En 2000, Piotr Fomenko a enseigné au Conservatoire de Paris, avant de monter des spectacles à la Comédie Française (2003). Crédit photo : Itar-Tass
« Avec la mort de Piotr Fomenko, je me sens orphelin. Et tout son théâtre est devenu orphelin, tout comme l'ensemble du théâtre russe je pense. Quand il était vivant, nous étions conscients qu'il y avait un repère par rapport auquel s'orienter. Nous pensions toujours, lorsque nous regardions ou entendions quelque chose au théâtre, « Fomenko aurait fait ça mieux, cela aurait été plus subtil », a déclaré à l'agence RIA Novosti son élève Evgueni Kamenkovitch.
Selon lui, Fomenko savait « parfaitement discerner la vulgarité au théâtre et s'en écarter ». « Il a cité un grand nombre de pièces qui doivent être montées - cela prendrait environ un siècle. Et comment allons-nous faire aujourd'hui? », a ajouté M. Kamenkovitch.
« La mise en scène ne s'apprend pas, on ne peut que multiplier et conserver les qualités qui sont naturelles chez l'homme, et les munir d'un arsenal qui doit changer tout le temps dans la vie, s'enrichir ou se corriger », disait à propos de son travail le maître lui-même.
Les spectacles qu'il a créés ont à plusieurs reprises été lauréats de divers prix de théâtre : prix Stanislavski (1994, 2000), prix Turandot de cristal (1994, 1996), Prix national « Masque d'or » (1995, 2001, 2002, 2006, 2012), prix Tovstonogov (2001). En 2001, Fomenko est lauréat du prix dans le domaine de la culture et de l'art Triumph.
Pour son travail, Piotr Fomenko a reçu de nombreux prix et récompenses. Il est Artiste du Peuple de Russie (1993), lauréat du Prix d'État de Russie (1995, 1998, 2002). Il a été décoré de l'Ordre « Pour le Mérite », de IVe, IIIe et IIe degrés (1996, 2003, 2007), décerné en 2004 par le Président de la Fédération de Russie.
L'artiste du peuple de Russie Valentin Gaft a déclaré: « Piotr pourrait mettre en scène l'annuaire téléphonique, pas parce qu'il contient des noms, prénoms, patronymes, adresses, mais parce qu'on y trouve des personnes vivantes –malades, en bonne santé, amoureuses, heureuses, malheureuses, suicidaires, revenues à vie, des enfants, des adultes, des vieilles femmes et des hommes âgées. C'est le matériel de Piotr. Piotr connaît la vie ».
À la veille de son 80e anniversaire, Fomenko a raconté dans une interview à Rossiyskaya Gazeta sa vision de ce qui se passe en Russie aujourd'hui : « Aimer signifie parfois haïr, et pas supporter quelque chose de mauvais. C'est ici que réside le mystère du patriotisme, dont on nous rebat les oreilles du matin au soir. Nous sommes tous à la recherche d'une idée nationale. C'est du délire. Au départ elle apparaît comme nationale, puis elle devient nazie. Actuellement, il n'y a rien de pire que le nazisme naissant dans mon pays natal ».
Piotr Fomenko est né le 13 juillet 1932 à Moscou. Aujourd'hui, alors que « l'Atelier Piotr Fomenko » est quasiment vénéré comme le dernier refuge de la tradition vivante du théâtre psychologique russe, beaucoup peinent à imaginer que son fondateur a dynamité toutes les traditions et « systèmes ». Petit garçon moscovite pendant l'avant-guerre, fan de football, aventurier des cours et des porches de la rue Yakimanka, Fomenko raconte la guerre de telle sorte qu'on en a la chair de poule. Sur son visage, on devinait le garçon qui, trempant du pain dans de l'alcool, capturait les pigeons et les ramenait à sa maman. « Comment, on mangeait les pigeons à Moscou? », s'est étonné un journaliste. En réponse, un coup d'œil sarcastique son sourire inimitable. Elevé par sa mère dans l'amour du théâtre et de la musique, il est allé étudier après l'école l'art dramatique à l'école-studio du Théâtre d’art de Moscou. Il en fut renvoyé en troisième année, l'année de la mort de Staline, pour hooliganisme et mépris de « la grande école du théâtre russe ». Ajoutant à la musique la philologie (avec un diplôme de la faculté de philologie de l'université de pédagogie), il s'inscrit en mise en scène à l'Académie russe des arts du théâtre (GITIS).
En 1961, il termine la faculté de mise en scène du GITIS. Dans les années 1960, Fomenko monte des spectacles dans les théâtres de Moscou : le Théâtre central des Enfants, le théâtre de la rue Malaïa Bronnaïa, le studio théâtral de l'Université d'État de Moscou « Leninskie Gory », le Théâtre dramatique de Moscou Maïakovski, le Théâtre dramatique et de comédie de la rue Taganka. Cependant, les projets de Fomenko à Moscou sont interrompus pour des raisons de censure, le forçant à se réfugier en province. Pendant deux ans, le maître travaillé à Tbilissi avant de déménager à Leningrad, où il a travaillé au Théâtre de la comédie, devenant en 1977 son directeur général.
Durant ces années, il met en scène des spectacles dans le théâtre moscovite de l'Armée soviétique et au Maly Théâtre (Petit Théâtre). Après avoir quitté en 1981 le Théâtre de la Comédie de Leningrad, Fomenko retourne à Moscou et commence à enseigner au GITIS, à la faculté de mise en scène. Parallèlement à son travail d'enseignant, Fomenko a continué à monter des spectacles dans des théâtres de Moscou. En 1992, Fomenko est devenu professeur de l'Académie russe d'art dramatique. En 1993, le cours d'interprétation et de mise en scène de Fomenko (établi en 1988) a obtenu le statut du théâtre, devenant le théâtre de Moscou « Atelier P.N. Fomenko ». Le maître en est devenu le directeur artistique.
En 2000, il a enseigné au Conservatoire de Paris, avant de monter des spectacles à la Comédie Française (2003). En 2005, lors du Festival Tchekhov de Moscou, on a donné La forêt d'Ostrovski, spectacle monté par Fomenko pour les acteurs de la Comédie-Française. En 2001, Piotr Fomenko a donné son dernier cours. En 2003, il a quitté la chaire de mise en scène du RATA (GITIS) et a cessé d'enseigner. Piotr Fomenko a créé plus de soixante pièces dans les théâtres de Moscou, Leningrad (ancien nom de Saint-Pétersbourg), Tbilissi (Géorgie), Wroclaw (Pologne), Salzbourg (Autriche) et Paris (France).
Article basé sur les matériaux de Rossiyskaya Gazeta, RIA Novosti et gazeta.ru.
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