Syrie : la position russe évolue

Le 18 avril 2012 le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a rencontré une délégation syrienne du Comité national de coordination pour le changement démocratique (CCN). Crédit photo : AP

Le 18 avril 2012 le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a rencontré une délégation syrienne du Comité national de coordination pour le changement démocratique (CCN). Crédit photo : AP

« L'opposition syrienne armée tente de provoquer un regain de violence dans le but de rompre la trêve et, par la suite, d'obtenir un prétexte pour exiger la mise à la trappe du plan Annan ». C'est ce qu'a déclaré le 18 avril le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. En dépit de ces graves accusations, Moscou cherche à établir un dialogue avec l'opposition, en particulier avec les groupes d'opposition qui œuvrent pour un règlement politique en Syrie.

Simultanément, le ministre russe a déclaré que Moscou évoquait constamment « la nécessité pour tous ceux qui ont une influence sur les divers groupes d'opposition, en particulier sur l'opposition armée, de l'utiliser pour le bénéfice du peuple syrien, ainsi que de transmettre une exigence ferme : ne pas tolérer de provocations et respecter le cessez-le-feu conclu ».

Ces appels sont principalement destinés aux États-Unis et aux pays d'Europe occidentale. Car tout en soutenant le plan de paix en Syrie, élaboré par l'émissaire spécial de l'ONU Kofi Annan et approuvé par le Conseil de sécurité, ces pays fournissent également une aide économique et un soutien politique du Conseil national syrien (CNS), qui est basé en dehors du pays et soutient une intervention militaire étrangère.

Le Conseil national syrien n'a pas encore officiellement accepté le plan Annan et refuse le dialogue politique, mettant en avant sa réticence à traiter avec le président syrien Bachar el-Assad. Cependant, le plan Annan est basé précisément sur le lancement d'un dialogue entre le Gouvernement et l'ensemble du spectre de l'opposition syrienne.

Conscient que les partenaires occidentaux ne sont pas décidés à pousser l'opposition vers des négociations, Moscou cherche à établir de son côté des contacts avec les adversaires constructifs du régime d'Assad. Le 17 avril, le ministère russe des Affaires étrangères a rendu compte d'une réunion de M. Lavrov avec une délégation syrienne du Comité national de coordination pour le changement démocratique (CCN).

Le CCN, qui comprend principalement des groupes laïques de gauche, ainsi qu'un certain nombre de groupes nationalistes, constitue aux côtés du CNS une faction clé de l'opposition syrienne. Cependant, contrairement à ce dernier, il est principalement basé en Syrie, et souhaite instaurer un dialogue politique visant à réformer le système politique de Syrie. En outre, il s'oppose à une ingérence étrangère, ce qui a conduit à une confrontation avec le CNS.

Un autre groupe de l'opposition syrienne s'est rendu à Moscou aux alentours du 20 avril, comme l'a rapporté le vice-ministre russe des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov. Selon lui, cette délégation a été conduite par un chef de file du Front pour le changement et la libération, qui représente également l'opposition syrienne interne.

En octobre, une délégation du Front a visité Moscou. A l'étranger, le Front est devenu célèbre pour avoir refusé de prendre part à la première réunion des « Amis de la Syrie » en Tunisie, son chef Qadri Jamil ayant déclaré : « La réunion ne vise pas à résoudre les problèmes de la Syrie. Elle est utilisée par des pays dirigés par les États-Unis comme un coup de publicité pour trouver une voie en vue d'une ingérence étrangère ». Le Front déclare qu'il représente la majorité silencieuse de Syrie et prétend jouer le rôle de médiateur entre le gouvernement et des forces d'opposition disparates.

« Le principal problème de l'opposition est qu'elle n'a pas de leader charismatique qui serait en mesure de contrôler les dirigeants de divers groupes et tribus ethniques, ainsi que des groupes politiques », estime Evgueny Satanovsky, le président de l'Institut du Moyen-Orient. « Burhan Ghalioun, le leader formel du CNS, un intellectuel formé en Europe, admet par exemple que son autorité personnelle en Syrie et au sein du CNS est très faible ».

Selon les experts, le CCN, qui opère dans le pays et a une certaine légitimité pour négocier avec le régime d'Assad et dont les dirigeants sont fermement opposés à toute intervention en Syrie, a une chance de prendre part à des réformes internes dans le pays, plus que les forces soutenues par l'Occident. « Mais le principal problème réside dans le fait que la somme de près d'un milliard de dollars investie dans la campagne contre al-Assad va alimenter la guerre civile pendant une longue période. L'argent a été investi dans la confrontation, pas dans la réconciliation », constate sombrement M. Satanovsky.

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