TITRE : Le Singe noir
AUTEUR : Zakhar Prilepine
ÉDITION : Actes sud
TRADUIT par Joëlle Dublanchet
L’enfant terrible de la littérature russe - il vient d’écrire une lettre à Staline qui fait grand bruit- Zakhar Prilepine revient avec un roman écrit à la première personne. Même si Prilepine ne donne pas comme il le fait souvent son prénom au héros qui restera sans nom tout au long de cet étrange roman, ce dernier lui ressemble ne serait-ce que parce que comme lui, il est écrivain, journaliste et fasciné par les faits de société qui agitent la Russie, ici les enfants assassins. Il est à un moment où sa vie patine. Pataugeant dans ses relations amoureuses, entre une maîtresse qui finit par le congédier, une prostituée qui se fait tuer, il fuit son épouse et sa famille se délite, malgré la fascination qu’il a pour ses jeunes enfants qui l’adorent tout en le considérant comme un grand frère turbulent et un peu minable.
Espérant collecter un précieux matériau pour son prochain livre, notre héros se lance dans une enquête sur les enfants assassins. Les enfants sont dénués de pitié, « ils ne connaissent pas la peur … ni les … catégories du bien et du mal… il ne comprennent pas ce qu’est la cruauté. » Le phénomène des enfants assassins récurrent dans l’histoire semble pouvoir aider le héros à répondre à son questionnement : « qu’est ce qui est le plus inhérent à la nature humaine : la résignation ou la révolte ? Quand la résignation fait-elle d’un saint un pauvre type ? Et quand la révolte fait –elle d’un héros national un psychopathe paroxystique ? ».
Reflet du chaos du monde et de l’univers du héros, La narration est saccadée. On ne sait jamais exactement ni quand ni où l’action se situe, dans un immeuble où toute la population aurait été massacrée par des enfants sauvages, au Moyen âge, sur un champ de bataille où déferlent des hordes d’enfants, dans des lieux où ils sont objets d’étude : laboratoire secret ou terrarium ; ou encore dans la déambulation du narrateur à travers les cours de la ville ou dans ses souvenirs d’enfance et de jeunesse, à moins que ce ne soit dans son délire morbide ?
Comme toujours chez Prilepine, quelques pépites poétiques viennent éclairer un récit brutal comme le monde qu’il dépeint : sanguinaire et malade, peuplé d’enfants innocents et sauvages et d’adultes immatures, « mous comme des pommes pourries », incapables de protéger leur progéniture. Malgré l’écho des thématiques habituelles, le lecteur aura peut – être du mal à retrouver dans ce dernier roman, l’auteur prometteur de Pathologies et du Péché, consacré en 2011 en Russie meilleur auteur de sa décennie.
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