Les avions amphibie russes à la conquête du marché international

L'avion Be-200 Crédit photo : Itar-Tass

L'avion Be-200 Crédit photo : Itar-Tass

Bien que la Russie ait perdu au cours des 20 dernières années ses positions sur le marché de l'aviation civile, les mises au point russes continuent d'être demandées sur le marché international. Les avions amphibie Be-200, produits à Taganrog, ont toutes les chances d'entrer sur le marché des États-Unis.

À la mi-juin, l'avion amphibie polyvalent Be-200, un appareil sans analogue au monde fabriqué par le Complexe scientifique et de production aéronautique Beriev de Taganrog (TANTK), a passé son premier test de conformité aux normes de certification de l'Administration américaine de l'aviation (FAA). Les experts du Comité d'État interministériel chargé des avions amphibie (qui comprend les représentants de six ministères et organismes américains du domaine) ont étudié sur la base de test de Taganrog les propriétés et les caractéristiques de l'avion lors d'opérations anti-incendie, pour lesquelles a été conçue la nouvelle version de l'avion Be-200ES. Selon le premier adjoint du concepteur général de l'entreprise russe, Nikolaï Lavrov, la Russie et les États-Unis ont déjà signé en mai 2010 un contrat pour 10 avions de ce type, qui entrera en vigueur à l'issue de tous les tests de certification prévus par la procédure américaine.

Selon les communiqués officiels de l'usine aéronautique russe, les essais initiaux du Be-200 ont confirmé la conformité aux normes américaines de sa version avion amphibie, lorsque le chargement en eau des réservoirs de l'avion est réalisé directement en vol à partir de la surface de l'étang. Cependant, les Américains ont l'intention d'utiliser l'appareil comme un « canadair terrestre », le ravitaillant se faisant à l'aéroport avec des produits chimiques spéciaux ignifuges, ce qui nécessite des modifications mineures de l'appareil. Après sa modernisation, le Be-200 continuera à subir des tests de certification, ce qui est l'une des étapes les plus importantes pour promouvoir cette invention russe unique sur le marché international, y compris en Amérique du Nord.

L'intérêt des autorités américaines pour le Be-200 est dû à l'inefficacité de la flotte américaine de canadairs, dont la base est constituée par des avions civils des années1960 adaptés à des fins militaires, affirme la compagnie Beriev. Une série d'accidents et de catastrophes ont récemment contraint l'administration américaine à réfléchir sérieusement à une modernisation en profondeur, indispensable dans les conditions actuelles. Bien que l'efficacité de la lutte contre les incendies au moyen d'aéronefs laisse à désirer (à grande vitesse il est beaucoup plus difficile de viser le foyer de l'incendie qu'à partir d'un hélicoptère par exemple), leur utilisation ne possède pas d'alternative dans certains cas. Surtout quand il s'agit de catastrophes humaines ou d'incendies sur de vastes sites avec menace d'explosion, lorsque l'accès au matériel d'incendie au sol et aux gens est difficile. Quelques secondes comptent. Dans cette situation, la possibilité d'arriver sur les lieux de l'incendie à la vitesse d'un avion à réaction et de commencer immédiatement à éteindre le feu peut être la seule chance de sauver des vies ou de prévenir une catastrophe environnementale de grande envergure.

Le prototype du Be-200 a volé pour la première fois en septembre 1998, devenant la suite logique des technologies de l'A-40 soviétique, le légendaire « Albatros », plus grand avion amphibie au monde détenteur de 148 records du monde. Le Be-200 peut décoller depuis une piste au sol longue de 1.800 m et de la surface d'un plan d'eau d'au moins 2.300 m. La hauteur maximale des vagues lors du décollage est de 1,3 m, et une protection spéciale contre la corrosion permet l'utilisation des appareils en mer. Le Be-200 est capable de parcourir de longues distances allant jusqu'à 3.600 km à une altitude de 8.000 m, la vitesse de croisière de l'avion étant de 710 km/heure.

