Un frein aux démarches individuelles

Katia Vilarasau, son mari et leur enfant adopté. Crédit : archives personnelles.

Katia Vilarasau, son mari et leur enfant adopté. Crédit : archives personnelles.

Dans le cadre du seizième séminaire intergouvernemental ­France-Russie, qui s’est déroulé à Moscou au mois de novembre, un accord bilatéral sur la coopération dans le domaine de l’adoption d’enfants russes a été signé par les deux pays.  Cet accord a été reçu avec inquiétude par l’association APAER, qui rassemble les familles ayant adopté des enfants de Russie. Son ancienne présidente, Katia Vilarasau, a répondu à nos questions.


D’où viennent vos craintes ?


Les adoptions individuelles ne seront  plus possibles pour les Français en Russie. Il ne restera plus que trois agences accréditées (l’AFA et 2 OAA) qui, même en fonctionnant merveilleusement bien, ne pourront pas faire face à la demande.

Comment se déroulaient les adoptions jusqu’ici ?


Les Français ont commencé à accueillir des enfants russes à la fin des années 1990. Il existait deux voies au début : indivi­duelle ou via une agence. Pour la première, il fallait obtenir une autorisation de l’administration française, passer un examen, obtenir les papiers exigés par les autorités r­usses, venir en Russie pour une audition au ministère. Ou alors, on pouvait s’adresser à une a­gence officielle, basée en Russie, autorisée à accomplir des adoptions. Mais dans ce cas il fallait s’armer de patience. Il n’existe que tro is agence de ce type et chacune ne peut traiter que 50 à 60 dossiers par an.

Existe-il des problèmes particuliers liés à l’adoption en Russie ?


Chaque pays exige des rapports de la part des familles ayant adopté. La Russie en exige quatre. Le premier, six mois après la décision du tribunal, puis au bout d’un an, et pendant trois ans. Dans certaines régions, comme Ekaterinbourg, il faut fournir des rapports jusqu’à ce que l’enfant ait 18 ans.

 

En quoi ces difficultés nuisent-elles au processus d’adoption ?


En 2009, les autorités russes ont dressé une « liste noire » de ­toutes les organisations qui auraient omis de présenter ne serait-ce qu’un seul rapport. Cette liste, aujourd’hui, interdit l’adoption en Russie aux familles résidant dans 53 départements français, dont Paris, c’est-à-dire plus de la moitié du pays. Les papiers ont été perdus par quelqu’un ; résultat : toute la région est punie.

 

Combien de familles françaises attendent leur tour aujourd’hui ?


Il y a près de 1 000 familles sur la liste de l’AFA, mais certainement beaucoup plus en réalité. Au moins 1 200 à 1 500 familles seraient heureuses d’adopter un enfant en Russie.

Pourquoi les Français choisissent-ils des enfants en Russie ?


Surtout pour le sérieux de la procédure d’adoption en Russie, et la proximité culturelle et historique des deux pays.

 

Vous-même l’avez choisie…


Oui, nous avons adopté notre fils dans la région d’Irkoutsk. Il fallait faire 26 heures de route depuis Irkoutsk pour arriver dans sa ville natale, Ust-Ilimsk. Il avait sept mois. Nous sommes arrivés dans un petit orphelinat, et avons été accueillis par un personnel attentionné, des nourrices qui s’occupaient très bien des enfants. Nous étions les premiers étrangers à être allés si loin. La directrice nous a fait visiter l’orphelinat : la cuisine, le préau, et des enfants d’une autre section, un peu plus vieux, de 18 mois à trois ans. Quand nous sommes entrés, ils étaient assis en train de goûter. Ils se sont tous figés en nous voyant, comprenant que cela pouvait être papa ou maman. Ils nous regardaient, sans bouger, comme des statues. Un petit garçon s’est levé subitement et nous a tendu son biscuit. Nous étions bouleversés.

 

Certaines familles, dit-on, aident l’enfant  à oublier la Russie en identifiant ce pays au malheur ?


Je pense que c’est très rare. Les familles françaises sont généralement fières de leurs enfants adoptés en Russie et n’ont aucun désir de tout détruire. La ­preuve : quand nous organisons tous les ans une fête du Nouvel An à l’ambassade de Russie à Paris, de plus en plus de familles expriment leur désir de participer, bien que beaucoup doivent venir de loin à leurs frais.

Les adoptions d'enfants russes en France


Infographie de Niyaz Karim 


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