Maison Pachkov

Aujourd'hui la maison Pachkov est un dépôt des collections de livres rares. Crédit photo : Lori/LegionMedia

Aujourd'hui la maison Pachkov est un dépôt des collections de livres rares. Crédit photo : Lori/LegionMedia

 

Les collections de la Bibliothèque d'Etat de Russie occupent un quartier entier de Moscou. De nombreux livres s’y trouvent et sont aujourd’hui numérisés. Le bâtiment le plus ancien du complexe, la Maison Pachkov, a une riche histoire liée à de multiples légendes.

La colline du Vieux-Vagankovski de Moscou est très probablement le seul endroit d’où l’on peut regarder le Kremlin de haut en bas. A cet endroit, depuis 1564, se trouve une maison ayant appartenue à l’un des « Opritchniki » d’Ivan IV Le Terrible (police politique crée par Ivan Le Terrible) avant de devenir la résidence du Tsar lui-même. On estime qu’enfoui profondément sous terre s’y trouve la célèbre bibliothèque d’Ivan Le Terrible – « La Libéria » (cette bibliothèque se composait d'une collection de livres et de documents dont le dernier propriétaire fut Ivan IV Le Terrible. Selon certaines sources, cette bibliothèque aurait été égarée ou cachée par le tsar). Conformément à la légende, elle aurait appartenu initialement aux empereurs byzantins. Après la chute de Constantinople, la collection de livres a été emmenée à Rome, puis transférée à Moscou en qualité de dot de la princesse Sophie Paléologue, fiancée du prince moscovite Ivan III. La « Libéria » fut transmise en héritage à leur petit-fils, Ivan IV Le Terrible.

Chiffres et faits :

Pour la conservation des 41 315 500 exemplaires, on utilise une superficie équivalente à 9 terrains de football.


Chaque employé de la bibliothèque est responsable de 29 830 exemplaires.


Pour visualiser une minute de chaque ouvrage de la bibliothèque, il vous faudra 79 ans sans dormir et sans vous reposer.


Le nombre de personnes qui peuvent travailler, au même moment, dans les salles de lecture de la bibliothèque et sur les ordinateurs est équivalent au nombre de passagers de quatre trains.


Pour le transport du parc informatique de la bibliothèque, 25 camions seraient nécessaires.

Comme la bibliothèque devait se trouver ici, on peut seulement l’imaginer, mais, selon une des légendes, Ivan IV Le Terrible venait chez sa mère, qui vivait sur la colline du Vieux-Vagankovski, par un tunnel souterrain depuis le Kremlin. A ce jour, il existe encore un puits, qui pourrait conduire à ce tunnel. Valeri Manjos, directeur du service d’exploitation de l’ensemble architectural La Maison Pachkov, raconte : « Les origines de ce puits ne sont pas claires, il y a des millions de versions, mais aucune description certifiée des raisons pour lesquelles il a été construit. L’âge du puits n’est pas déterminé non plus, entre deux mille ans et quelques centaines d’années ». La bibliothèque est perdue et agite aujourd’hui l’imagination des écrivains et journalistes. On ne sait pas s’il s’agit là d’une trace confirmant la légende ou d’une simple coïncidence mystique, mais quelques siècles après Ivan IV Le Terrible, sur cette colline précisément, se trouve le bâtiment de la plus grande bibliothèque publique russe.

A la fin du XVIIIème siècle, l’officier du régiment élitaire Semionovski Pierre Pachkov fit construire ici une résidence classique, l’un des plus beaux et mémorables bâtiments de Moscou, et peut-être même de toute la Russie. Le projet architectural est né de la main de Vassili Bajenov, qui a également construit le Château des Ingénieurs de Paul I à Saint-Pétersbourg et le Palais Catherine de Catherine II à Moscou. Contrairement à d’autres hôtels particuliers de Moscou, la Maison Pachkov a pu conserver jusqu’à nos jours son aspect d’origine.

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Les livres secrets

Cela fait 150 ans cette année que la Maison Pachkov est devenue le dépôt des collections de la bibliothèque du musée Roumiantsev. Le Comte Nicolaï Roumiantsev, dont la bibliothèque depuis longtemps porte le nom, est le premier propriétaire d’une collection unique de livres, manuscrits, pièces de monnaie et autres collections ethnographiques. Il a été nommé le Christophe Colomb d’antiquités russes. Il n’achetait pas simplement des raretés, il était un véritable érudit d’histoire et de culture. Il a légué tous ces trésors « au profit de la patrie et d’une bonne instruction » : ces mots couronnent d’ailleurs toujours la façade de la Maison Pachkov. Après la mort du mécène en 1826, selon son testament, la collection fût léguée à l’Etat. Par la suite, l’Empereur Alexandre II ordonna le transfert du musée de Saint-Pétersbourg – son emplacement initial – à Moscou.

