prévu en 2014, selon les prévisions de certains géopoliticiens, risque d’accroître les tensions dans la région.

Les talibans persistent, le mécontentement de la population civile face à l’occupation par les troupes étrangères grandit. Les autorités locales autonomes mises en place se sont avérées incapables de contrôler leurs régions. Les problèmes sociaux, économiques, idéologiques et militaires sont restés irrésolus et la situation n’a fait qu’empirer ces dernières années.

De fait, en Afghanistan, nous sommes confrontés à un double pouvoir. Entre un gouvernement mis en place grâce aux efforts des organismes internationaux, avec des élections, y compris au niveau local et un pouvoir aux mains des talibans, par le biais d’une pression constante sur les représentants religieux, les communautés ethniques et les commandants locaux.

Après le retrait des troupes


En essayant de synthétiser les différentes approches, analyses et réflexions sur le sujet, je tenterais de dresser le scénario le plus probable de ce qui peut se produire en Afganisatn après 2014.

Premier cas de figure : malgré l’annonce du retrait de leurs troupes, le facteur américain reste dominant.

Les Etats-Unis ne sont pas pressés de quitter l’Afghanistan en raison tout d’abord de sa position stratégique. Des négociations sont déjà en cours entre Washington et le gouvernement de Hamid Karzaï sur la mise en place de bases militaires américaines permanentes assurant la présence de plusieurs milliers d’instructeurs civils, de militaires et des forces aériennes jusqu’en 2024.

Pourtant, il est évident que ces effectifs seront insuffisants en cas d’une attaque des talibans. Les Etats-Unis doivent poursuivre leurs efforts dans la formation d’une armée afghane capable de se défendre de manière autonome. Or, Washington ne semble plus posséder les ressources qui paraissaient intarissables au temps de Georges W. Bush. D’ici 2023, le budget militaire américain diminuera de 400 milliards de dollars. Les Etats-Unis doivent donc trouver un moyen de rester en Afghanistan sans que cela ne pèse trop sur le budget de l’Etat.

S’ils n’y parviennent pas et s'ils sont contraints de retirer la majorité de leurs troupes, alors nous aurons à faire au deuxième cas de figure qui, avec la perte de contrôle de l’ONU dans la région, entraînera l’accroissement des tendances centrifuges. Les leaders régionaux et les commandants locaux, pour la plupart déjà reconnus de fait par le pouvoir de Kaboul, regagneront leur autorité.

Ce scénario risque très rapidement d’attiser le conflit géopolitique en Afghanistan. Dès l’arrivée de l’ONU en Afghanistan, l’Occident a établi un véritable monopole dans le processus décisionnel, réduisant le rôle des acteurs locaux et régionaux. En effet, la plupart des groupes afghans dans les années 90 étaient sous influence étrangère et la guerre d’Afghanistan était vue davantage comme un conflit d’intérêts géopolitiques extérieurs. Il est probable que cette situation se reproduise à nouveau en cas de retrait des troupes de l’ONU.

Un dialogue incontournable


La collaboration entre la Russie et l’Occident sur la question afghane est entravée par leur concurrence autour de l’espace ex-soviétique d’Asie centrale ainsi que par les différends idéologiques. Si les partenaires parviennent à surmonter ces difficultés, cette collaboration permettrait à la Russie de participer à la stabilisation de la région. Elle gardera ainsi la route du Nord, la possibilité de soutenir le gouvernement afghan et les forces antitaliban, d’accroître son aide militaire et économique aux populations d’Asie centrale en assurant des « cordons de sécurité » aux frontières de l’Afghanistan, d’unir les efforts de l’Organisation du traité sur la sécurité collective (OTSC) et de l’Organisation de coopération de Shanghaï (OCS) à ceux de l’UE et de l’ONU dans cette région.

La voie du dialogue est longue et semée d’embûches et sans aucune garantie de réussite. Elle doit s’accompagner de mesures concrètes en matière de relance économique et d’établissement d’un pouvoir efficace. Aujourd’hui, il n’y a pas d’autre voie que d’établir le dialogue avec les chefs des talibans et de tenter de les intégrer au pouvoir au sein d’un gouvernement de coalition ainsi que de contribuer à la relance économique du pays.

Anatoli Koulikov, général d’armée, président du Club des chefs militaires de la Fédération de Russie.

Version intégrale sur le site de Voenno-promychlenny kourier.

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