Aujourd'hui, six avions Be-200 sont utilisés avec succès lors de l'extinction d'incendies en Russie et un en Azerbaïdjan. Le ministère russe des Situations d'urgence a également commandé huit Be-200 pour renforcer trois escadrons anti-incendie dans la Région centrale, la Sibérie et l'Extrême-Orient. En outre, une modernisation de l'équipement incendie est envisagée par l'entreprise d'État Avialesokhrana), chargée de la lutte contre les feux de forêt. Selon le chef adjoint du Service russe des forêts Evgeni Trounov, « cette question sera close dans les deux à trois prochaines années et coûtera 15-20 milliards de roubles » (environ 500 M EUR). En novembre 2011, un accord de précontrat sur 8 appareils Be-200ES à livrer en 2013-2014 a en outre été conclu par le ministère de la Défense. « Nous déterminons comment et où nous allons l'utiliser », a alors déclaré le ministre russe de la Défense Anatoli Serdioukov, ajoutant toutefois que la question du prix unitaire serait importante pour la conclusion du contrat.

Car le coût du Be-200 est effectivement élevé, même en tenant compte de ses caractéristiques uniques. Selon les paramètres exprimés dans les contrats pour ministère russe des Situations d'urgence, chaque avion s'élève à près de 1,5 milliards de roubles (environ 50 M USD). Ces montants comprennent les dépenses de l'usine pour optimiser la conception de l'avion conformément aux exigences du ministère, mais le prix pourrait baisser si le volume de production de ces engins à Taganrog augmente. Selon le PDG de TANTK Viktor Kobzev, l'entreprise compte investir 6 milliards de roubles (150 M EUR) dans la modernisation des capacités de production de l'usine, ce qui permettra de produire jusqu'à dix avions Be-200 par an.

Il est évident que les seules commandes russes ont peu de chances de permettre à l'usine d'atteindre un tel niveau de production, c'est pourquoi la Corporation aéronautique unifiée, dont fait partie Beriev, compte sur la demande étrangère. Tout d'abord, les espoirs de la Russie sont liés aux marchés d'Europe. Entre 2008 et 2010, l'avion a déjà obtenu la certification EASA nécessaires à ces fins, le Be-200 étant depuis longtemps et régulièrement utilisé lors d'opérations de sauvetage et de lutte contre les incendies en Espagne, en Italie, en France et en Grèce. De son côté, le président russe Vladimir Poutine a déclaré auparavant qu'il n'était rentable pour la Russie de louer ces machines coûteuses à d'autres pays en vertu de baux à court terme, les collègues européens devant donc envisager l'achat de ces appareils uniques. Selon les représentants de l'industrie aéronautique de Russie, le volume potentiel des livraisons de Be-200 dans l'UE est estimé à 30-35 unités.

Pour le moment, la plus grande réussite de la compagnie aéronautique Beriev sur le marché européen reste l'accord sur l'exploitation à titre d'essai du Be-200 conclu avec les services anti-incendie de France l'été dernier. Au terme du salon aérien du Bourget en juin 2011, des avions russes ont pris part pendant deux mois à des vols expérimentaux au sein de l'aviation française. Actuellement, la partie française étudie les résultats obtenus, dont dépendra l'inclusion des Be-200 dans un appel d'offres pour les forces aériennes françaises de lutte contre les incendies. La date du concours n'a pas été annoncée.

Toutefois, la conquête des marchés étrangers exige que les avions amphibie russes résistent à une sérieuse concurrence. Tout d'abord, il s'agit du canadair CL-415 produit par le holding canadien Bombardier. Les Canadiens possèdent 40 ans d'expérience, un service après-vente développé, et une production de masse : environ 200 avions CL de diverses versions éteignent avec succès les incendies dans le monde entier. L'utilisation de turbopropulseurs permet à ses clients de réduire considérablement le coût d'acquisition et de maintenance des équipements : le prix catalogue du CL-415 est de « seulement » 26 millions de dollars. Cependant, les avantages indéniables du Be-200 sont sa vitesse, une plus longue autonomie, un réservoir d'eau deux fois supérieur, ainsi que les caractéristiques de vol uniques de l'aéronef. Le prix d'un avion, quand il s'agit de lutter contre les éléments et de sauver des hommes, ne constitue pas le critère principal pour un acheteur.

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