Crédits photo : AP
Depuis quelques semaines, la télévision fédérale semble avoir levé un tabou fondamental qui la caractérisait ces dernières années : la critique du pouvoir en général et de Vladimir Poutine en particulier
D’habitude, la télévision fédérale fait l’impasse totale sur n’importe quelle manifestation anti-Kremlin et ne donne pas accès à l’antenne nationale aux opposants du régime de Vladimir Poutine. Mais le 10 décembre, après le plus grand rassemblement de masse à Moscou en dix ans, pour dénoncer des élections législatives falsifiées, à la surprise générale, les chaînes d’État ont ouverts leurs journaux télévisés à cet évènement. Elles ont montré (non sans la minimiser) l’ampleur de la manifestation. Mais elles n’ont pas pu s’empêcher tout de même d’angler les reportages sur le comportement exemplaire de la police (qui, pour la première fois n’avait pas usé de la évmatraque contre les opposants) et ne se sont pas attardé sur l’une des revendications principales des manifestants : le refus de voir Poutine revenir au Kremlin. Dans les semaines qui ont suivi, les représentants de l’opposition, comme Boris Nemtsov, Vladimir Ryjkov ou Gary Kasparov, bannis du petit écran depuis des années, sont apparus à l’antenne, dans le cadre de reportages, ou même en tant qu’invités de talk-shows.
« En arrivant au pouvoir en 2000, Vladimir Poutine s’était empressé de mettre au pas la télévision pour en faire un instrument de propagande », explique le sociologue et politologue Arthur Welf. En douze ans, la télévision russe est devenue la voix et le visage du régime, chantant les louanges de ses leaders, noircissant dans d’offensives campagnes de diffamation ses détracteurs, réels ou présumés. La popularité nationale de Vladimir Poutine est largement tributaire de son image véhiculée par une télévision qui demeure la seule source d’information pour la majeure partie de la population.
« Il ne faut pas se leurrer, il n’y a pas de révolution dans les médias, et les chaînes vont continuer à traiter l’information de façon biaisée et sélective », analyse Irina Borodina, experte des médias pour le journal Kommersant. « En même temps, il est devenu impossible de taire des rassemblements de dizaines de milliers de personnes au centre de la capitale ». Selon les experts, pour la plupart incrédules quant à une véritable libéralisation des médias d’État, il est dans les intérêts de la campagne présidentielle de Vladimir Poutine d’ouvrir la télévision au débat, même limité et contrôlé. « Rendre un peu de liberté d’expression aux médias permettra à Poutine, une fois élu, de nier les accusations selon lesquelles ces médias travaillaient à sa campagne », conclut Welf.
Le président Medvedev a annoncé la création prochaine d’une télévision publique, indépendante du pouvoir, mais sur la base d’un chaîne d’État. Le candidat Poutine affiche son intention de discuter avec l’opposition, mais il a refusé de participer à des débats télévisés. Et la première chaîne d’État, Rossiya 1, a décidé de suspendre jusqu’aux élections toutes les émissions-débat trop virulentes : pour rester impartiale, assure la direction, pour éviter une critique trop âpre de Poutine, estiment les experts.
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