Le pétard, lancé depuis les tribunes de Zénit, s’est explosé dans sa surface de réparation à la 36ème minute du jeu Crédit : Kommersant
Blessé aux yeux, le joueur a été hospitalisé, tandis que la police de Khimki a lancé une enquête. Selon les experts, le comité de discipline de la Fédération de Russie de football va probablement imposer des sanctions dures sur le Zénit, ce dernier perdant ainsi le match sur tapis vert (3-0) et encourant une grosse amende, mais il n’est pas évident que de telles mesures de la part des autorités sportives et du gouvernement puissent arrêter la vague de violences qui s’est abbattue sur les stades russes cet automne.
L’incident à Khimki est le deuxième cas d’arrêt de match suite aux actions de supporteurs en six semaines. Fin septembre dernier, les fans du Torpedo Moscou ont provoqué l’arrêt de la rencontre de leur équipe avec le Dynamo Moscou dans le cadre des seizièmes de finale de la Coupe de Russie, le Torpedo perdant le match sur tapis vert. Mais alors, les pétards jetés sur le terrain n’ont touché personne, tandis qu’à Khimki, « l’explosif de discorde » a blessé le gardien du Dynamo, Anton Shunin.
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Le pétard, lancé depuis les tribunes de Zénit, s’est explosé dans sa surface de réparation à la 36ème minute du jeu. Ébloui, le gardien est tombé par terre sans pouvoir se relever. L’arbitre du match Alexey Nikolaev a ensuite renvoyé les deux équipes dans les vestiaires : le match a été annulé.
Plus tard, les médecins soignant le joueur blessé ont déclaré qu’il avait subi des brûlures de la cornée, des paupières et des conjonctives, ainsi qu’une otite post-traumatique de l’oreille droite avec une perte auditive. Selon leurs estimations, la réhabilitation du gardien prendra de 10 à 12 jours.
L’administration du Dynamo a appelé la Fédération de Russie de football à imposer des grosses sanctions sur le Zénit, à savoir une perte sur tapis vert et une amende considérable. Le président du club Guennadi Soloviev a notamment déclaré que de tels incidents ne pouvaient pas être ignorés.
Pour leur part, les représentants du Zénit ont absolument rejeté l’idée de sanctions dures, le directeur du club Maksim Mitrofanov faisant une déclaration assez scandaleuse : « Nous ne comprenons pas cette responsabilité qui doit être portée par le Zénit. L’accès au stade, l’inspection des spectateurs et la vente des billets ont tous été contrôlés par le Dinamo. C’est pourquoi nos actionnaires et sponsors (le club appartient au géant gazier russe Gazprom, une des plus grosses entreprises de Russie, ndlr) pourraient se prononcer très vivement contre les décisions à cet égard qui seront prises avec un abus de certains règles de la Fédération ». Le responsable a en outre noté que la police n’avait pas encore identifié la personne qui a lancé le pétard.
Une importance particulière
Cependant, le scandale de Khimki est déjà au-delà du football. La police de la région de Moscou a déclaré avoir lancé une procédure pénale que le ministère de l’Intérieur du pays surveillerait de près. Le coupable sera accusé de « hooliganisme », passible en Russie d’une sanction pénale. Le service de presse de l’Intérieur a déclaré qu’après avoir examiné les images de vidéosurveillance, la police avait interpellé trois jeunes femmes, supporteuses du Zénit. Selon les forces de l’ordre, l’une de ces femmes aurait lancé le pétard.
Il est à noter quand même que les policiers ne veulent pas considérer ce qui s’est passé à Khimki comme un incident distinct. L’Intérieur a notamment préparé une déclaration officielle à la Fédération de football, l’appelant à organiser une enquête afin de dévoiler les raisons pour lesquelles « les spectateurs commettent des actes illégaux ».
De plus, il s’est avéré que le ministère a analysé la situation de la sécurité aux stades russes dans le cadre de l’élaboration d’une loi spéciale encadrant l’organisation de la Coupe du monde de la FIFA en Russie en 2018, et a qualifié cette situation de très mauvaise. Cette position de l’Intérieur a été portée à l’attention des responsables du football.
Les supporteurs, quant à eux, croient que c’est la police qui est responsable, au moins partiellement, de la situation actuelle dans le football russe, les matchs devenant des événements de plus en plus dangereux pour les participants. En commentant l’incident de Khimki, le président de l’Association russe des supporteurs (VOB) Alexandre Chpryguine a appelé les fonctionnaires à ne pas faire passer les fans pour des « démons ». D’après l’intéressé, l’inspection des spectateurs, c’est « l’affaire de la police », et les policiers n’ont pas cette fois réussi à la conduire proprement.
Les législateurs russes élaborent actuellement une initiative qui pourrait contribuer à la résolution du problème. La « loi sur les supporteurs », approuvée début novembre dernier par le gouvernement et attendant l’approbation de la Douma (chambre basse du parlement russe) propose d’imposer des amendes sur les propriétaires et les utilisateurs des installations sportives organisant des compétitions officielles si ces derniers ont échoué de satisfaire toutes les exigences prévues pour une telle organisation. L’initiative prévoit, en outre, un resserrement des règles de conduite pour les supporteurs. Notamment, ils seront obligés de présenter leurs passeports pour acheter des billets et subiront pour des escapades particulièrement sanglantes diverses sanctions, y compris des amendes, une arrestation pour 15 jours et même l’interdiction de se rendre aux événements sportifs. Les experts estiment que la loi sera approuvée dans les plus brefs délais et entrera en vigueur début 2013.
Toutefois, le secrétaire général du Syndicat des joueurs et des entraîneurs de football de Russie Nikolaï Grammatikov ne croit pas que la nouvelle loi permette d’enrayer la vague de hooliganisme. « Nous possédons déjà tous les instruments nécessaires, technologiques comme législatifs, pour trouver et punir les délinquants et pour prévenir leur apparition », estime le responsable.
M. Grammatikov a qualifié le scandale de Khimki de « phénomène normal dans le sillage des relations qui ont été établies entre les supporteurs et les responsables de football au cours de ces dernières années ». D’après le responsable, les tentatives de contrôler les fans ont eu un effet inverse : ces derniers sont devenus incontrôlables. « Au lieu des gens capables d’apporter des revenus au club et de devenir ses partenaires, ce sont des brutes qui dominent les tribunes, des hooligans qui considèrent comme normal d’utiliser des jurons et, depuis peu, d’attaquer les joueurs », explique-t-il.
M. Grammatikov s’est dit persuadé qu’il sera impossible de régler la crise en un instant. « Les clubs tentent de se rejeter la faute, tandis que nous avons besoin d’un contact étroit avec les fans, nous devons comprendre qu’il ne faut pas tabler à long terme sur une proportion d'un ou deux supporteurs VIP sur des milliers de hooligans, mais sur un large éventail de personnes éduquées et aisées. »
Paru sur le site de Kommersant le 19 novembre 2012.
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