Koktebel met le jazz à nu

Crédit photo : Pauline Naryсhkina

Crédit photo : Pauline Naryсhkina

Koktebel, un nom qui sonne comme un claquement de doigts, rythmé et désinvolte, tout à l'image de son festival de Jazz qui s’est déroulé, pour la dixième année consécutive, du 29 août au 2 septembre dans cette station balnéaire de Crimée, en Ukraine.

Crédit photo : Pauline Naryсhkina / Service de presse du festival de Koktebel

Tandis que la pleine lune monte sur ce petit village baigné par la mer Noire et entouré de montagnes et de vignes, des jeunes dansent et s’éclaboussent sur les airs salsa du Batucada jazz band de Magnus Lindgren. Oleg, ingénieur de Kharkov, vient au festival tout les ans depuis le début. Cette année, il l’a fait découvrir à sa fiancée, Aliona et ils ont débarqué au festival en bateau : « Cet endroit est incroyable. La pleine lune se reflétant dans la mer et cette musique partout. Les gens sont si ouverts, je me suis fait de nouveaux amis. Le jazz rapproche les gens », dit-elle en souriant tendrement à Oleg avant de l’embrasser.

C’est, au début du siècle dernier, Maximilien Volochine, poète, peintre et sorte de précurseur du mouvement hippie, féru de naturisme, d’écologie et de liberté, qui a ouvert ce coin de paradis en Crimée. Après s’y être installé et fait de sa villa une véritable résidence d’artistes, y accueillant des figures littéraires comme Marina Tsvetaieva, Alexeï Tolstoï, Ossip Mandelstam. Et voici plus d’un siècle que Koktebel continue d’être un véritable épicentre culturel et la Mecque de la jeunesse branchée, en grande partie grâce à ce festival.

Chaek, chanteur français d’origine réunionnaise revient ici pour la troisième fois partager son blues multiethnique: « Cet endroit mérite le détour. On a l’impression d’être sur une île. Les gens viennent de partout. Il se passe un truc ici. Des singularités. Les gens se laissent aller et un point d’équilibre se crée. Une sorte d’antenne. J’ai fait beaucoup de festivals mais ici, je me sens chez moi ». Une histoire de rencontres, à la suite desquelles il a créé son projet, et il souhaite aujourd’hui monter une résidence avec les artistes locaux.

Trois scènes, trois mondes, une même planète


Depuis dix ans, le festival a connu une évolution constante, porté par sa directrice Lillia Mlinaritch et ses collaborateurs qui forment une équipe soudée, véritable secret de réussite d’un tel événement. « Il y a encore trois ans, le festival était gratuit, les musiciens jouaient sur le front de mer. Maintenant, nous avons un espace plus structuré : trois scènes qui répondent à des attentes plus larges. Une organisation solide est nécessaire pour accueillir durant cinq jours près de 70 groupes et des spectateurs toujours plus nombreux ».

Et le public n’a pas fait faux bond. Ils étaient près de 8000 (selon les chiffres officiels) autour de la scène centrale NU Jazz, qui porte bien son nom puisqu’elle est située en plein milieu d’une plage nudiste. « Je suis moi même saxophoniste et naturiste et, si je pouvais, je jouerais sur scène dans mon plus simple appareil ! », plaisante Diana, musicienne à Perm.

En plus de la scène ouverte gratuite, qui tourne en journée pour faire découvrir toujours plus de nouveaux talents, les festivaliers disposent, pour se détendre, d’une « écozone ». Des buvettes proposant des boissons à base d’herbes revigorantes, une géode chill-out, des stands de vêtements en lin et chanvre et de bijoux faits à la main en cuir et en pierre, et même un espace de jeux de société avec Rubik’s Cube et jeu de go.

Mais, c’est principalement pour la musique que la foule s’est rassemblée et pour se défouler au son d’un « jazz » qui a su lui aussi se mettre à nu et se débarrasser de son carcan pour révéler une large éventail d’influences aux accents indéniablement world.

Les têtes d'affiche se sont succédées. L’envoûtante chanteuse georgienne Nino Katamadze, les rockeux biélorusses Liapis Troubetskoï, le cabaret déglingué de Serebriannaïa svad’ba (Noces d’argent), les britanniques Cinematic Orchestra, virtuoses des boucles électro, ou les Tiger Lillies et leurs complaintes à boire. Mais le roi du festival qui a animé la foule fut sans conteste Goran Bregovic présentant son nouvel album Du champagne pour les gitans, accompagné par un orchestre folklorique serbe. Il a promis de « jouer tant que le public danserait ». Pris au mot, son concert ne s’est pas terminé avant 2h du matin.

Pour un public plus « pointu », le festival a mis en place la scène Volochine qui accueille 200 personnes dans l’ambiance intimiste du jardin de la villa du célèbre poète qui a fait la réputation de Koktebel. « Il y a un jazz qui nécessite une proximité avec le public. Fait pour être écouté « les yeux dans les yeux », explique Alexeï Kogan, programmateur de la scène depuis trois ans. Mais le mélange des genres qui caractérise le festival est présent jusqu’ici. Du classique, du contemporain, de la fusion et des noms mondialement connus : Mike del Ferro, Jim Ridle, Arne Jansen, Veronika Kojoukharova et bien d’autres.

Pour clôturer le festival, et avant la jam session finale, ce sont des Français de Toulouse, le groupe Pulcinella, qui ont créé la surprise avec leur style plein d’humour et d’éclectisme, mêlant jazz, rock, musette, balkan, qu’ils définissent comme « musique à vivre ». « En France, le public de jazz est plus bourgeois, blasé. Le terme jazz a tendance à repousser les jeunes. Dans les pays de l’est, le public est plus frais, plus généreux, il a soif de nouveauté », s’enthousiasme Florian Demonsant, accordéoniste du groupe en pleine tournée à travers l’Ukraine.

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