Crédits photo : Natacha Romanova
C’est dans des conditions extrêmes qui en auraient dissuadé plus d’un (20 degrés en dessous de zéro) qu’une centaine de jeunes et moins jeunes – quelques professeurs étaient aussi de la partie pour soutenir leurs élèves – se sont regroupés durant trois heures pour revendiquer leurs droits. Une tribune, un mégaphone, quelques drapeaux et banderoles et un bon bol de bonne humeur. Les organisateurs insistent beaucoup sur le côté ludique du rassemblement : « Nous ne voulons pas nous limiter à un concours de devises, chacun doit se sentir libre d’exprimer sa créativité ». Poèmes revendicatifs, chansons à la guitare (et sans gants !), atelier de slogans avec cartons et feutres mis à disposition pour faire ses propres pancartes, point troc de bouquins et disques, boîte à « idées constructives » et bien sûr une « cantoche », avec bouillie de sarrasin et du thé chaud pour tenir.
Tous ces jeunes sont réunis devant la tribune sous la bannière: « En réponse à leurs falsifications, notre autogestion ! » Car l’organisation Action étudiante est apparue dans le sillage des manifestations massives de décembre 2011, vague sans précédant de protestation civile au lendemain des élections législatives, et des accusations de falsifications. Le mécontentement dans le milieu estudiantin existait depuis longtemps déjà, mais le sentiment d’impuissance semble s’être enfin mué en une ferme volonté d’agir. Pour le moment, l’organisation n’a aucune structure juridique, mais il en faudrait plus pour l’arrêter.
L’initiatrice du mouvement, Ksenia Ermochina, 23 ans, étudiante charismatique de l’Université européenne de Saint-Pétersbourg, à tout du leader qu’elle nie être : « Le principe même de notre association est l’absence de toute hiérarchie et de tout autoritarisme. Nous prônons l’autogestion ». Après des études de sociologie à Paris et un mémoire intitulé Occupation des locaux universitaires, c’est avec un bagage rempli de théorie et de pratique sur les mouvements étudiants qu’elle rentre en Russie avec l’intention d’y appliquer ces préceptes tout en les adaptant. La France est, sur ce point, un modèle indéniable, avec une histoire du mouvement étudiant qui remonte à plus d’un siècle (l’UNEF existe depuis 1907).
A Saint-Pétersbourg, ils sont une poignée aujourd’hui à développer ce projet dont l’objectif principal est d’améliorer le quotidien universitaire russe et de créer un réseau national d’action. « Les revendications peuvent paraître banales mais il faut commencer par l’essentiel », explique Pavel Arseniev, membre actif de l’association. Augmentation des bourses et de la qualité de l’enseignement, baisse du prix des restaurants et logements universitaires, mais aussi participation aux processus décisionnels, création de conseils des étudiants, transparence des budgets et lutte contre la corruption du personnel enseignant. Certaines actions locales ont déjà porté leurs fruits, comme le boycott de la cantine universitaire qui a débouché sur une baisse des prix des repas de 20%. « Ce genre d’exemples doivent servir à prouver l’efficacité de notre association et pousser les étudiants à adhérer et à prendre les choses en main », ajoute Pavel.
Les organisateurs sont conscients que ce n’est que la genèse du mouvement et que tout reste à faire. « L’objectif premier à atteindre est de créer, dans chaque établissement, une cellule d’Action étudiante. Trois quatre membres suffiraient à l’organisation pour commencer à avoir une influence concrète et obtenir des résultats », affirme Ksenia.
Aujourd’hui, le noyau dur d’Action étudiante se compose d’une quarantaine de membres, et leur groupe VKontakte (équivalent russe de Facebook) compte près de 500 membres. Les réseaux sociaux sont, à défaut de financement, le meilleur moyen de se faire connaître et leur outil principal de communication. Ils sont bien sûr en contact avec les rares cellules similaires déjà existantes dans d’autres villes comme à Moscou, Oufa et Mourmansk, et leur but est de les regrouper pour s’unir en un réseau national efficace.
Ces étudiants qui veulent se battre pour leur droits sont la société civile de demain et ils veulent avoir leur mot à dire. Sentant le potentiel, certains politiques tentent déjà de les « récupérer » en leur promettant des financements, mais l’Action étudiante tient bon. Pour eux, l’essentiel reste de garder leur indépendance. Pour aller plus loin...
Site de l’association :http://studaction.wordpress.com
Groupe Facebook : http://www.facebook.com/groups/stud.action/
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