TITRE : Boris Pasternak
AUTEUR : Dmitri Bykov
ÉDITIONS Fayard
TRADUIT par Hélène Henri
En 1958, au faîte de sa gloire, Boris Pasternak se voit attribuer le prix Nobel qu’il doit refuser. Curieusement, lui qui a tutoyé le pouvoir, qui a osé intercéder en faveur de ses amis persécutés sans jamais prêter allégeance, est devenu paria dans son pays. Il n’a que deux craintes : être déchu de sa nationalité, contraint à s’expatrier, et voir réquisitionner la datcha de Pérédelkino où il vit depuis 1936 dans une sorte d’ascèse tolstoïenne, entre la plume et la bêche, le bureau et le potager.
Pasternak avait accueilli la Révolution favorablement, puis l’ordre stalinien
comme un remède salutaire au chaos. Il faudra la guerre pour qu’il déchante et
se tourne vers les valeurs slavophiles : la foi, l’amour pour le peuple et pour
sa terre. Par quel miracle Pasternak, qui a vu arrêter et persécuter ses amis
poètes (Mandelstam mort en camp, Akhmatova bâillonnée, atteinte à travers son
époux et son fils, Tsvetaeva qui choisit de se donner la mort), a-t-il pu
traverser sans dommage l’époque stalinienne ? Pendant toutes ces années, il n’a
pas joui d’autre privilège que celui d’être laissé en vie. Ses vers ne sont pas
publiés, il vit de traductions, mais il se permet des prises de position et des
propos que peu s’autorisent même en pensée. « Nous ne toucherons pas à cet
habitant des cieux », aurait déclaré le maître du Kremlin. Staline, dit le
biographe Dmitri Bykov, accordait à la poésie une puissance égale à celle du
pouvoir. Il ajoute : « Qui se sait vulnérable est condamné ». Pasternak, lui,
avait foi en sa bonne étoile, en son talent, en la force de son travail ; il
avait peu de choses à perdre et n’était pas la proie de la peur qui dévorait
ses contemporains.
La biographie que Dmitri Bykov lui consacre est un monument : par la
personnalité de Pasternak et de ses contemporains que l’on retrouve dans ces « regards croisés » : Blok, Tsvetaeva, Maïakovski, Mandelstam, Staline, Akhmatova ; par la taille - quelque mille pages ; par l’ampleur du travail
d’investigation et d’analyse ; par la virtuosité de l’auteur et de la
traductrice, aussi. Bykov a utilisé tous ses talents de poète, de romancier, de
critique et de journaliste pour élaborer un ouvrage mêlant éléments factuels et
points de vue critiques sur l’œuvre, sur l’homme et sur son temps. Hélène
Henry a permis l’impossible : nous faire entendre, à travers le vacarme de
l’époque, le chant du poète. Le résultat est un ouvrage passionnant, vibrant
d’intelligence, indispensable.
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