La « démocratie locale » est en marche

Les TOS créées depuis la base sont presque partout un outil visant à défendre les intérêts des résidents face au pouvoir, souvent sous une forme protestataire. Crédit : Kommersant

Les TOS créées depuis la base sont presque partout un outil visant à défendre les intérêts des résidents face au pouvoir, souvent sous une forme protestataire. Crédit : Kommersant

Une forme nouvelle d’union entre citoyens s’enracine en Russie. Celle-ci ne pousse pas les gens à participer à des meetings d'opposition ou à réaliser des piquets devant les tribunaux. Son champ d’action, c’est le quartier et les problèmes locaux.

 Le hameau de Pavchino fait formellement partie de l’agglomération de Moscou, mais c’est un coin de la mégapole qui ne ressemble à aucun autre. Les ruelles étroites et sombres divisent les maisons en quartiers, des pommiers touffus bouchent l’horizon. Mais tout ceci pourrait changer : le paysage idyllique est noirci par l’ombre de hauts immeubles inachevés, principal motif de lutte de la TOS Pavchino. L'autonomie territoriale publique, ou TOS, est une forme encore exotique de démocratie en Russie, mais loin d’être impuissante.

L’histoire de la TOS Pavchino a débuté en 2002, lorsque les habitants excédés  par le délabrement des routes autour de leur maison ont essayé d'obtenir des autorités qu’elles refassent la chaussée. « Au début, nous recevions diverses lettres nous invitant à nous adresser ailleurs, puis il s'est avéré que, légalement, les rues de notre hameau n'existaient pas : aucune organisation ne les a trouvées dans ses registres », explique son président Nikolaï Zouïev. Pour qu’une route apparaisse, l'administration municipale a suggéré de créer une TOS et de déposer en son nom une demande de réparation. Les militants ont réuni les résidents et, sans aucune opposition des fonctionnaires, ont créé une TOS. (Voire encadré)


L'harmonie entre les autorités et la population n'a pas duré longtemps. « En 2004, nous luttions non pas pour la qualité de la route, mais pour nos maisons. Les autorités locales ont approuvé un contrat d'investissement visant à construire des immeubles sur nos terrains. Le développeur, sous couvert de l’argument « tout est décidé », essayait d'acheter nos terrains, mais les gens ont refusé, et nous avons obtenu par le biais de la TOS la reconnaissance du contrat comme illégal », indique M. Zouïev. La liste des victoires de la collectivité territoriale comprend l’amélioration des infrastructures du hameau et le renvoi pour révision du plan d’aménagement, qui ne plaisait pas aux habitants.

La TOS comble le vide du pouvoir, estiment les résidents. Il n’existe pas d’organe municipal en tant que tel, et les autorités de la ville, selon Zouïev, ignorent leurs intérêts : « Le pouvoir ne nous entend pas. Et la force de notre TOS est qu’elle contraint les autorités à tenir compte de l'avis des habitants ».

Les TOS créées depuis la base sont presque partout un outil visant à défendre les intérêts des résidents face au pouvoir, souvent sous une forme protestataire. Formellement, les TOS pourraient s'éloigner du modèle protestataire dans leur relation avec les autorités pour devenir une véritable collectivité territoriale, un maillon inférieur du pouvoir. La loi autorise les TOS à assumer les responsabilités des administrations urbaines et rurales, ainsi qu’à gérer le budget. Mais personne ne veut spontanément partager le pouvoir. La situation la plus complexe en matière de collectivités territoriales règne à Moscou et Saint-Pétersbourg, où le principe d'unité urbaine est en vigueur. Concrètement, ce sont les autorités de la ville qui décident de leur côté quel niveau de gouvernement local les citoyens peuvent posséder pour ne pas violer l’« unité ».

Piotr Milosserdov, coordinateur du Conseil des députés municipaux de Moscou, estime que les TOS n’ont aucune perspective dans la situation juridique actuelle. « Jusqu’en 2006, il y avait à Moscou une bonne loi sur les collectivités territoriales. Les TOS avaient le droit de contrôler le commerce sur leur territoire et le travail des services publics. Suite à l’invalidation de cette loi, les capacités des TOS se sont considérablement réduites. D’ailleurs, une TOS est enregistrée auprès du ministère de la Justice non pas comme un organisme de gouvernement local, mais comme une simple entreprise ».

A Moscou, les TOS sont réduites à des outils à usage unique. Par exemple, dans le quartier Voïkovski de Moscou, une collectivité territoriale est apparue à l’apogée de la lutte des résidents contre un projet de construction. « Notre principale force a été le formulaire de la TOS. L’exécutif y a répondu », a déclaré le chef de la TOS Nikolskoïe, Viktoria Vassenkova. A l’issue de son combat contre les développeurs et les fonctionnaires, la TOS a rempli sa mission et a été abandonnée : les militants ont cessé de procéder à l’élection du conseil d'administration. « Nous avons acquis un certain aura, nos autorités locales nous prennent désormais en compte, et nous nous efforçons de régler tout problème en personne. Si l’on n’y parvient pas, alors nous allons au tribunal », explique Mme Vassenkova au sujet du changement de tactique.

Le Conseiller du Service fédéral antimonopole pour la gestion du génie urbain, Semen Bourd, estime que le développement des TOS contredit la tendance générale à la réduction du rôle des collectivités territoriales au cours des 12 dernières années. « Il y aura de sérieuses perspectives pour les TOS lorsque l'idée de collectivité territoriale deviendra nationale. Pas seulement à la télévision ou dans les déclarations des fonctionnaires, mais au sein de la nation ».

Version complète de l’article sur le site de Kommersant.

 

Qu’est-ce qu’une TOS ?

Conformément à la loi russe, les citoyens ont le droit de créer des organes de pouvoir dans les limites de leur territoire de résidence. Le plus souvent, ce sont des zones, des rues, des cours d’immeubles et des quartiers reculés de la ville. Les pouvoirs de ces organes sont réduits. L'autonomie territoriale publique (TOS) peut agir au nom de sa population, mener des activités économiques pour l'aménagement du territoire, résoudre les problèmes quotidiens des gens, et présenter des initiatives sur des questions locales au conseil municipal. Néanmoins, ces pouvoirs restreints ont suffi pour que dans certaines régions, les TOS deviennent de véritables acteurs politiques et un casse-tête pour les fonctionnaires locaux

 

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