« Dans son projet de détruire la Prusse, Napoléon a avalé un champignon ». Image par Ivan Terebnev
Parmi les trois, Terebenev est devenu le plus célèbre pour ses gravures de 1812. Né en 1780, Terebenev a suivi une formation de sculpteur à l'Académie des Arts de Saint-Pétersbourg. Après ses études, il a travaillé dans un lycée à Tver et s'est impliqué dans les sociétés réformistes qui ont émergé avec l'accession d'Alexandre Ier sur le trône en 1801. En participant à ces groupes de discussion, Terebenev a été fasciné par le patriotisme civique romain décrit dans les histoires de Tite-Live. Pour un jeune homme réformateur, les contes de patriotes romains tels que celui de Gaius Mucius Scaevola, qui a brulé sa main dans un feu étrusque afin de prouver sa bravoure, semblait être le modèle de comportement que les Russes devraient suivre.
Terebenev a eu une chance de propager ses idées en 1812. Il n'avait jamais beaucoup aimé la sculpture et avait commencé à peindre et à dessiner pendant son séjour à Tver. Influencé par les caricatures des satiristes anglais tels que Thomas Rowlandson et par les estampes populaires russes connues sous le nom de loubok, Terebenev a décidé de faire ses propres caricatures, qui allaient inspirer ses compatriotes. Il les a publiées dans des revues nouvelles et patriotiques, telles que le Fils de la Patrie, et les vendait dans des magasins, aux colporteurs, et dans des collections imprimées. Ses images sont devenues célèbres, assurant à leur manière que la guerre contre Napoléon soit définie comme un patriotique.
Dans ses images de 1812, Terebenev a fusionné ses intérêts au sein de la mythologie classique, du patriotisme civique et des idées réformistes. Son Hercule russe de la ville de Sycheva dépeint le paysan russe dans le rôle du demi-dieu grec. Dans cette caricature, Terebenev dessine un archétype de paysan qui défend sa patrie contre les envahisseurs étrangers, un trope visuel qui continuera à apparaître dans les estampes populaires durant le reste du siècle.
Ivanov et Venetsianov allaient réaliser leurs propres versions de l'Hercule russe, et les gravures populariseraient le terme comme une expression applicable aux paysans partisans qui se sont battus en 1812. Le Scaevola russe de Terebenev réalise un processus similaire, en appliquant l'histoire du patriote romain aux actions mythiques de paysans. Dans cette caricature, un paysan russe qui a été marqué par la lettre « N » de Napoléon se coupe le bras plutôt que de porter les initiales de l'empereur des Français. La version d'Ivanov est encore plus dramatique en raison de sa mise en scène dans une isba typique, ou hutte paysanne.
L'exemple le plus clair du sens du patriotisme de Terebenev peut être trouvé dans Les Russes apprennent à Napoléon à danser, une autre estampe qui a été largement copiée à la fois en Russie et en Angleterre, où George Cruikshank en a publié une version. Deux paysans russes forcent Napoléon à faire une danse paysanne. Le texte de Terebenev stipule : « Si vous empiétez sur notre terre, vous devez danser à notre façon ». L'image met en contraste les tentatives de Napoléon d'imposer la culture française en Russie avec la « bonne » réponse, celle qui capte les traditions folkloriques russes. Terebenev met en scène des contrastes similaires dans son Napoléon avec les Russes dans le Bania et Le traitement de Napoléon en Russie, où l'on voit trois soldats russes qui couvrent l'empereur français de boubliki, le petit pain rond traditionnel russe.
Impossible à surpasser, Venetsianov a également mis en place de forts contrastes entre les paysans patriotes russes et l'ennemi français. Sa caricature Les rats français affamés sous le commandement de la Chef du Village [Starostikha] Vassilisa illustrait l'histoire d'une paysanne ayant capturé des soldats français dans sa cabane près de Smolensk. Dans la caricature, les paysans russes transportant des faux capturent trois soldats mendiants pitoyables de la Grande Armée. Les paysans sont dirigés par une femme à cheval portant le kokoshnik, une coiffe traditionnelle. Venetsianov a dessiné une suite, Les gardes de Napoléon escortés par la Chef du Village Vassilisa, qui montrait des enfants de paysans russes engagés dans l'action patriotique. Ses caricatures de 1812 ont conduit Venetsianov à devenir un artiste après la guerre : il devint très célèbre pour ses tableaux de 1820 dépeignant les serfs russes comme des êtres humains, caractéristique qui remémorait les actes héroïques qu'il avait dessinés en 1812.
Terebenev est mort en 1815, mais il a auparavant recueilli ses images et celles de ses collègues caricaturistes dans son Alphabet de 1812, un premier livre utilisé par les écoliers du XIXe siècle. Les enfants russes pouvaient apprendre l'alphabet à travers ces estampes patriotiques, y compris le « I » avec la Vassilisa de Venetsianov et le « K » montrant les paysans russes apprenant à danser à Napoléon. De cette façon, les images de 1812 et la façon dont elles ont défini le conflit ont continué à vivre.
Stephen Norris est professeur d'histoire à l'Université de Miami (OH) et auteur d'« Une guerre des images: estampes populaires russes », « Culture en temps de guerre », et « Identité nationale, 1812-1945 « et du livre à paraître » L'Histoire sur grand écran dans la nouvelle Russie: Films, mémoire, et patriotisme ».
Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.
Abonnez-vous
gratuitement à notre newsletter!
Recevez le meilleur de nos publications directement dans votre messagerie.