L'adhésion de la Russie à l'OMC a été précédé par de longues négociations qui ont duré 18 ans. Crédit photo : Reuters/Vostock Photo
En adhérant à l'OMC, la Russie sera en mesure de peser sur l'élaboration des règles du commerce mondial, rompant ainsi avec le statut « invisible » d'observateur. Le pays bénéficiera d'une réduction des droits de douane, ce qui sera en premier lieu profitable aux exportateurs russes de métaux (ferreux et non-ferreux) et de produits de l'industrie chimique. « Ces dernières années, les exportations russes ne se diversifient pas, mais en plus elles se détériorent. Aucune mesure de promotion de l'export n'a été adoptée. De fait, l'entrée à l'OMC est la première étape d'importance afin de renforcer les exportations russes », a déclaré le professeur de l'École russe d'économie (ERE) Natalia Volcthkova.
L'entrée à l'OMC ne manquera pas de se répercuter sur le comportement des acteurs du marché russe. Les bouleversements à venir forceront le monde des affaires à agir de façon plus transparente, car désormais son activité sera contrôlée non seulement par les autorités russes, mais aussi des représentants d'autres pays, espèrent les experts. « À son tour, la stabilisation de la politique commerciale pourrait rendre la Russie plus attrayante pour les investisseurs étrangers », ajoute Mme Voltchkova. Selon les analystes de Troïka Dialog, l'adhésion à l'OMC sera également bénéfique pour le secteur des services aux consommateurs. Dans l'ensemble, les droits d'importation pour ce secteur devraient être réduits de 13,3 à 10,3%. L'adhésion produira en outre un assouplissement des restrictions sur les importations, par exemple de nourriture. Néanmoins, d'autres secteurs tels que la finance et les télécommunications devront attendre un peu avant de toucher « les premiers cadeaux de l'OMC ».
Les études de la Banque mondiale (BM) indiquent que l'entrée dans l'OMC entraînera une hausse des salaires, aussi bien pour les travailleurs à bas salaires que pour le personnel hautement qualifié. Les spécialistes de la BM expliquent cet effet par le fait que les nouvelles entreprises étrangères souhaitant ouvrir des représentations en Russie devront recruter parmi ces deux catégories.
Cependant, les avantages que le budget russe retirera de l'adhésion ont un prix. Auparavant, le ministre du Développement économique Andreï Beloousov a déclaré que les pertes directes des caisses de l'État russe suite à l'abaissement des droits d'importation après l'adhésion pourraient atteindre 188 milliards de roubles (4,7 mds EUR) en 2013, et 257 milliards de roubles (6,4 mds EUR) en 2014. Globalement, le ministre est toutefois optimiste. Selon lui, les pertes réelles du budget seront atténuées par la croissance des échanges et l'élargissement de l'assiette fiscale. Le ministre considère la réduction du niveau de protection du pays par les droits de douane comme un « droit d'entrée ».
D'ailleurs, les droits d'importation seront réduits progressivement ce qui, selon M. Beloousov, permettra aux entreprises industrielles et agricoles de s'adapter au fur et à mesure. Si aujourd'hui le niveau moyen des droits de douane est d'environ 9,5%, il atteindra 7,4% en 2013, 6,9% en 2014, et environ 6% en 2015. C'est-à-dire que dans l'ensemble, il baissera d'ici 2015 de 3,5 points de pourcentage.
Ce « pessimisme » financier est en partie compensé par les prévisions de la BM. Ainsi, selon la Banque, l'OMC génèrera une hausse du PIB au cours des trois premières années d'environ 3,3% (65 milliards de dollars), et sur 11 ans de 11% (215 milliards de dollars), l'augmentation devant par ailleurs être permanente. Les experts russes sont moins optimistes. Selon les experts de l'ERE, l'adhésion à l'OMC permettra une croissance du PIB de 0,5 point de pourcentage par an.
Dans l'ensemble, la Russie a relativement bien tiré son épingle du jeu lors des négociations d'adhésion. Le pays a réussi à « négocier » les conditions d'admission des filiales de banques étrangères sur le marché intérieur : les groupes bancaires étrangers ne pourront opérer dans le pays que par le biais de filiales russes enregistrées et réglementées par la Banque centrale. La question « gazière » a elle aussi obtenu une issue favorable: le droit de douane de 30% sur les exportations de gaz a été sauvé. On a également réussi à s'entendre sur la question de la mise en place des périodes de transition: une période assez longue d' « acclimatation » sera fournie aux industries telles que l'automobile, l'agriculture et les assurances.
« La Russie a obtenu des droits tout à fait avantageux. Désormais, notre défi est d'être actifs et de rechercher des avantages non seulement au niveau individuel, mais aussi de nouer des amitiés en fonction des intérêts. Par exemple, nous avons actuellement intérêt à nous rapprocher des États octroyant un soutien minimal à l'agriculture : l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada, les pays d'Amérique latine. Ce groupe souhaite une liquidation rapide des subventions à l'agriculture. Nous devons les rejoindre et lutter pour l'élimination des subventions », a déclaré Alexeï Portanski, professeur de la faculté d'économie mondiale et de politique mondiale de la Haute école d'économie.
Les périodes de transition pour la libéralisation de l'accès au marché russe dureront deux ou trois ans, et de cinq à sept ans pour les produits les plus sensibles. L'automobile, l'agriculture, les équipements agricoles et l'industrie légère ont été classés par les membres du groupe de travail comme des filières sensibles susceptibles de faire face à certaines difficultés économiques et financières en raison des nouvelles conditions.
Selon les acteurs du marché, suite à l'adhésion l'OMC, les pertes annuelles de ces secteurs se chiffreront en dizaines de milliards de roubles. Ainsi, par exemple, l'industrie porcine pourrait faire face à des pertes d'environ 20 milliards de roubles (500 M EUR). « L'industrie souffre surtout de la réduction des droits de douane. Si vous prenez la moyenne de la production agricole, celle-ci passe de 15 à 11%. Concernant le porc, on attend une baisse de 15% à 0% à l'intérieur des quotas, et pour les porcs sur pied de 40 à 5% », a indiqué le directeur général de l'Union nationale des éleveurs de porcs Iouri Kovalev.
Texte original (en russe) disponible sur le site de RBC Daily.
Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.
Abonnez-vous
gratuitement à notre newsletter!
Recevez le meilleur de nos publications directement dans votre messagerie.