La grande inconnue, ce sont les répercussions de la crise en Russie. Source : service de presse
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Biographie Né en :
1974 Formation : historien
Pavel Chinsky a démarré sa carrière en France comme enseignant-chercheur de 1999 à 2007. Normalien
agrégé, il est l’auteur d’une dizaine d’articles et de deux
monographies (en français et en italien) sur la mise en place du régime
stalinien.
Depuis
2000, il est directeur de la collection « Domaine russe » au Cherche-Midi, maison d’édition créée à Paris. Il est devenu formateur en entreprises à partir de 2003. En 2007, il a pris la direction générale de la Chambre de commerce et d’industrie franco-russe (CCIFR). |
Après la première rencontre entre Vladimir Poutine et François Hollande, peut-on dire que l’axe franco-russe se porte bien ?
Il n’y a guère d’inquiétude sur les relations franco-russes. La
discussion entre Hollande et Poutine a été cordiale, contrairement à ce
qu’on a pu lire ici ou là. Les deux présidents ont convenu d’organiser
prochainement un séminaire intergouvernemental. Il sera précédé par une réunion du Conseil
économique, financier, industriel et commercial (CEFIC).
Les relations bilatérales sont stabilisées par des grands projets comme
les investissements français dans le Caucase du Nord, la montée prochaine
de Renault-Nissan à plus de 50% du capital d’AvtoVAZ, ou l’acquisition de
Rosbank par Société Générale. Je pense aussi à Auchan, qui, avec ses plus de 22
000 salariés, est le premier employeur étranger en Russie. Total
possède 15,1% dans Novatek, Vinci construit la première autoroute payante
en Russie, ce qui est aussi le premier partenariat public-privé du pays.
Est-ce que l’image de la France change en Russie ?
Les marques françaises ont un impact grandissant. Et cela va bien
au-delà du luxe, qui est très lié à l’image de la France. Cet impact est
économique, mais aussi social. Nous avons des marques connues de tous
et en particulier de la classe moyenne. La Logan de Renault est le
premier véhicule étranger vendu en Russie. Les entreprises françaises font la
promotion de modes de consommation nouveaux pour les Russes.
En revanche, nous sommes moins performants en termes d’image sur les
nouvelles technologies. Des succès français comme le TGV ou l’industrie
pharmaceutique sont moins connus.
La troisième présidence Poutine va-t-elle donner lieu
à
des réformes importantes et améliorer le climat d’affaires ?
Ce qui est important, c’est que le pouvoir comprend la nécessité d’aider
à la fois les ménages et les entreprises. Il met au point de nouveaux
instruments limitant la pression fiscale sur les entrepreneurs. Nous
sommes rassurés du fait que les libéraux occupent toujours des postes
clés au sein du gouvernement. On y trouve des gens appartenant à
l’entourage de Prokhorov [milliardaire et politicien libéral,
ndlr] et de Koudrine [ancien ministre des Finances]. L’incertitude vient de
la marge de manœuvre par rapport à l’administration présidentielle. On
craignait un retour en force des siloviki [membres des structures de sécurité]
qui ne s’est pas produit.
On sait surtout que la relation entre Poutine et Medvedev reste
fusionnelle. Il n’y a pas de dysfonctionnement à ce niveau-là. Cette
relation est stable. Nous avons en revanche une vraie inquiétude sur la
capacité de l’appareil d’État à attirer les investissements étrangers directs, à calmer les
inquiétudes des russes eux-mêmes, qui se traduisent par une fuite
massive des capitaux. L’État sera-t-il capable de changer le modèle économique ? Poutine a
lui-même fait le constat qu’il était nécessaire de sortir de l’économie
de rente pétrolière.
La crise est aux portes de la Russie. Quels risques se profilent pour son économie ?
La grande inconnue n’est pas liée à la composition du gouvernement, mais
au développement de la crise en Europe et à ses répercussions en
Russie. On a déjà observé un dévissage du rouble et il existe un risque
d’effondrement des revenus de l'export d'hydrocarbures à cause de la baisse de la
demande énergétique européenne. La marge entre prix du baril et prix
d’équilibre du budget est désormais très réduite, contrairement à la
situation des années 2000. Il n’existe plus de marge de manœuvre.
Quel type d’aide la CCIFR offre-t-elle aux entreprises ?
Nous avons établi des contacts auprès de diverses administrations
(douanière, fiscale, immigration) qui nous permettent d’agir comme
interface avec ces dernières. Nous avons par exemple un département qui
gère les demandes de visa.
Nous avons d’autres types de services, comme des cours de français des
affaires pour les employés russes. Nous organisons des déplacements en
province pour faciliter les contacts. Nous avons signé des accords de
coopération avec 20 régions russes qui nous donnent la possibilité
d’intervenir au niveau de l'exécutif local. Nous disposons d’informations
statistiques mises à jour, de bases de donnée locales (avec entre autres
la liste des entreprises françaises implantées sur place et une mise à
jour des interlocuteurs).
Nous articulons nos services avec l’agence
Ubifrance. Eux aident les entreprises à s’installer en Russie. Ensuite,
nous prenons le relais.
La troisième fonction de la CCIFR est le
lobbying. En concertation avec le MEDEF et le RSPP [le patronat russe], nous
préparons notamment des propositions communes qui sont adressées aux coprésidents du
CEFIC.
Propos recueillis par Paul Duvernet
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