Sur les 30 dernières années, la couche de glace en Arctique a diminué entre 23 et 27%. Crédit : Itar-Tass
Récemment, plusieurs scientifiques internationaux de renoms ont annoncé d’une seule voix que si la fonte des glaces se poursuit au même rythme, la couche de glace recouvrant la surface de l’océan Arctique pourrait bien disparaître durant les mois de juillet et d’août. Avec le réchauffement climatique et la réduction des réserves d’hydrocarbures sur terre, l’intérêt de l’Arctique risque fort de s’accroître, et les conflits locaux avec recours à la force militaire pourraient bien devenir monnaie courante.
Au cours des cinq à sept dernières années, la couverture de glace de la mer de Kara a commencé à disparaître le long de la côte sur 700-800 km, a récemment déclaré le directeur adjoint de l’Institut d’océanologie de Shirshov auprès de l’Académie des Sciences de Russie et docteur en biologie Michael Flint. « Que l’Arctique connaisse une fonte des glaces ne fait aucun doute. Sur les 30 dernières années, la couche de glace a diminué entre 23 et 27% », souligne le scientifique.
À son tour, l’Agence BBC cite Peter Uedhesma, professeur de l’Université de Cambridge, qui affirme que la banquise a tellement décliné ces 30 dernières années, qu’elle pourrait disparaître de la surface de l’océan Arctique en 2015 ou 2016. « Les mesures enregistrées par les sous-marins ont démontré que la couche de glace recouvrant l’Arctique a perdu au moins 40% de son épaisseur depuis 1980. Et en période estivale, le volume de glace en Arctique atteint à peine 30% des volumes observés dans les années 80 », explique-t-il.
Il existe plusieurs points de vue pour expliquer une fonte des glaces aussi rapide en Arctique, depuis les facteurs anthropiques sur lesquels se basent avec détermination les négociants de quotas de CO2 internationaux jusqu’aux théories sur les variations climatiques naturelles qui séduisent non seulement certains chercheurs, mais aussi des fonctionnaires et des industriels.
Un processus qui s’avère pour l’instant plus positif pour la Russie, que négatif. Parmi les « plus », figurent notamment la possibilité pour les industries d’exploiter les réserves de pétrole et de gaz tant sur les plateaux continentaux, que sur les plateformes off-shore, leur permettant d’ouvrir presque toute l’année la voie maritime la plus courte pour relier l’Europe à l’Asie, soit en longeant la côte de l’océan Arctique (également appelé « la route maritime du Nord »).
De ces avantages, issus de l’exploitation des richesses naturelles de l’Arctique, d’autre pays au contact de cet océan comptent bien en profiter. Car selon les chiffres du Service de géologie des Etats-Unis publiés en 2008, le territoire s’étendant du Nord au cercle Polaire concentrerait environ 22% des réserves de pétrole et de gaz du monde non découvertes et techniquement récupérables.
La Russie a déjà commencé à développer une partie de ces champs. Bien que Gazprom ait pour l’instant décidé de geler le développement du gisement de Shtokman en mer de Barents, le premier projet de forage pétrolier dans l’Arctique Prirazlomnoye est déjà en cours de réalisation. Rosneft, de son côté, se prépare à la mise en valeur de gisements dans les mers de Kara et de Pechora.
Pourtant, le début de la production russe de gaz et de pétrole en Arctique n’inquiète pas seulement Greenpeace. La division de l’Arctique est depuis fort longtemps une source de discorde entre quelques États nordiques. Avant 1982, l’Articque se partageait en cinq secteurs entre l’URSS, la Norvège, le Danemark, les États-Unis et le Canada. Les territoires et les îles appartenant à chaque zone étaient considérés comme propriété de l’un ou de l’autre État. Quant à l’océan Arctique et à son plateau continental, ils étaient régis par le droit de la mer en général. La ratification de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer vient redonner à chaque pays le droit de revendiquer l’extension de sa zone économique exclusive. Une initiative qui a conduit, selon le directeur du Centre de prévisions militaires Anatoli Tsyganok à des revendications territoriales pour le contrôle du plateau continental de l’Arctique de la part de 16 Etats limitrophes, venant des trois continents: européen, asiatique et américain.
Pour protéger ses intérêts dans la région, chaque État se prépare à l’affrontement pas seulement diplomatique, mais aussi militaire. Au printemps 2010, les médias canadiens publiaient les conclusions de Rob Hubert, directeur associé du Centre d’études militaires et stratégiques auprès de l’Université de Calgary, analysant les dépenses militaires des États-Unis, du Canada, de la Norvège, de la Russie et du Danemark pour l’Arctique. Selon lui, depuis 1989, ces pays ont déjà soit préparé, soit annoncé leur programme pour la construction de 66 navires destinés à des opérations de combat dans l’Arctique, dont les nouvelles frégates norvégiennes, 12 nouveaux navires de patrouille danois et 12 sous-marins nucléaires projetés par les États-Unis.
De son côté, annonce Rob Hubert, le Canada a l’intention de construire six navires de patrouille et un brise-glace polaire de la Garde côtière à la fine pointe de la technologie. Le pays compte par ailleurs ouvrir une école de formation militaire spécialisée et améliorer ses capacités de surveillance dans la zone. Le Canada et la Norvège ont également augmenté le nombre de manoeuvres militaires dans l’Arctique.
« C’est pourtant la Russie qui a fait le plus parler d’elle en annonçant vouloir construire 15 nouveaux sous-marins et un brise-glace nucléaire. Elle a repris ses patrouilles aériennes aux frontières nord-américaines, a dépêché des navires de guerre et des sous-marins dans les eaux arctiques et a promis d’accroître ses ressources militaires sur place », note Canadian Press. Par tradition, les Canadiens une tendance à exagérer la menace militaire de la Russie en Arctique. Mais le gouvernement russe a en effet, depuis 2009, souligné à plusieurs reprises la volonté de la Russie de protéger ses propres intérêts dans la région, de toutes les façons possibles.
Avec le réchauffement climatique et la réduction des réserves d’hydrocarbures dans le monde, l’intérêt pour l’Arctique va augmenter de façon exponentielle. Toutefois, si d’ici quelques années l’océan Arctique s’avère totalement libre de glace durant les mois de juillet et d’août, le prix du pétrole à cette période de l’année pourraient franchir la barre des 200 dollars le baril, et le recours à la force militaire dans la région deviendrait alors un phénomène récurrent.
L’article est publié dans sa version courte. Trouvez le texte en intégralité (en russe) sur le site de l'Expert.
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