Créativité débridée dès l'enfance

Lana Michenina, 3 ans

Lana Michenina, 3 ans

À Novossibirsk, tout le monde connaît le studio Poisk (« recherche » en russe). Des enfants de 1,5-2 ans y créent des dessins-animés, révèlant un monde d’une pureté originelle, un paradis depuis longtemps oublié par les adultes. Les lois édictées par les rois y sont « Ne pas se bagarrer, ne pas se disputer » et si désaccord il y a, alors qu’ « ils se chamaillent longtemps dans le plus parfait bonheur...».

Depuis longtemps déjà, le studio Poisk mène une existence paisible dans une petite baraque de bois qui ne figure même pas sur le plan de la ville. Dans le bureau minuscule d’Elena Tikhonova, la « fée animée », un imper doré est pendu au mur multicolore décoré par les artistes du studio. Ce bureau, de par ses dimensions, ne peut accueillir qu’un visiteur à la fois et à bien du mal à contenir tous les prix et récompenses obtenus aux différents concours.

Mais, le plus important pour les travailleurs du studio reste la reconnaissance des grandes figures de l’animation russe comme Ïouri Norstein, Riazanov, Petrov ou du rédacteur en chef du Journal « L’art à l’école » Melik-Pachaev, etc.

Elena Tikhonova travaille au studio Poisk depuis bientôt 15 ans. Elle dessine, invente, organise des ateliers pour les enseignants, joue les fées et parfois les sorcières. Architecte de formation, animatrice de dessin animés par vocation, elle n’a jamais regretté son choix :  « Les conditions, le salaire de misère, bien sûr c’est pénible. Mais tout ce qui touche aux enfants et aux dessins animés est tellement entraînant... Je sens que mon activité en tant qu’enseignant et animateur de films animés est bénéfique et cela se voit dans la relation que j’ai instauré avec mes élèves. Et puis, il reste encore tellement à découvrir... ».

Au studio Poisk, les enfants créent leurs films quasiment sans l’aide de l’ordinateur : ils dessinent eux même leurs personnages, les découpent, les filment en les déplaçant pour chaque cadre.

« Tous les élèves, du plus petit au plus grand, ont fini par me croire quand je leur assure que dans le monde entier le travail fait à la main est plus apprécié que le numérique. De même, ils ont accepté que les belles personnes ce n’est pas forcément celles qui ont de beaux visages et des corps parfaits. Et que si l’on y regarde de plus près, toute beauté à quelque chose d’irrégulier. C’est la base du dessin animé d’enfants. C’est un travail minutieux. Mais, bizarrement, qui convient aux plus surexcités. Bien sûr, rares sont les gamins qui peuvent rester des heures à dessiner. Il leur faut le résultat tout de suite. Chez nous, ils peuvent dessiner, ou bien inventer l’histoire, créer la musique ou dire des poèmes ou chanter des chansons... ».

Les travaux des élèves de Poisk, ce ne sont pas de simples dessins, mais de vrais films fait dans les règles du septième art, qui ne sont pas seulement « mignons » mais réellement intéressants à regarder. Pour leur fabrication, les enfants apprennent la gestuelle, le dessin, la danse, l’art du scénario.

« Ce n’est pas encore de l’art mais c’est la voie vers l’art. Parfois, il y a des films...si infinis, qui ont un sens cosmique. Que tu arrive à percevoir en les visionnant pour la quatrième ou cinquième fois. D’ailleurs, souvent, l’enfant n’est lui-même pas conscient de ce sens. Pour lui, tout ce qui l’entoure est vivant, et toutes ces fantaisies sont sa réalité. En regardant ces films, tu te dis, pourvu que cet état merveilleux dure le plus longtemps possible ! Mais, c’est infaisable. Dès la maternelle, puis à l’école, c’est comme à l’armée et cette « ouverture » se referme... », explique Elena.

Selon la célèbre psychologue et pédagogue soviétique Chalva Amonachvili, l’enseignant doit aussi être un clown. Pour certains, cela peut paraître étrange et même vexant, pourtant, pour Elena Tikhonova, c’est du sérieux : « Je dois établir un contact artistique avec la personne et pour cela je joue au clown avec plaisir. L’atmosphère est primordiale lors des cours. Et il m’est plus facile de la créer en leur faisant comprendre que je suis impliquée dans le processus. Que je suis avec eux et non au dessus... L’enfant doit non seulement être intéressé par le sujet mais aussi par l’enseignant.... Quand j’ai compris que pour les enfants, le déroulement du cours est si important, j’en ai fait une représentation. Pas forcément comique, mais il faut qu’ils soient entraînés... ».

Dans cette école-studio, tous les âges sont représentés, depuis les plus petits jusq’aux adultes. Il y a même, depuis maintenant deux ans, un groupe mixte « de 6 à 25 ans ».

« Le charme des films d’enfants réside dans leur imperfection. Le petit ne peut pas faire comme l’adulte. Mais quand il a sa propre vision et n’essaye pas de la cacher... quand il invente son propre langage, plus concret, plus matériel que le notre, son monde de symboles, que l’on peut passer toute une vie à déchiffrer... Les dessins d’adultes (sauf ceux des vrais génis) ne sont pas très intéressants à déchiffrer, toute l’information est à la surface. Ceux des enfants portent un sens plus profond... », conclut Elena.

Les petits élèves du studio Poisk se sentent tout à fait à l’aise avec le public, avec les appareils techniques, la caméra, le micro. C’est avec plaisir qu’il montent sur la scène de la Maison des scientifiques, lors du festival annuel « Jar-Ptitsa » (Oiseau de feu). Dans la vie, il est rare qu’un enfant de deux ans se sente aussi bien face à la foule, les projecteurs et les flash photos. À Novossibirsk, cela n’étonne personne: les enfants du studio Poisk ont l’habitude des représentations. 

Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.

Ce site utilise des cookies. Cliquez ici pour en savoir plus.

Accepter les cookies