Deux destins dans l’art

Crédits photo : Ruslan Sukhushin

Crédits photo : Ruslan Sukhushin

Des gens avec des mufles d’âne ou des groins de cochon, des crânes, des démons, la mort, des représentations en noir et blanc de Vladimir Vyssotsky, dont les chansons évoquent la vie de toute une génération : voici ce qui scrute, avec un regard perçant, les visiteurs du Musée Pouchkine à Moscou. Une petite salle accueille l’exposition de Mikhaïl Chemiakine, qui coïncide avec la sortie de son livre : Chemiakine. Vysotsky. Deux destins.

42. C’est le nombre de tableaux présentés à l’exposition. Et Vladimir Vyssotsky, l’ami du peintre et sculpteur Mikhaïl Chemiakine, vécut exactement 42 ans. En France, Vyssotsky est davantage connu en tant que mari de Marina Vladi que chansonnier et acteur.

Les experts seront tentés de tracer des parallèles entre les œuvres de Chemiakine et Dali, voire Goya, mais pour l’artiste lui-même, l’essentiel était de transmettre sa propre interprétation des chansons de Vyssotsky. « Beaucoup de textes parlent de nos bonheurs et de nos déceptions, à lui et moi, de choses que nous sommes les seuls à comprendre », explique-t-il.

Marina Vladi écrivait sur Chemiakine et Vyssotsky dans son ouvrage Vladimir ou le vol arrêté : « Je n’ai jamais compris leur amitié, et ce qui pouvait les unir, à part leur talent et leur passion pour les beuveries ». Chemiakine explique : « Chacun a son ange et son démon. Nous avions le démon en commun : nos débauches. Mais il y avait de la lumière aussi : notre travail. »

Les interprétations pénétrantes des chansons célèbres de Vyssotsky proposées par Chemiakine s’appuient sur les souvenirs que l’artiste a gardé de ses conversations avec son ami. Dans l’illustration de la chanson  Le long du précipice, par exemple, l’auteur cherche à montrer ce que ce précipice représentait pour chacun d’entre eux. Selon Vyssotsky, le précipice de Chemiakine, c’est le long couloir d’appartement dans lequel le peintre était envoyé pour ses interrogatoires ou son arrestation. Tandis que pour Vyssotsky, le précipice, c’est la scène : un mot de trop, et c’est le goulag.

Chemiakine explique le titre « Deux destins » : il s’agit de la destinée du poète et du pays dans lequel il a vécu.  Chemiakine vit et travaille depuis de nombreuses années en France, où il est arrivé en 1971 après son expulsion hors d’URSS. Il a rassemblé au Château de Chamousseau une collection unique d’interprétations artistiques de divers objets. L’une des choses qui passionne Chemiakine est le nez. Selon lui, le nez peut être prétentieux, insolemment retroussé, ravissant ou même posséder des caractéristiques humaines : être majestueux, royal ou simplet. Toutes les variétés de nez, jusqu’au nez cuvette de WC, sont présentées dans une collection de gravures, photos, œuvres historiques et littéraires. Il travaille sur une collection, Les trottoirs de Paris, pour laquelle il doit sélectionner 200 images de Paris sur plus de 400 000 présélectionnées, afin de les présenter au public russe.

Biographie :

Mikhaïl Chemiakine est né en 1943 à Moscou. La plus grande partie de son enfance s’est déroulée en Allemagne de l’est occupée, puis en RDA. En 1957, il rentre en URSS, à Leningrad, où il est accepté dans une école d’art de l’Institut Répine. En 1961, il est exclu pour « pervertissement esthétique » de ses camarades.  Pendant trois ans il est traité de force dans un hôpital psychiatrique. Les expositions auxquelles il participe sont fermées. En 1971, Chemiakine est expulsé hors d’URSS. Il s’installe d’abord à Paris, puis en 1981 aux États-Unis, à New-York. Il est autorisé à retourner en Russie en 1989. En 2007, Chemiakine revient en France, à Châteauroux. Il travaille régulièrement à Saint-Pétersbourg.

Quelques œuvres :

Sculpture

Cybelle, bronze (jusqu’en octobre 2006 à Prince Street, dans le quartier de Soho, à New York)

Casanova (Venise)

Pierre I (forteresse de Pierre et Paul, Saint-Pétersbourg)

Au théâtre 

Casse-Noisette au Théâtre Marinskii. Chemiakine dessine croquis, costumes, masques et décors.

Animation

Depuis 2001, Chemiakine travaille dans les studios de Soyouzmultfilm sur la création d’un long-métrage d’animation avec des marionnettes, Hoffmaniada.

Vidéo sur le nez



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