La Maison des Syndicats (Dom Tsentrossoïouza) à Moscou, est bâti en 1936 par Le Corbusier, dans la rue Myasnitskaïa. Crédit photo : Kirill Lagoutko
Dans la Russie post-révolutionnaire, l’usine a cessé d’être l’unique lieu de vie du glorieux travailleur. Le besoin de détente est apparu, et il lui fallait un espace. Le réseau de transport commençait à se développer, et la ville, qui devait être entièrement repensée, connaissait une mutation sans précédent. La révolution et la Première Guerre mondiale ont totalement achevé de transformer l’ordre social.
Exposition de Le Corbusier à Moscou + DIAPORAMA
Les plus longs bâtiments de Moscou + DIAPORAMA
L’homo sovieticus vit dans un appartement communautaire, où la vie collective est censée répondre à l’accélération du rythme du travail. Offrant une alternative à ceux qui ne sont pas prêts à des changements aussi radicaux, les architectes de l’époque proposent des logements de type transitionnel, qui permettent de conserver un certain modèle familial.
Aujourd’hui encore, ce style architectural est visible sur des bâtiments comme la Maison du Narkomfin, conçue par Moisei Ginzburg et Ignaty Milinis, située boulevard Novinski à Moscou, et mise à la disposition des experts qui travaillent sur la diversité culturelle. Répertorié au Patrimoine mondial de l’UNESCO, l’immeuble de six étages conçu pour 200 habitants, d’une hauteur de 17 mètres, menace aujourd’hui de s’effondrer et nécessite une restauration urgente. L’intérieur est composé d’une dizaine d’appartements, dont deux studios sur deux étages, avec des plafonds de 4,6 mètres de haut. Les habitants y accédaient par des couloirs d’environ 4 mètres de large, bordés de fenêtres.
À l’époque, celle des années 1920, les architectes affrontaient un défi de taille : adoucir les contrastes sociaux, fournir l’espace nécessaire à toutes les catégories de population, répondre aux exigences de fonctionnaires de la NEP (« New Economic Policy »), le tout en harmonie avec la nouvelle ère industrielle.
À la recherche de nouvelles formes, les architectes se sont plongés frénétiquement dans la recherche de figures géométriques. Ils ont renoncé à « l’art pour l’art », adoptant dans un même temps une nouvelle conception artistique qui consistait à rendre l’objet à la fois utile et esthétique.
Parallèlement aux logements, Moscou s’est rapidement dotée d’un Palais du travail, de cantines, de garages etc. Les urbanistes prirent l’habitude d’écarter le superflu, grâce à une utilisation rationnelle et calculée de chaque élément de la construction. Ainsi, la façade d’une maison pouvait aussi être reproduite à des fins de décoration (sur des cages d’escalier ou des installations publiques).
Le ministère de l’Agriculture sur Krasnye Vorota. Crédit photo : Lori / Legion Media
La maison Mosselprom à Kalashny ruelle. Source : Service de presse
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Le verre était l’un des principaux matérieux utilisés. Les éléments en verre, souvent imposants, reflètent à l’époque le progrès technique. En se démarquant des murs en béton, ils incarnent le style industriel. Ilya Golossov conçoit en 1925 la Maison de la Culture de Zuev. Les architectes expérimentent aussi des fenêtres d’un genre nouveau en combinant diverses figures géométriques. Unique projet de l’architecte et artiste avant-gardiste El Lissitski, le siège du magazine Ogoniok, dans la rue Samotetchny, symbolise un style autrefois impensable : un mélange de grandes vitres carrées et de petites fenêtres rondes.
On doit à Konstantin Melnikov le plus célèbre édifice constructiviste de Moscou dans la rue Kriboarbatsky : la villa Arbat, aux fenêtres hexagonales, un chef d’ œuvre architectural composé de deux tours cylindriques formant le chiffre 8.
La villa est régulièrement rénovée, mais ce n’est malheureusement pas le cas d’autres bâtiments construits entre les années 1920 et 1930, aujourd’hui menacés de disparition car ne figurant pas sur la liste des monuments protégés. À l’heure actuelle, plus de 26 réalisations constructivistes sont menacées de démolition, et des édifices tels que la villa Budenovski, Dubrovka ou Pogodinski font l’objet de débats intenses.
Andreï Batalov, expert en architecture, en explique l’enjeu : il s’agit « d’un héritage du modernisme soviétique, d’un intérêt universel. Les réalisations de l’époque doivent être préservées en tant que système et concept résidentiel. La reconstruction de nouveaux quartiers n’apportera rien d’autre à Moscou que tristesse et ennui ».
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