Faire chanter la Russie, pas si simple

Elton John lors de sa tournée en URSS, 1979. Crédit : Itar-Tass

Elton John lors de sa tournée en URSS, 1979. Crédit : Itar-Tass

Certains groupes, comme les vieux artistes des années 1970, les dinosaures du rock et les favoris des hipsters, sont vraiment populaires en Russie et sont souvent en concert dans le pays. Cependant, les amateurs russes de musique préfèrent les groupes plus modernes, mais les villes provinciales ne sont pas toujours en mesure de répondre aux exigences des célébrités.

Le marché russe de la musique a plusieurs particularités qui le distinguent de la moyenne européenne. En raison de l’isolement culturel extrême de l’URSS, quasiment fermée pour les stars internationales avant 1991, rares étaient les musiciens occidentaux autorisés à lancer leurs albums dans le pays, et ce sont eux aujourd’hui qui jouissent d’une popularité record dans l’espace postsoviétique.

Boney M, un des quelques groupes « autorisés » en URSS, était très populaire chez les citoyens soviétiques, attirés par toutes les manifestations de la liberté et de la culture du monde occidental. Ceci a assuré au groupe allemand une immense popularité. Aujourd’hui, Boney M n’existe plus en tant que groupe, mais cela n’empêche pas trois membres de l’ensemble (sans Bobby Farrell, décédé en 2010 à Saint-Pétersbourg) d’effectuer séparément des tournées en Russie avec leurs anciens tubes. Les musiciens donnent de nombreux concerts dans les régions russes et animent les soirées privées de riches industriels ainsi que des soirées d’entreprises. En outre, ils se font entendre de temps en temps à Moscou et à Saint-Pétersbourg dans le cadre des concerts « Disco des années 80 » qui rassemblent dans les plus grandes salles des deux capitales russes des ex-stars de la musique européenne, comme C.C. Catch, Pupo, Zodiac, le sex-symbol de la jeunesse soviétique Sabrina et le groupe allemand Dschinghis Khan, connu en Russie comme un one-hit wonder pour sa chanson Moskau.  

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Outre les groupes de la pop des années 80, plusieurs chanteurs de rock sont toujours les bienvenus en Russie. Par exemple, les américains Brazzaville et Bloodhound Gang ne donnent des concerts qu’en Russie. Et les dinosaures du rock, comme Scorpions, Iron Maiden, Uriah Heep et Udo sont très chaleureusement accueillis non seulement dans les capitales, mais aussi en province.

Source : Scorpions Youtube channel

À la différence de Paul McCartney, qui n’a pas visité l’URSS, Elton John a eu de la chance et a donné en 1979 plusieurs concerts à Moscou et à Leningrad (Saint-Pétersbourg). La rumeur courait qu’un haut fonctionnaire de l’Agence soviétique de divertissements Goskontsert avait même assisté à un concert du célèbre artiste en Grande-Bretagne pour s’assurer que ses oeuvres ne représentaient pas une menace idéologique pour le communisme.

Source : ivanknight81 / Youtube

Et bien que le rideau de fer n’existe plus depuis longtemps, les musiciens populaires hésitent souvent à visiter la Russie. Radiohead, très populaire chez les amateurs russes de rock, n’a toujours pas visité le pays, tandis que les membres de U2 n’ont donné qu’un seul concert qui s’est tenu en 2010 dans le cadre de la tournée 360 Degree Tour. En Russie, on dit pour plaisanter que les stars internationales ne visitent la Russie que quand ils n’ont plus de succès en Occident, et il semble parfois que ce soit vrai.

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Après avoir visité l’URSS en 1991, Metallica n’a pas donné de concert en Russie jusqu’en 2007. En dépit de l’opinion répandue selon laquelle le groupe n’était plus le même, Metallica a alors fait salle comble au stade Loujniki de Moscou. Ce succès était principalement dû aux fans désespérés qui ne s’attendaient plus à voir le jour où le groupe retournerait dans le pays. System of a Down n’a, quant à lui, visité la Russie qu’après une reformation, lorsque leurs fans russes avaient déjà perdu tout espoir. Et il en va de même pour The Cranberries.

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Mikhaïl Chouryguine, président de l’agence russe artistique NCA, dénonce les affirmations selon lesquelles la Russie ne serait pas populaire chez les artistes étrangers : « Bien évidemment, ce n’est pas vrai. Plusieurs artistes célèbres qui sortent de nouveaux albums et organisent activement des tournées visitent la Russie, parmi d’autres pays. Prenons à titre d’exemple les récents concerts des groupes Red Hot Chili Peppers, MUSE, 30 Secоnds to Mars et Linkin Park, que nous avons organisés. »

Avant d'accueillir un groupe populaire dans le pays, les agents artistiques surveillent le marché pour déterminer les préférences du public. « Afin de comprendre la popularité de tel ou tel artiste, nous utilisons notre réseau, le Club des amis de NCA, qui compte plus de 40 000 membres. Cela nous permet de rester en contact avec le public. De plus, nous surveillons les réseaux sociaux en prêtant une attention particulière à l’activité des communautés de fans de l’artiste et l’intérêt que lui accorde le public russe », explique M. Chouryguine.

Toutefois, si Moscou et Saint-Pétersbourg accueillent régulièrement des stars internationales, la province russe est plutôt en disgrâce chez ces derniers. Les principales raisons sont l’immensité du pays et l’incapacité de répondre aux exigences des stars. En outre, la vie culturelle provinciale est beaucoup moins active, ce qui rend l’organisation des concerts de vedettes dans les régions éloignées non-rentable pour les agences artistiques locales. Les distances ont un impact sur le public, bien sûr, et la pop russe est beaucoup plus populaire en province que ses analogues occidentaux. Mais, pour être juste, il faut avouer que la situation n’est pas aussi désespérante que ce que l’on pourrait croire et que certains artistes se rendent dans les régions éloignées du pays. Si Madonna et Red Hot Chili Peppers limitent leur tournée en Russie aux concerts à Moscou et à Saint-Pétersbourg, Sting, Guano Apes et Korn ont visité Kazan, Krasnodar et même Ekaterinbourg. Les mélomanes de Sibérie et de l’Oural souhaitent, eux aussi, écouter da la musique de qualité, mais il s’avère qu’il est bien plus difficile pour eux de l’obtenir qu'il n'y paraît.

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