Pascal Rambert clôture sa lacune russe

Acteurs : Andreï Kuzichev, Evguénia Dobrovolskaïa. Source : www.mxat.ru

Acteurs : Andreï Kuzichev, Evguénia Dobrovolskaïa. Source : www.mxat.ru

La création russe de « Clôture de l’amour » s’est déroulée le 29 novembre au célèbre théâtre MKhAT de Moscou, avec deux formidables acteurs russes. L’auteur et metteur en scène Pascal Rambert confie ses impressions sur cette première expérience en Russie.

Ils pénètrent dans une pièce vide si ce n’est la présence d’un piano et d’un vaste miroir. On comprend assez rapidement qu’il s’agit d’une salle de répétition, mais un doute reste, car après tout, on est au théâtre… il pourrait s’agit d’une volonté de mise en scène consistant à refuser tout décor. Ils allument la lumière. Elle et lui portent des mines tendues. Il annonce tout de suite la couleur : il veut la quitter. Et c’est parti pour un monologue d’une demi-heure, pendant laquelle elle lève les yeux au ciel, pleure, gémit, mais ne prononce pas un seul mot en dépit des vexations, menaces, imprécations dont elle fait l’objet. Brusquement, une chorale fait irruption dans la salle et entonne un chant. Nos deux personnages restent cois. Les gamines repartent aussitôt leur chant achevé. Et elle prend enfin la parole, qu’il ne prendra plus jusqu’à la tombée du rideau. La structure est simple, mais inhabituelle.

« Il ne s’agit pas de deux monologues », insiste Pascal Rambert, à l’issue du spectacle qu’il a écris et mis en scène. « S’il parle, elle continue à vivre, à jouer, et vice-versa. Je voulais élargir la conception du dialogue au théâtre : qu’est-ce que c’est qu’écouter ; se regarder ; se taire. Ce sont les vraies questions qui sont à l’œuvre. Faire du théâtre pour moi, c’est avant tout s’interroger sur mon art. Comme Godart. À chaque fois qu’il fait un film, il y a un sujet apparent, mais le vrai sujet c’est toujours le cinéma. Moi c’est pareil, la seule chose qui m’intéresse : c’est le théâtre. Et quand je fais de la danse, du cinéma, de l’opéra, c’est pareil : c’est l’outil qui m’intéresse. »

La création mondiale du texte créé s’est déroulée pendant le 65ème festival d’Avignon le 17 juillet 2011. Le succès immédiat a placé sur orbite une pièce qui se joue simultanément en Italie, à Séoul, à New York. Un carambolage pour le dramaturge, qui cavale d’un bout à l’autre du globe. Pascal Rambert ne cache pas qu’il sature : « J’en ai marre de cette pièce, j’ai besoin de passer à autre chose ». Mais pas avant de nous avoir raconté la genèse et l’adaptation au sol russe.

Pascal Rambert ne cache pas qu’il base cette pièce sur sa propre rupture avec une actrice américaine. « A chaque fois, j’écris pour des acteurs précis, c’est du sur-mesure », désignant Audrey Bonnet et Stanislas Nordey, qui ont créé les rôles. Pascal Rambert se substitue parfois à Nordey lorsque ce dernier n’est pas disponible.

Au MKhAT, le dramaturge a auditionné une quarantaine d’acteurs avant d’arrêter son choix sur « Andreï [Kuzichev], je l’ai voulu tout de suite ». Il avoue aussi être tombé sous le charme d’Evgenia Dobrovolskaïa. Les deux acteurs présentent une ressemblance physique frappante avec les deux créateurs français de la pièce.

Pascal Rambert précise n’avoir eu aucun mal à travailler avec des acteurs russes, même si c’était une première pour lui. La non connaissance de la langue russe n’a pas non plus été un problème : « Je connais très bien ma pièce. Je travaille beaucoup avec des acteurs étrangers dans mon théâtre de Gennevilliers, j’ai l’habitude ». Il avoue aussi n’être pas du tout familier avec le théâtre russe, un contraste frappant avec Bernard Sobel, son prédécesseur à la direction de Gennevilliers. Bernard Sobel, grand amoureux du répertoire russe et accessoirement « communiste jusqu’au bout des ongles et dernier croyant communiste », rigole le dramaturge. « Moi, le répertoire russe, ce n’est pas mon logiciel », lance-t-il, précisant qu’il est plus tourné vers les Etats-Unis. « Cette visite [à Moscou] m’a ouvert toute une partie du répertoire ».

Il se réjouit que cela soit mutuel : « Je suis le premier auteur-metteur en scène occidental à rentrer au répertoire du MKhAT de son vivant » », s’étonne Pascal Rambert, qui n’a pas manqué de remarquer lors de son premier voyage en Russie un fort conservatisme dans la scène théâtrale locale. « J’ai vu des pièces tous les soirs » raconte le dramaturge, soulignant au passage avoir été très bien guidé par les services culturels de l’ambassade de France à Moscou. « Ne parlant pas la langue russe, je n’étais malheureusement pas en mesure de juger ce que je voyais. Mais de toute façon, je vais revenir. »

Plus de détails sur le site du MKhaT (en russe).

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