Les slogans sur les pancartes : « Élections honnêtes », « Médias indépendants ». Crédits photo : Ruslan Sukhushin
Les manifestants réclamaient l’annulation des élections législatives du 4 décembre, entachés par une fraude électorale massive. La mobilisation sans précédent signale le réveil de la société civile russe et une campagne présidentielle plus complexe pour Vladimir Poutine.
L’hiver russe préface-t-il un nouveau « printemps arabe » ? « S’ils croient que nous nous préparons à prendre d’assaut le Kremlin, ils n’ont vraiment rien compris ! » lance une jeune manifestante goguenarde, face à une longue chaîne de policiers à moitié gelés sous leurs casques. Surprise, les autorités ont gardé leur sang froid face à la plus grosse manifestation de l’opposition russe depuis 1993. Pas de heurts entre les 50 000 policiers déployés et autant de manifestants, qui scandaient « Poutine voleur » et « Nous voulons des élections libres ». Jusqu’ici, les défilés anti-Kremlin se terminaient toujours par de multiples arrestations et des violences policières. C’est une demi défaite pour le Kremlin, qui n’a pas su empêcher cette mobilisation massive, et c’est une demi victoire pour l’opposition, qui n’a pas rassemblé autant qu’elle l’espérait. 60 000 internautes s’étaient déclarés partant pour défiler sur les sites sociaux russes et Boris Nemtsov, un des leaders de l’opposition libérale, espérait que 100 000 personnes surmonteraient leur peur de la matraque.
La manifestation a démarré vers 13h sur la place de la Révolution, à deux pas du Kremlin et de la place Rouge. Puis, sur ordre les autorités, elle s'est dirigée docilement vers la place Bolotnaïa, à plus d’un kilomètre des murs d’un Kremlin angoissé par une éventuelle évolution sur le modèle des printemps arabes.
Dès 14h, la place Bolotnaïa a commencé à déborder de monde. Toutes les couleurs politiques flottent sur les drapeaux. Du rouge communiste, au blanc des libéraux centre-gauche de Iabloko, au rouge/noir des anarchistes, et au tricolore noir-jaune-blanc des impérialistes. En réalité, une très large majorité défile pour la première fois et n’appartient à aucun groupe politique. « Il faut annuler les élections et jeter en prison leur organisateur Tchourov », s'emporte Dmitri, un étudiant de 22 ans. « Et il est temps d'autoriser tous les partis à présenter des listes » ajoute son camarade Vadim, 22 ans, qui est membre de « Levy Front », un mouvement d'extrême-gauche.
Tous reprennent de bon cœur les slogans anti-Poutine criés depuis la tribune par des leaders de l’opposition libérale comme Iavlinski, Nemtsov, Ryjkov, mais aussi par des personnalités du monde de la culture et des médias. Tous réclament la « libération des prisonniers politiques » Ilia Iachine, (28 ans) et Alexeï Navalny (35 ans), qui ont été arrêtés lors de la première manifestation (lundi 5 décembre) contre la fraude électorale. Bien que cette manifestation ait été autorisée, les deux hommes ont été condamnés à 15 jours de détention. Alexeï Navalny a conçu le sobriquet « parti des voleurs et des escrocs » désormais devenu le sous-titre presque automatique de Russie unie, le parti du pouvoir, qui vient de remporter dans la controverse 238 sièges sur 450 au Parlement.
Reste que le prochain rendez-vous électoral fixé au 4 mars prochain risque encore de provoquer de nombreuses manifestations de colère. Le Kremlin s’est déjà assuré que le scrutin présidentiel sera tout aussi verrouillé que les législatives. Poutine sera face à ses quatre éternels rivaux dénués de charisme, surnommés à Moscou les « rentiers de la politique ». C'est-à-dire l'ami de Poutine Sergueï Mironov (Russie Juste), le tribun docile Vladimir Jirinovski (LDPR), et le fossile communiste Guennadi Ziouganov. L'opposition promet une nouvelle manifestation le 24 décembre, qui selon les organisateurs « mobilisera deux fois plus de monde ». Une distrayante veillée de Noël en perspective pour les Occidentaux.
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