Dans les années 60, les autorités de la ville avaient entamé une guerre contre les pigeonniers installés dans les cours des immeubles. Crédit photo : Valeri Choustov / RIA Novost
« J’avais dix ans lorsque mon frère aîné a ramené à la maison un sac plastique avec, à l’intérieur, quelque chose de vivant. J’ai pensé, un chiot... C’était un pigeon », se souvient Gueorgui. À cette époque, il vit en plein centre-ville de Moscou, près de la station Novoslabodskaïa. Avec son frère, ils aménagent un petit pigeonnier dans la cour, en bas de l’immeuble. Et puis il a fallu déménager. L’oiseau a été confié pour un temps à un éleveur de pigeon, un ami de la famille installé dans la banlieue moscovite.
Il y a trois ans, la famille Grigorian a acheté un terrain aux abords de la capitale. Gueorgui a immédiatement débuté la construction de son pigeonnier. «Nous avons récupéré nos pigeons, au total, nous en avions 30: ils se reproduisent vite, et puis nous avons aussi acheté de nouvelles races», raconte-t-il.
Gueorgui est architecte de formation, et il possède sa propre entreprise. Ses pigeons, il les élèvent dans une maison de campagne des environs de la Roubliovka. Dans une étable aménagée avec des perchoirs, vivent quelque 800 pigeons de races et couleurs différentes. Selon Gueorgui, la colombophilie, si l’on s’y intéresse de près, est un hobby de luxe. Les pigeons mangent environ quatre sacs de grain par semaine. Les médicaments, les vitamines, et les visites régulières chez le vétérinaire sont autant de dépenses à prendre en compte. Gueorgui affirme que beaucoup de vieux éleveurs vendent certains de leurs pigeons afin de nourrir les autres: à Moscou, un pigeon de race peut rapporter entre 25 euros et 80 euros.
Gueorgui Grigorian se rend à sa datcha (maison de campagne, ndlr) plusieurs fois par semaine. En son absence, son voisin Nikolaï veille sur les bêtes. En signe de gratitude, Gueorgui lui a offert près de 100 oiseaux. Régulièrement, ses voisins organisent des compétitions : lequel volera le plus longtemps. Les pigeons-sportifs sont soumis à un régime spécial, il ne doivent pas être suralimentés.
Gueorgui prend plaisir à faire la démonstration de ses protégés. Il monte au grenier, ouvre la cage, et les oiseaux sont lâchés. Il siffle, brandit son balai pour les disperser haut dans le ciel. Presque tous les oiseaux de Gueorgui sont des pigeons de Vol, aussi appelés Culbutants, car ils ont la particularité, pendant leur vol, d’effectuer des culbutes, roulades et saltos avant ou arrière.
Chaque membre de la famille Grigorian a son pigeon préféré. La maman, Emma, aime le pigeon takla blanc qui ne rentrera pas au bercail tant que tous les autres ne seront pas revenus. Le préféré de Gueorgui est un haut-volant iranien. Son corps est blanc, sa tête noire, et il a de petites pattes velues. « Je préfère les pigeons à longues plumes », se confie-t-il. « Mon protégé vole divinement bien. Et c’est un chanceux : plusieurs fois il a réussi à échapper aux faucons. Je crois que nous avons un caractère similaire, lui et moi ».
Gueorgui déplore cependant le fait que «la plupart des pigeonniers de Moscou sont vieux et obsolètes, issus de l’époque soviétique. Et sous couvert de nouvelles constructions, ils sont souvent démolis et disparaissent peu à peu du paysage urbain. Selon Gueorgui, il faut reconstruire des pigeonniers dans les parcs et les cours d’immeubles de la ville. Et pourquoi pas dans un style russo-byzantin? Ce serait aussi l’occasion d’offrir aux passants la possibilité de s’arrêter un temps, de s’occuper des oiseaux, et peut être de créer des liens avec l’animal.
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Où sont donc passés les pigeonniers de Moscou?
L’arbitre du Club des Colombophiles « Pigeons du Monde » Mikhaïl Korjikov raconte qu’aujourd’hui, la majorité des amateurs sont des personnes âgées. Dans les années 60, les autorités de la ville avaient entamé une guerre contre les pigeonniers installés dans les cours des immeubles.
« Pour obtenir la permission d’installer une cage, c’était le parcours du combattant. Le gens pensaient que cela allait favoriser les rassemblements autour de la vodka», explique Mikaïl Kojirov. «Les gens ne voulaient pas d’élevage de pigeons en bas de chez eux, brisant ainsi la succession générationnelle ». En juillet 2012, le maire de Moscou Sergueï Sobianine a proposé de simplifier la procédure et de rendre gratuite l’autorisation d’élevage de pigeons. Mais selon Mikhaïl Kojirov, à Moscou, il n’y a plus de place pour construire des pigeonniers.
« Nous avons eu le cas où, pour des raisons de risques d’écroulement des bâtiments, les pigeonniers ont été retirés. Les autorités locales auraient été ravies de nous allouer un autre emplacement, mais aucun endroit dans le quartier n’a été trouvé », se désole-t-il.
Le texte original en russe publié sur le site de The Moscow News le 18 septembre 2012.
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