Vladimir Poutine rencontre la jeunesse russe au camp d’été Seliger

En ce qui concerne la relève du pouvoir, selon M. Poutine, un rôle important est joué par la notion de continuité. Crédit photo : Reuters/Vostock Photo

En ce qui concerne la relève du pouvoir, selon M. Poutine, un rôle important est joué par la notion de continuité. Crédit photo : Reuters/Vostock Photo

Vladimir Poutine a visité le Forum de jeunesse de Seliger. Auparavant pro-Kremlin, le camp comprend cette fois également des mouvements de jeunesse d'opposition.

Le dernier séjour d'été de Seliger est dédié à la politique et à la société civile. Au cours des années précédentes, l'événement attirait principalement les militants des mouvements pro-Kremlin Nachi, Mestnie et la jeunesse sympathisante. Désormais, le camp de base des Nachi est devenu démonstrativement pluraliste. Les organisateurs de Seliger de l'Agence fédérale pour la jeunesse ont inventé un nom informel pour l'événement : « OccupySeliger ».

Le camp tout entier s'est rassemblé sous le chapiteau central à 15h00. Les Cosaques ont encerclé la tente, et pour que les gens ne se dispersent pas, ne laissaient partir personne. Mais en dehors, la foule ne se pressait pas au portillon. On attendait Vladimir Poutine. Ce dernier a atterri en hélicoptère vers 16h00 et est entré dans la tente sous un tonnerre d'applaudissements. Comme c'était le cas par le passé.

Le chef de l'équipe Politique et société civile Dmitri Ternovski a immédiatement laissé entendre au président que le Seliger d'aujourd'hui n'était pas la même que par le passé, transformé en « plateforme de dialogue pour les différentes forces politiques ». Selon lui, « le pouvoir est habitué à parcourir des îlots de sécurité et de tranquillité, où on ne pose aucune question pointue ».

Mais « il faut faire tomber ce tabouret sous les pieds du pouvoir », a conclu le chef de « OccupySeliger », qui a immédiatement décrit une série de questions sensibles, qui préoccupent désormais le camp. Il s'agit des fraudes électorales. Le manque de liberté « du système judiciaire, qui est trop politisé ». « Si les filles de Pussy Riot n'avaient pas prononcé votre nom dans le temple, elles ne risqueraient pas une peine aussi lourde », a déclaré Dmitri Ternovski à Vladimir Poutine. Des questions concerne le « système policier : les gens sont détenus illégalement ». La partialité des médias soulève encore plus de questions.

Selon M. Ternovski, « bientôt les gens vont arrêter de regarder les chaînes de télévision fédérales, parce qu'Internet fournit un accès à d'autres canaux d'information ». En outre, un « grand nombre de conversations concernent la corruption ». La principale raison de tout cela, Dmitri Ternovski la voit dans « l'absence de relève du pouvoir ». C'est pourquoi il a demandé à Vladimir Poutine : « Le pouvoir pourra-t-il changer un jour en Russie ? »

En réponse, M. Poutine a rappelé la Constitution, selon laquelle une même personne ne peut pas être président pendant plus de deux mandats consécutifs. C'est précisément lui, a-t-il rappelé, qui en son temps « a refusé de modifier la Constitution dans son propre intérêt, a quitté la tête de l'État et s'est déplacé vers un poste plus modeste. Un poste très important, bien sûr, pour la vie de l'État ». Lui qui plus tard a profité d'un droit constitutionnel, et a à nouveau annoncé sa candidature à l'élection présidentielle. En ce qui concerne la relève du pouvoir, selon M. Poutine, un rôle important est joué par la notion de continuité. Dans le cadre de la continuité, notamment, on a mené à bien un « renouvellement du gouvernement fédéral aux deux tiers ».

Concernant le système judiciaire, sa relation avec le procès des Pussy Riot ou l'engagement des chaînes de télévision fédérales, le président a gardé le silence. Il est vrai que personne ne lui a rien demandé de plus à ce sujet.

On a évoqué les griefs au sujet de la police. En particulier, Anna Levtchenko (Saint-Pétersbourg) du Mouvement de lutte contre les pédophiles, a vanté ses succès : « en un an, j'ai coffré 50 pédophiles ». Cependant, un des départements de la police de Saint-Pétersbourg, au lieu d'aider les membres de l'association, refuse de réagir à leurs indications. Vladimir Poutine a promis à la militante « de parler en détail » de ce sujet avec le ministre de l'Intérieur Vladimir Kolokoltsev et le chef du Comité d'instruction de Russie Alexandre Bastrykine, et « de s'assurer que cela ne se reproduise pas ». Le moscovite Viatcheslav Sayer a déclaré que son ami « avait été arrêté pour son implication dans les émeutes du 6 mai lors d'une manifestation, bien que ce jour-là il n'était pas à Moscou ». Le président lui a suggéré d'aborder cette question par l'intermédiaire du parquet.

Il était impossible d'éluder le thème des rubans blancs (symbole des manifestations d'opposition, ndlr). « En décembre de l'année dernière, vous avez commenté de façon « intéressante » nos symboles, a déclaré au président  le représentant du mouvement des Rubans blancs de Penza, Viktor Kouznetsov. Je voudrais savoir si votre opinion a changé ». Vladimir Poutine a précisé ce qu'il avait à l'esprit. Le president, parlant des « révolutions de couleur », a déclaré qu'il « avait de la peine pour les gens qui utilisent des technologies politiques élaborées à l'étranger ». Mais parmi les manifestants, « un grand nombre sont patriotes », a reconnu M. Poutine, soulignant qu'il éprouvait « le plus grand respect à leur égard », et demandant que personne « n'en doute ».

Dmitri Kirianov, sans préciser sa ville d'origine, a annoncé au président qu'il comptait enregistrer sa propre organisation non gouvernementale (ONG) mais qu'il avait désormais des craintes: « le développement de ce domaine de la société civile ne sera-t-il pas freiné » par les récents amendements à la législation? Vladimir Poutine l'a assuré que qu'il ne serait pas gêné, les amendements ne concernant que les ONG engagées dans des activités politiques tout en recevant de l'argent de l'étranger. Mais même les activités de telles ONG ne sont pas limitées : elles n'ont qu'à s'inscrire comme « agents étrangers ».

« Pourquoi l'eau potable est plus chère que la bière ? », a demandé Alexeï Goriatchev de Iaroslavl. « Le coût est une question de marché », a déclaré le président, tout en reconnaissant que « l'alcoolisme lié à la bière était un problème ». Anastasia Melnikova craint que la nouvelle loi sur les partis politiques « permette même de créer un parti des amateurs de bière ». La jeune femme a dit ne pas comprendre « pourquoi il y a en Russie tant de partis qui ne sont pas soutenus par la société ». « Justement pour qu'ils comprennent qu'ils ne sont soutenus par personne », a rétorqué le président.

D'autres jeunes filles ont posé des questions personnelles. « De quoi rêvez-vous la nuit? », a demandé une jeune femme. « Je suis timide », a répondu Vladimir Poutine, riant avec le camp à l'unisson. « Honnêtement, sérieusement », a-t-il ajouté, « en général, je ne rêve pas ». 

Article est publié dans sa version courte. Trouvez le texte original sur le site de Kommersant.

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