10 000 minutes en apnée

Crédit photo : Imago / Legion Media

Crédit photo : Imago / Legion Media

Pour les nageuses synchronisées russes, l’entraînement pour les Jeux olympiques bat son plein. Les sportives, sous l’égide de Natalia Ishchenko, s’entraînent sans répit dans l’eau de 8 heures à 22 heures.

Lorsqu’ à 5 ans, Natalia Ishchenko s’est présentée à l’école de natation synchronisée, les entraîneurs étaient sceptiques, trouvant qu’elle manquait de souplesse. Depuis, ils ont dû revoir leur jugement. A 26 ans, alliant style et technique irréprochables, elle affiche le plus beau palmarès de cette discipline.

En effet, Natalia Ishchenko cumule les titres : championne olympique en 2008, 16 fois championne du monde et 7 fois d’Europe. En 2010, elle remporte, pour la première fois dans l’histoire, la totalité des quatre épreuves : solo, duo, équipe et combiné.

Natalia est la chef de file de l’équipe olympique russe et elle a l’habitude de travailler en mode continu lors de compétitions importantes, s’imposant à tous les niveaux, en qualifications aussi bien qu’en finale. Néanmoins, cette année, c’est une lourde charge qui tombe sur les frêles épaules de ces belles nageuses qui devront se mobiliser sur deux fronts à la veille de l’événement sportif le plus attendu de ces quatres dernières années : les Jeux olympiques 2012 de Londres.

Natalia Ishchenko a raconté à La Russie d’Aujourd’hui comment se déroule la préparation des JO et a fait part de la stratégie de l’équipe olympique russe pour nous surprendre et remporter la victoire.

Natacha, une sélection olympique pour des championnes mondialement reconnues de la natation synchronisée, vous ne trouvez pas cela un peu exagéré ?


Oui, ça a généré quelques problèmes. Nous aurions pu commencer plus tôt la préparation du programme olympique en équipe. Comme les Chinoises et les Canadiennes qui ont remporté les championnats asiatique et panaméricain. Ou bien les Britanniques, qui bénéficient des avantages du statut de pays hôte des JO. Bien que nous ayons gagné la médaille d’or aux Mondiaux à Shangaï – ce qui dans toutes les autres disciplines est un passeport direct pour les Olympiques – nous sommes forcées de préparer le programme pour la sélection olympique en même temps que la nouvelle chorégraphie destinée aux Jeux.

N’avez-vous pas pensé à vous joindre à l’équipe espagnole, confrontée à une situation semblable, et réclamer un changement dans le règlement ?


Un règlement est en vigueur et nous faisons avec. Nous avons décidé de nous consacrer à fond à la préparation de la sélection, de surmonter les difficultés au lieu de nous y confronter. Nous prenons très au sérieux les qualifications et nous nous entraînons en conséquence. Le temps passé dans le bassin ne se comptait pas en heures mais en « filages », c’est à dire l’exécution du programme du début à la fin, ce qui est pour nous le plus difficile. Nous avons travaillé deux fois plus.

Avez-vous tout de même tiré un avantage de votre séjour à Londres pour la sélection olympique ?


L’avantage est d’avoir été sur le lieu de la compétition. Nous savons ce qui nous attend. Nous avons tout visité, tout testé : rien à signaler. D’ailleurs, le Centre aquatique de Londres ressemble beaucoup à celui de Pékin, le bassin, la disposition des gradins. Le village olympique ressemble aussi à celui de Pékin en 2008.

En parlant de déjà vu, pour le duo, vous avez gardé la chorégraphie de l’année dernière. N’est-ce pas une sorte de retour en arrière ?


Le ballet Koukly (Les poupées) n’a été représenté qu’une seule fois, au Championnat du monde. On ne peut pas vraiment qualifier ce programme d’ancien, de dépassé ou de trop vu. Il est impressionnant sur beaucoup de points, au niveau technique comme artistique, et c’est avec lui que nous avons remporté la médaille à Shangaï. Nous espérons qu’à Londres aussi, il nous portera chance. De plus, il a  subi des modifications, de nouveaux éléments ont été ajoutés. Seuls les costumes n’ont pas changé.

C’est vrai, les maillots sont très originaux. Comment naissent de tels chefs d’œuvres ?


Avec les entraîneurs, nous  expliquons aux stylistes ce que nous voulons. Ils nous montrent leurs esquisses, sur lesquelles nous travaillons en commun afin d’obtenir le résultat recherché. Les maillots sont fabriqués sur mesure pour chaque nageuse, pour être au plus près de la silhouette. Il y aussi des critères de base. Par exemple, il ne doivent pas être trop échancrés, et il faut également respecter l’équilibre entre la résille chair quasi invisible et le tissu opaque. Parfois, nous nous imposons nous même des limites, comme ne pas mettre trop de strass pour ne pas alourdir les costumes.

Qui représentera la Russie aux Championnats d’Europe précédant les Jeux ?


Il a été décidé qu’à Eindhoven, nous irions Svetlana Romachina et moi, avec un solo et un duo, tandis que le reste de l’équipe continuera de peaufiner les nouvelles chorégraphies. Le programme libre sera montré en exclusivité pour les JO. Pour le duo aussi, nous ajouterons de nouveaux éléments.

Vous avez l’intention ainsi de garder les éléments originaux et les portés à l’abri des concurrentes ?


Bien sûr, ce n’est pas très agréable de voir un élément original de son programme récupéré par une autre équipe. Mais c’est aussi la preuve que tu es un exemple pour les autres, un vrai modèle. Dommage que d’unique, l’élément ne soit réduit à un mouvement artistique ou acrobatique parmi d’autres. Il faudrait breveter toutes nos trouvailles. Malheureusement pour nous, contrairement à la gymnastique sportive, un mouvement n’est pas affilié à son inventeur.

Natalia, vous venez de vous marier. Comment arrivez-vous à concilier votre carrière sportive intense et la vie de famille ?


Mon mari a été sportif professionnel (Sergueï Anikine, médaille d’argent en plongeon au championnats d’Europe, ndlr), il comprend parfaitement que je puisse être absente pendant des mois ou quand je rentre de l’entraînement ou d’une compétition épuisée. Aucun reproche, au contraire, un soutien qui m’aide beaucoup. La vie de famille n’en pâtit pas. D’autant qu’il y a le téléphone et Skype. Durant la sélection, qui a lieu à la base nautique « Ozero krougloe », non loin de Moscou, je rentre chez moi une fois toutes les semaines. J’ai un jour de congé, comme tous le monde. Pas d’exception pour les femmes mariées.

Décrivez-nous votre journée type de travail.


L’entraînement démarre à 8 heures du matin. 3,5 heures passées dans l’eau, dont 1,5 à 2 heures de chorégraphie. Ensuite, massage et puis sieste pendant à peu près 2 heures, comme quand on était petites. L’effort physique est intense, ton corps s’essouffle, tu te déconnectes. D’autant que les nuits sont courtes. L’entraînement se termine vers 22 heures. Le temps de dîner, puis de te relaxer après l’effort et de rejoindre ton lit. Et, à 7 heures, debout car l’entraînement commence à 8. Et c’est comme ça tous les jours. Mais chacune de nous sait pourquoi elle fait ces sacrifices. Notre objectif commun : la victoire aux Jeux olympiques.

Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.

Ce site utilise des cookies. Cliquez ici pour en savoir plus.

Accepter les cookies