Crédit photo : Maria Tchobanov
Crédit photos : Maria Tchobanov
« Quand nous tous, les acteurs de cette ancienne histoire,
aurons quitté ce monde, emportant notre gloire,
il restera toujours cette amitié sincère,
née au cours des combats pour libérer nos terres… »
Ces lignes, lues avec une grande émotion par Alain Fages, responsable du Mémorial Normandie-Niémen au Musée de l’Air et de l’Espace, sont tirées de l'intervention en vers de Georges Marcelin adressée aux participants de la cérémonie commémorative du 70e anniversaire de l'escadrille Normandie-Niémen, qui s'est tenue le 3 avril au Bourget.
Le mécanicien Georges Marcelin était membre d'un groupe de 42 mécaniciens qui accompagnaient les 14 premiers pilotes de l'escadrille Normandie à son arrivée sur le sol russe le 28 novembre 1942. Il était chargé de l'avion de Roland de la Poype, l’un des pilotes de chasse français les plus héroïques de la Seconde Guerre mondiale.
Des représentants du ministère français de la Défense, de l'ambassade de Russie, des représentants militaires russes en France, des membres du rallye automobile international « Héritiers de la Victoire », ainsi que des représentants du Musée de l'Air et de l'Espace et des membres des familles des anciens combattants du régiment de chasse français, qui a combattu en 1943-1945 sur le front germano-soviétique, étaient présents au Bourget lors de la cérémonie de dépôt de gerbes devant le monument aux pilotes français et soviétiques et aux mécaniciens de l'escadrille légendaire.
En 2013, le musée du Bourget accueillera dans ses salles une exposition consacrée à l'histoire de l'escadrille Normandie-Niémen qui se trouve encore dans la ville des Andelys, terre natale de l'un des pilotes de l'escadrille, Marcel Lefèvre.
« L'histoire de nos aviateurs, qui ont combattu dans des conditions extrêmement difficiles pendant trois ans main dans la main avec les Russes, doit être connue des jeunes. L'histoire de ces années glorieuses ne doit pas être uniquement empreinte de nostalgie, elle doit être vivante et moderne. Notre objectif est de parler de tous ces gens dans notre musée », a déclaré Catherine Maunoury, pilote et directrice du Musée du Bourget.
Elle a également annoncé que prochainement, après une restauration en profondeur, le musée récupèrerait le dernier chasseur soviétique Yak-3 conservé en France, un de ceux qui a ramené les pilotes français chez eux après la victoire en 1945.
Waché Valin, fille du général
d'armée aérienne de la France libre Martial Valin, l'un des fondateurs de l'escadrille Normandie-Niémen, a déclaré que les Français ne connaissaient pas très bien la Seconde Guerre
mondiale. « Mes petits-enfants en savent très peu sur ces événements. Je dois obligatoirement raconter à mes
petits-enfants que leur grand-père a créé cette
escadrille pour que la France
Libre soit représentée dans la Russie en lutte. Je pense que c'était un acte incroyable pour des jeunes gars de 20 ans, de partir en Russie pour combattre », a déclaré W.Valin. « Je
pense que c'est important de se retrouver de cette manière près des monuments à ces héros,
sinon tout va être oublié »,
a-t-elle ajouté.
François de la Poype, fils du héros de l'Union soviétique Roland de la Poype, a expliqué que son père avait raconté les événements de la guerre de nombreuses années après son achèvement, lorsque les enfants étaient adultes et en mesure de comprendre l'ensemble du contexte de cette époque et pourquoi le pilote français était allé se battre en Russie. « Je considère désormais la démarche de mon père comme quelque chose d'exceptionnel. Nous avons lu avec grand intérêt ses mémoires, qu'il a publiés en partie. Malheureusement, nous avons peu de photos de cette époque à la maison », a déclaré François de la Poype.
De gauche à droite : Waché Valin, fille du général d'armée aérienne de la France libre Martial Valin, François de la Poype, fils du héros de l'Union soviétique Roland de la Poype, Hélène Pouyade, fille du Général Pierre Pouyade qui a commandé l'escadrille du 17 juillet 1943 au 12 décembre 1944.
L'escadrille (transformé plus tard en régiment) Normandie-Niémen comptait également des Russes descendants d'émigrés. « Immédiatement après la fin de mes études médicales, mon père, dont les parents avaient quitté Kiev pour la France après la révolution, a rejoint le général de Gaulle et le général Valin, pour entrer dans l'escadrille », raconte Sylvie De Bellabre-Lebedinsky, fille de Georges Lebedinsky, médecin du Normandie-Niémen. « Il voulait faire quelque chose pour la France qui l'avait adopté. Il a fait toute la guerre et est mort il y a 16 ans. Il m'a raconté peu de choses, je ne savais presque rien sur sa famille qui était restée à Kiev, c'est vraiment dommage », confie la fille de l'intrépide chirurgien militaire. Elle a ajouté que les personnes ayant fait la guerre en parlaient très peu aux autres, ils avaient tant souffert qu'ils ne la remémoraient qu'entre anciens combattants. « Nous, leurs enfants, avons aujourd'hui l'impression que nous faisons partie de cette grande famille héroïque qui a été très solidaire même après la guerre », a-t-elle déclaré.
Alain Fages, ancien médecin, est passionné par l'histoire militaire. C'est une sorte de base de données vivante répertoriant les informations sur toutes les personnes associées à l'escadrille héroïque. Dans ses archives, on a retrouvé une drôle d'histoire concernant le médecin Georges Lebedinsky. Un jour, alors qu'il devait rendre visite à un patient, il s'est envolé sur le biplan U-2 conduit par le pilote Jacques André. A l'atterrissage, le pilote a eu les jambes bloquées sous le tableau de bord en raison d'un mouvement brusque de l'appareil. Georges, qui avait sur son uniforme l'insigne de médecin, a demandé au premier de ses confrères rencontré: « Vous avez une scie? » « Septique ou aseptique? », a demandé en réponse son collègue russe.
Bien sûr, il y a surtout eu des épisodes tragiques dans l'histoire du médecin militaire. Pierre Leroux, cousin du Général Pierre Pouyade, qui a commandé l'escadrille du 17 juillet 1943 au 12 décembre 1944, observe avec admiration et tristesse: « Voler dans les conditions climatiques de la Russie dans des avions non chauffés quand vous avez 20 ans... Ils atterrissaient, buvaient une tasse de thé pour se réchauffer, et de nouveau repartaient vers le ciel. C’est absolument terrifiant, ce qu’ils ont fait ! D’ailleurs, la moitié est partie, ils sont morts ». Pierre Leroux dirige l'association réunissant membres de la famille des participants de l'escadron, et plus tard du régiment Normandie-Niémen. Il constate avec regret qu'on ne connaît pas bien en France l'histoire de l'escadrille, et que « les Français n’ont pas cette culture des souvenirs, si tenace chez les Russes, par rapport à la Seconde Guerre mondiale ».
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