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Le ministère de la Défense russe a publié sur son site Internet un document sans précédent intitulé : « Approche conceptuelle de l'activité des forces armées de la Fédération de Russie dans le cyberespace ». Presqu'au même moment, Dmitri Rogozine, le vice-premier ministre russe, a annoncé la possible création d’un « commandement cybernétique » dont le but serait de sécuriser les informations de l'armée. Manifestement, les autorités militaires russes se soucient de relever le défi de la modernité.
Héritage et perspectives
Avant même l’époque de la Révolution d'octobre, les questions relatives au recueil et au traitement rapides de l'information, comme celles liées à l'impact et à la contre-action dans le domaine de l'information, ont toujours joué un rôle important dans le dispositif militaire russe. Les moyens techniques de transmission et d'analyse ont changé, mais les principes de base sont restés identiques : recherche constante de données sur l'adversaire, réactivité et résistance face à ses ripostes, élaboration d’un vaste système pluri-strates de désinformation. A l'époque soviétique, l'objectif prioritaire était l'impact info-psychologique sur le contingent de l’URSS et sur le corps militaire de l'adversaire.
Dans un contexte où Internet fait du monde un seul bloc et où les possibilités d'accès aux données, tout comme la gestion des flux d'information, se sont brusquement élargies, l'importance du travail sur l'information est devenue cruciale. L'espace global des données est en effet devenu un théâtre d'opérations militaires où réussites et échecs peuvent considérablement influencer les événements du monde réel.
L'effondrement de l'URSS et ses conséquences, parallèlement à l'essor spectaculaire des technologies d'information, n'ont pas contribué au développement de l'armée qui s'est alors retrouvée dépassée par ses éventuels adversaires dans de nombreux domaines importants comme celui des guerres informatiques.
Pendant ce temps, les « adversaires éventuels » n'étaient pas en sommeil. Des structures spéciales ont été créées au sein des forces militaires des pays développés. Elles ont été conçues pour être en mesure d’effectuer des attaques dans le cyberespace et de vastes objectifs leur ont été assignés allant de la recherche active d'informations cruciales sur l'ennemi jusqu'à la guerre de propagande, à l’interception des données et à la destruction physique des équipements, grâce aux capacités de l'informatique contemporaine et notamment des virus.
Les buts de l’approche conceptuelle
L’approche conceptuelle publiée par le ministère de la Défense est le premier document cadre de ce genre diffusé par les forces militaires russes. Il pourrait devenir la base d'une véritable stratégie de « guerre dans le cyberespace ». Pour l'instant, le texte n'évoque pas les offensives que l’on peut y mener mais plutôt les moyens de résister aux actions de l'ennemi, d'empêcher et de résoudre les conflits. En même temps, cette approche présente un certain nombre de points prometteurs.
Tout d'abord, il s'agit de reconnaître que les cyber conflits utilisant l’arme informatique sont des conflits militaires. De facto, les actions militaires dans le cyberespace sont équivalentes à une guerre ordinaire et la Russie conserve son droit de riposter à une agression par tous les moyens techniques nécessaires. Ce point est très important. Une cyber défaite peut en effet coûter aussi cher qu’une campagne militaire qui échoue et engendrer de sérieux problèmes de sécurité pour le pays tout entier dans la sphère réelle. Reconnaître une cyber guerre comme une forme d'action militaire permet de considérer les initiateurs, les coordinateurs et les participants de ces actions comme des combattants, avec toutes les conséquences qui en découlent.
Le texte prévoit également une interaction avec les alliés de la Russie qui sont devenus les cibles d’attaques de ce nouveau type. C'est une approche naturelle, car laisser ses alliés sans défense dans une telle guerre c'est risquer de les perdre plus rapidement que dans les conditions d'une guerre traditionnelle.
Le nouveau document du ministère de la Défense sera sans doute développé au point de devenir un véritable règlement définissant l’action des forces militaires russes lors d'une cyber guerre. Du point de vue de la défense de l'Etat, la nécessité d'un tel règlement est évidente. Tout comme la nécessité de créer un commandement spécial pour mener des actions dans l'espace informatique. Reste à savoir à quelle vitesse cette évidence sera mise en œuvre dans la doctrine et la pratique de la défense russe.
L'auteur de l’article est observateur
militaire pour la Voix de la Russie.
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