Crédit photo : Lori / Legion Media
L'assassinat de Raspoutine, crime le plus célèbre de Saint-Pétersbourg, a eu une forte influence sur l'avenir du pays. Chaque jour, des centaines de touristes visitent le Musée Ioussoupov pour voir les appartements de Félix Ioussoupov, dans lesquels le crime s'est produit. Cependant, la réputation de la capitale du Nord « ville macabre » s'est forgée bien avant l'assassinat de Grigori Raspoutine. Les complots, meurtres, histoires de fantômes attirent les visiteurs tout autant que le côté « carte postale » de la Perspective Nevski.
1801, Palais Mikhaïlovski : Meurtre de Paul Ier
Un des palais les plus sinistres de Saint-Pétersbourg est le palais Mikhaïlovski, ou palais des Ingénieurs. Paradoxalement, il est construit comme un sanctuaire inviolable, mais il a constitué le lieu où son propriétaire trouva la mort. On peine actuellement à se représenter l'importance des fortifications en raison des changements survenus par la suite dans l'espace attentant au palais. Sous Paul Ier, la Place Connétable, où se trouve le monument à Pierre le Grand, a été clôturée et entourée d'un fossé. Sur les ponts-levis se trouvaient des canons.
Les fossés, les remparts et les gardes n'ont servi à rien : les officiers de la garde ont pris part à la conspiration. Le major du château Argamakov a mené les principaux conspirateurs directement dans la chambre de Paul Ier. Ses participants ont expliqué la mort de l'empereur par sa folie de. La composition du groupe des conspirateurs est impressionnante : le gouverneur général de Saint-Pétersbourg, Piotr Palen, le vice-chancelier Nikita Panine, les frères Zoubov, y compris le dernier favori de Catherine II, Platon Zoubov, les commandants de quatre régiments de la garde et de nombreux officiers. On a coutume de penser que le fils de la victime, le futur empereur Alexandre Ier, était au courant de la conspiration et l'a approuvée, bon gré mal gré. Le reste de sa vie, il s'est reconnu comme parricide.
Les conspirateurs ne voulaient pas tuer le l'empereur, uniquement l'écarter du pouvoir. Mais, comme l'écrivent les auteurs de mémoires, « la catastrophe mortelle s'est produite de façon inattendue ». Paul essayait de se cacher, on l'a trouvé et on lui a déclaré qu'il était en état d'arrestation. Une altercation s'ensuivit, et Nikolaï Zoubov frappa le premier avec une tabatière en or. Selon une première version, Paul a été immédiatement tué par ce coup à la tempe, alors que d’après une autre hypothèse, il aurait été sauvagement passé à tabac et étranglé avec un foulard de soie. On a annoncé que le roi « était mort d'apoplexie ». Paul a vécu seulement 40 jours dans le palais Mikhaïlovski. Ses derniers jours et heures, il eut à plusieurs reprises l'impression de voir un pendu avec le cou tordu se reflétant dans le miroir, et il avait de brusques sensations d'étouffement.
1881, Cathédrale sur-le-Sang-Versé : Meurtre d'Alexandre II
Pour quelle raison la « volonté populaire » a-t-elle condamné le tsar à mort, c'est une chose impossible à savoir. Alexandre II n'était pas un tyran comme son père et son grand-père, ou un souverain faible, comme son fils et petit-fils. La dénomination officielle de « libérateur » est amplement méritée : c'est notamment lui qui a supprimé le servage en Russie. Cependant, avec une persévérance étonnante, on a cherché à tirer sur Alexandre II pendant une promenade, de le faire exlposer dans son propre palais et dans le train, sans prêter attention aux victimes collatérales.
Le style impressionnant de la cathédrale de la Résurrection-sur-le-sang – réalisée dans le « style russe », une tentative de copier la cathédrale Saint-Basile de Moscou – contraste avec l'événement pour lequel elle a été créée.
Le 1er mars, Alexandre II revenait au Palais d'Hiver. La première explosion a uniquement endommagé sa voiture. Lorsque le tsar est sorti pour poser une question à Nikolai Roussakov, qui avait lancé la bombe, le terroriste Ignati Grinevitsky lança une deuxième bombe sous ses pieds.
Le lieu où le roi a été mortellement blessé – une partie de la grille et des pavés – sont conservés à l'intérieur du temple, sous le dôme de l'Ouest. Les noms des participants au complot, Sofia Perovskaïa et Andreï Jeliabov, ont longtemps été ceux des rues adjacentes, désormais appelées rues Malaia Konuchennaia et Bolchaia Konuchennaia (des petites et grandes écuries).
1916, Palais Ioussoupov : Meurtre de Raspoutine
Le plus « populaire » des crimes de Saint-Pétersbourg a été commis le 17 décembre 1916, dans la résidence des princes Ioussoupov sur le quai de la rivière Moïka. Plus précisément, il a commencé dans ce magnifique palais ancien, dans les appartements de Félix Ioussoupov. Les conspirateurs cherchaient à sauver le pays, en protégeant la famille royale de l'influence de l'illuminé.