Un des lecteurs de la Bibliothèque publique Roumiantsev, pendant près de quarante ans, était le célèbre écrivain Léon Tolstoï. En l’honneur de celui-ci, à côté de la section des manuscrits, jusqu’en 1939, était installé le bureau de Tolstoï, dans lequel étaient conservés les manuscrits de l’écrivain, transmis à l’époque au musée par son épouse la Comtesse Sophie Andreevna Tolstoï.

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Après la Révolution d’Octobre 1917, le musée Roumiantsev a été dissout. La bibliothèque et la section des manuscrits furent rebaptisées Bibliothèque Lénine et acquirent le statut de Bibliothèque d’Etat. Profitant de ce privilège, « Leninka » a récupéré toutes les œuvres abandonnées, les collections sans propriétaire et nationalisées. La collection a alors quadruplé. De plus, la Bibliothèque Lénine était autorisée à conserver les manuscrits et livres interdits par la censure soviétique. C’est pour cela que, malgré les années de répressions et les nettoyages idéologiques soviétiques, ont pu y être conservés jusqu’à nos jours les ouvrages d’artistes délaissés : exilés universitaires, écrivains, philosophes, artistes et membres de divers clubs littéraires et associations, très nombreux dans les années 1920.

Au XXème siècle, en raison d’une grave pénurie de place, a commencé la construction d’une bibliothèque pour accueillir les collections. Au début de la guerre, sa construction n’était pas encore achevée, mais, craignant un incendie de la Maison Pachkov qui était en bois à ce moment là, le personnel a immédiatement organisé un déménagement dans un nouveau bâtiment en béton. N’étant pas possible à l’époque d’assurer un transfert mécanique, les employés ont dû transporter à la main plus de 600 caisses de livres par jour.

Pendant la guerre, la salle de lecture de la Maison Pachkov était ouverte aux visiteurs. Une des employées de la bibliothèque, Zoya Koltchina, se rappelle : « Dans la bibliothèque il faisait chaud, c’était confortable, sur de longues tables brillaient des abat-jours verts. Le système de classement des livres était primitif, mais il nous a sauvés. Les livres et journaux du stock principal étaient transmis dans une boîte contreplaquée glissant le long d’un câble jusqu’à au récepteur aérien de l’ancien bâtiment ».

A la fin du siècle dernier, la Maison Pachkov a fortement souffert : sous celle-ci fut construite la station de métro Borovitskaïa, et ses fondations n’ont pas résisté, les solivages étaient fissurés. Les autorités moscovites ont entamé une rénovation, mais les travaux furent arrêtés à cause du manque d’argent. « Avant la restauration, passait en sous-sol la voie ferrée qui a permis de transférer les livres de la Maison Pachkov au bâtiment principal de la bibliothèque. Il y a 10 ans, les jeunes stagiaires, selon le récit d’anciens habitants, fumaient dans le tunnel, assis sur les wagonnets. Aujourd’hui, les rails et les wagonnets ont été enlevés, mais le tunnel est toujours là », raconte Valeri Manjos.

Heureusement, les moyens de financer les travaux ont quand même pu être trouvés et la Maison Pachkov a pu être restaurée en 2007. Aujourd’hui, dans les murs de ce bâtiment, se cachent encore des livres rares, un stock de cahiers de musique  et des cartes. Julia Vichniakova, membre du département de recherche sur les livres rares, affirme : « Nous gardons les livres précieux, des monuments de la littérature comme l’on dit : des éditions datant  de Albrecht Dürer ou Alexandre Pouchkine. Nous avons une édition des célèbres fables de Krylov de 1855. La police de caractères utilisée pour imprimer ce livre était en argent. La perle du dépôt est la collection de livres produits par la société typographique hollandaise de la fin du XVIème siècle appartenant à la famille Elzevier. Leur caractéristique est d’avoir un format plus petit, adapté aux voyages. »

Le plus ancien, le plus vaste et sans doute le plus secret département de la Maison Pachkov est le dépôt des manuscrits. « Il est difficile d’accéder au département des manuscrits et dans le dépôt. Quatre membres du personnel du fonds de l’Académie théologique de Moscou travaillent à la numérisation des livres », explique Manjos. « La superficie totale de la Maison Pachkov est de 4000 mètres carrés. En dehors du dépôt proprement dit, au sous-sol se trouvent trois pièces de dépôt, où l’on peut se rendre puisque dans le dépôt les conditions de température et d’humidité nécessaire à la conservation sont assez peu accueillantes ».

Dans toute la Bibliothèque Lénine se trouvent plus de 40 millions d’œuvres, dont une partie est déjà numérisée : un processus toujours en cours et qui devrait se terminer en 2015. Tous les documents qui sont sous format électronique sont accessibles par Internet. Mais cela ne signifie pas que la bibliothèque se videra de ses visiteurs et que les livres y prendront la poussière. Les livres électroniques ne sont pas encore prêts à remplacer les livres imprimés.

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