Le lac Léman sous les projecteurs russes

En se promenant sur ce vieux port russe de la Volga installé sur le Léman, les illusions vacillent entre vrai et faux, ancien et moderne, russe et suisse. Crédit photo : Emily Wright

En se promenant sur ce vieux port russe de la Volga installé sur le Léman, les illusions vacillent entre vrai et faux, ancien et moderne, russe et suisse. Crédit photo : Emily Wright

Le petit port du Bouveret (canton du Valais) au bord du lac Léman, en Suisse, a été transformé, le temps de cinq semaines, en un port de la Volga pour le tournage du dernier film de Nikita Mikhalkov. Le réalisateur russe, connu en Europe avant tout pour son film Soleil trompeur, primé à Cannes en 1994 et 1995, a en effet eu l’idée de tourner des scènes russes de son nouveau film Un coup de soleil (Sunstroke, une adaptation du récit du même nom par Ivan Bounine, écrit en 1925) sur un lac connu pour ses montagnes pittoresques… qui seront effacées au montage.

Ce choix, à première vue étonnant, a été motivé par la disponibilité en Suisse de bateaux à vapeur uniques dont le réalisateur avait besoin pour mettre en scène la Russie du début du XXe siècle sur le plus grand fleuve d’Europe. Ces bateaux à vapeur avec roues à aubes datent en effet de l’époque du récit de Bounine. Comment transforme-t-on donc la Suisse d’aujourd’hui en Russie des années 20 ?

En se promenant sur ce vieux port russe de la Volga installé sur le Léman, les illusions vacillent entre vrai et faux, ancien et moderne, russe et suisse. Des marchands russes d’il y a cent ans circulent parmi des chevaux de l’armée suisse sur un ponton suisse de bois russe. Huit camions de 40 mètres cube ont été acheminés pour l’occasion. Des faux pavés en caoutchouc parsemés de paille étouffent le bruit des roues des charrettes, ce qui permettra d’ajouter ensuite le son sur la pellicule. Le débarcadère a été repeint et porte maintenant le nom de Povolzhsk. Et le goût local pour l’authentique est tel que des habitants ont même demandé de garder ce décor après la fin du tournage.

Selon Heinz Dill, le producteur exécutif suisse, ce film dépend de la vision du chef décorateur russe, auquel il faut rendre hommage et de la « magie » de la technique d’aujourd’hui. Cette dernière sera mobilisée pour effacer le fond, dont les montagnes. 

C’est la première fois que Heinz Dill travaille avec des Russes et il est enchanté : « Malgré une différence dans la culture de production, nous avons travaillé en harmonie et la rencontre humaine a été magnifique ».

Les équipes de tournage russe et suisse travaillent ensemble depuis plusieurs mois sur le logiciel Skype, se transmettant des plans et partageant leur savoir. « Nous avons reçu des photos d’époque, des croquis du chef décorateur de Russie et une liste de tons, de formes, de proportions. Un patchwork d’informations que nous avons interprété, et ils sont enchantés du résultat ! », s’enthousiasme le chef décorateur suisse Pascal Bailloud.

Il nous montre le bateau sur lequel les acteurs et figurants se baladent en attendant de jouer la prochaine scène. Il s’agit du « Rhône », l’un des trois bateaux de la Compagnie Générale de Navigation (CGN) utilisés pour le tournage. Il a été renommé « Letoutchii » (bateau volant) et a subi quelques modifications pour correspondre aux bateaux qui circulaient sur la Volga à l’époque. Par exemple, un troisième pont a été créé et l’extérieur du pont supérieur a été maquillé pour donner l’impression de cabines, essentielles pour un bateau sensé faire des voyages de plusieurs jours le long de la Volga. Aux côtés du « Rhône », le célèbre bateau « La Suisse » (1910), considéré comme étant le plus prestigieux de Suisse et le « Montreux » (1904) ont été mobilisés.

Quand au sujet du film, le réalisateur Nikita Mikhalkov a indiqué à vesti.ru qu’« il s’agit des souvenirs d’un homme à propos d’une liaison amoureuse incroyable, époustouflante. Mais ces souvenirs lui viennent au moment où cela semble clair qu’il ne ressentira plus jamais ceci ».

Et comment le soleil d’automne un peu pâle devient-il un soleil assez brûlant pour donner le coup de soleil qui fera perdre la tête à l’héroïne de Bounine ? La « magie » de la technique aura, là aussi, son rôle à jouer. 

Le soleil suisse de Bounine

Coïncidence intéressante : bien que l’action du récit d'Un coup de soleil se passe exclusivement en Russie, sur la Volga, le lieu du tournage du film n’est pas étranger à Ivan Bounine. Le lauréat du prix Nobel de littérature de 1933 (le premier russe à recevoir un prix Nobel de littérature) et auteur du récit sur lequel l’histoire du film est basée, de passage en Suisse en 1900, également en automne, s’arrête à Genève à l’hôtel du… «Soleil ». Dans une lettre à son frère Iouri, il écrit : « Le brouillard doux était imbibé de soleil et lorsqu’il se dissipa la propre et joyeuse ville était gaie et pleine de grâce ».

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