Image de Natalia Mikhaylenko
La Russie a eu ce qu’elle voulait : il n’y aura pas d’intervention militaire occidentale et de changement brutal de régime en Syrie. Mais l’Occident a aussi atteint son objectif : le sort de Bachar Al-Assad servira bientôt de monnaie d’échange lors des discussions sur les changements à venir.
Les représentants politiques russes reconnaissent maintenant en privé que le dictateur syrien a laissé passer sa chance et que les probabilités de le voir rester au palais présidentiel de Tichrine à Damas sont minces. Moscou souhaite d’ailleurs retarder au maximum son départ. Au printemps, déjà, le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov avait laissé entendre que la Russie désirait un transfert de pouvoir en Syrie sur le modèle yéménite. Rappelons que, au Yémen, l’ancien président Ali Abdallah Saleh a passé la main au vice-président et est parti dans le calme avec un texte garantissant sa sécurité personnelle dans la poche. Un tel scénario n’aura pas lieu en Syrie. Trop de sang a coulé dans ce pays pour espérer un tel dénouement. De plus, le Yémen ne doit pas composer avec une importante diversité religieuse comme la Syrie.
Le prochain dirigeant syrien devra régler deux problèmes quasiment indissociables : conserver la loyauté de l’armée fidèle à Assad et, dans le même temps, démonter le régime. L’opposition ne possède pas encore de personnalité capable de le faire. C’est pourquoi Bachar Al-Assad, qui a tout fait pour que rien ne pousse sur la scène politique syrienne, prétend qu’il n’a pas de contrepartie avec qui négocier. Mais personne n’est irremplaçable : quelqu’un réussira bien à émerger. Quant à Assad, il mettra très probablement le cap sur Minsk. Loukachenko est de toute façon déjà en froid avec la moitié de la planète.
Le Kremlin, lui, ne souhaite pas irriter les pays arabes en accueillant un ex-dictateur sur son territoire. Assad pourra donc aller à la chasse avec l’ancien président kirghize Kourmanbek Bakiev, qui vit déjà en Biélorussie.
Pourtant, il est encore difficile d’imaginer Vladimir Poutine ou Sergueï Lavrov appeler Assad et lui dire : « Faites vos valises, nous ne pouvons plus rien faire pour vous ! ». Ce serait la fin des relations privilégiées entre Moscou et Damas, datant du début du règne d’Hafez Al-Assad, père de l’actuel président, dans les années 70. Même si les intérêts russes en Syrie seront défendus via des accords spéciaux, les nouveaux visages au pouvoir à Damas n’auront plus les numéros russes enregistrés dans le répertoire de leur téléphone portable.
Article original sur le site kommersant.ru
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