Les circonstances sont devenues un épisode d'anthologie : Raspoutine a été invité chez les Ioussoupov sous le prétexte de la rencontre avec la femme de Félix. On lui a fait manger des gâteaux aux amandes contenant du cyanure de potassium, puis on lui a tiré une dizaine de balles. Cependant, grâce à sa carcasse impénétrable, Grigori réussit à s'échapper et à escalader la clôture. Mais il fut rattrapé, capturé et noyé dans la Petite Nevka, près de l'île Kamenny.
Le corps a été retrouvé presque immédiatement, en suivant les gouttes de sang sur le pont. Les plongeurs l'ont récupéré des eaux glacées. La dépouille a été embaumée et enterrée en secret dans le parc fermé Alexandrovski de Tsarskoïe Selo, sur le territoire de l'église en construction Saint-Séraphin de Sarov. Un an plus tard, les soldats révolutionnaires eurent accès à la tombe, puis le corps a été brûlé dans la chaudière de l'Institut polytechnique et ses cendres dispersées. En 2005, on a installé une croix avec une inscription commémorative sur le site supposé de la première sépulture de Raspoutine de Tsarskoïe Selo.
Le Palais Ioussoupov héberge l'exposition « Raspoutine : Mythes et réalités », et dans les salles restaurées, on donne des concerts et des bals, lors desquels on peut s'habiller en costume ou en crinoline, et se sentir comme une personne de la haute société. Pour les visiteurs, des visites guidées sont organisées toutes les heures à partir de 11h, notamment une visite intitulée « L’assassinat de Raspoutine ».
1918, Place du palais, État-major général : Meurtre d'Ouritski
Le 30 août 1918, dans le hall du commissariat de l'Intérieur situé dans le bâtiment de l'Etat-major général sur la Place du Palais, le président de la Commission extraordinaire (Tchéka) de Saint-Pétersbourg Moïsseï Ouritski a été abattu par le jeune poète Leonid Kanneguisser, qui s'était rendu sur la scène du meurtre à vélo. Le meurtrier a réussi à s'échapper, mais il n'est pas allé très loin. Rue Millionaïa, il a été capturé, arrêté et rapidement exécuté. Les conséquences de l'assassinat ont été terribles : les bolcheviks ont décrété la « Terreur rouge ».
Kanneguisser a déclaré que la cause directe de l'assassinat était l'exécution de son ami, le jeune officier Pereltsveig. On a tenté d'attribuer le meurtre aux socialistes-révolutionnaires et de le lier à la tentative d'assassinat de Lénine perpétrée à Moscou par Fanny Kaplan le même jour.
L'identité de l'assassin est assez inhabituelle. Leonid Kanneguisser venait d'une famille juive aisée et instruite et appartenait au cercle dit bohème, avec tout ce que cela implique. Un beau jeune homme à la mode, un poète, pas étranger à la politique, ce qui était aussi à la mode, et d’un romantisme révolutionnaire sincère. Il semble que le meurtre n'ait été ni prémédité, ni pensé, mais le fruit d'une impulsion étrange.
Le lieu du meurtre est l'entrée d'immeuble située à gauche de l'arche de l'Etat-major général, dans une aile semi-circulaire qui débouche sur la rue des millions. Les fenêtres du hall donnent sur la zone où Kanneguisser avait laissé son vélo. On peut imaginer l'itinéraire approximatif du jeune terroriste, qui venait de la ruelle des Sapeurs.
1925, Hôtel Angleterre : Mort d'Essenine
Le poète russe Sergueï Essenine préparait en 1925 une anthologie complète de ses œuvres. « En Russie, presque tous les poètes mouraient sans voir leurs œuvres complètes rassemblées, et moi, je vais avoir cette chance », affirmait Sergueï. À la fin du mois de novembre fut entamée la composition des trois volumes de ses œuvres complètes. Essenine fut retrouvé mort dans une chambre de l'hôtel Angleterre le 28 décembre 1925. Son dernier poème a été trouvé dans sa chambre : « Adieu, mon ami, au revoir ...» était-il écrit en lettres de sang. Essenine se plaignait que l'hôtel ne dispose pas d'encre et qu’il soit obligé d'écrire avec du sang.
Selon la plupart des historiens et des biographes du poète, dans un état de profonde dépression, Essenine s'est suicidé un mois après son traitement dans un hôpital psychiatrique. Durant les premières décennies après sa mort, aucune autre version des événements n'a été émise. Cependant, dans les années 1970 et 80 est apparue une version selon laquelle le poète aurait été assassiné et son suicide mis en scène : la motivation serait la jalousie ou un meurtre perpétré par la Guépéou (police politique).
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